Résumé : Insaisissable, Mario Bava ? Sûrement pas ! Et pourtant… Le réalisateur italien, d’une famille de cinéma à l’instar de Sergio Leone, a exploré tant de genres et de styles qu’on aurait pu se perdre dans la variété de ses Å“uvres du cinéma populaire des années 1960 et 1970. Il n’en est rien. À chaque film, l’œil est attisé par des silos de couleurs et de flashs d’une maîtrise à couper le souffle : son cinéma est un cinéma de désir(s). Cet essai propose pour la première fois un voyage au cÅ“ur de l’esthétique des sens de Mario Bava, le magicien des couleurs.
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Père du cinéma de genre italien, Mario Bava sut concilier aux impératifs économiques des productions à petit budget les exigences artistiques du cinéma d’auteur. Cette particularité associée à la longévité de sa carrière (de l’immédiat après-guerre à la fin des années soixante-dix, période qui correspond à l’âge d’or du cinéma transalpin) explique l’attrait jamais démenti de son oeuvre sur les cinéphiles du monde entier. On ne peut donc que se réjouir de voir publier cet ouvrage qui présente une complétude en tout point louable. Loin de se limiter au caractère chromatique du cinéma de Bava, comme pourrait le laisser supposer le sous-titre de l’étude, Gérald Duchaussoy, directeur de la section Cannes Classics au Festival de Cannes, et Romain Vandestichele, professeur d’Anglais, proposent un panorama exhaustif d’une cinématographie aux images incisives. Ouvrant leur propos par un retour sur le contexte de production italien de l’après-guerre, les deux auteurs soulignent la singularité du statut artistique de Bava. Orfèvre parmi les artisans, le cinéaste se plie aux diktats des films de commande pour développer ses propres thématiques et obsessions visuelles. Ces dernières sont parfaitement appréhendées par Duchaussoy et Vandestichele qui associent à l’approche historique un grand nombre d’analyses de séquences ouvrant leur étude sur certaines pistes de lecture particulièrement stimulantes. Ainsi du rapport de Bava aux acteurs et au néoréalisme, du motif des mannequins de cire, de l’apport musical et sonore dont profitèrent ses films, ou des influences sous-jacentes exercées par la peinture et la sculpture sur sa mise en scène. En résulte la description d’une filmographie déterminée par une valeur illustrative et productrice de ce que les deux auteurs appellent l’«Ultra-cinéma » (un concept qui permet de synthétiser les différents mérites narratifs et formels de l’oeuvre de Bava). Ponctué de références tirées de nombreuses sources (dont un entretien inédit avec Lamberto Bava, fils du réalisateur) et assorti d’une large bibliographie, cet essai réjouira les amoureux du cinéma de Bava, mais pas seulement. Un regret persiste cependant en ce qui concerne l’absence d’illustrations. Pallié en partie par les descriptions très précises des auteurs, ce manque reste bien entendu mineur mais aurait indéniablement pu apporter une qualité supplémentaire à ce formidable ouvrage.
- MARIO BAVA. LE MAGICIEN DES COULEURS
- Auteurs : Gérald Duchaussoy et Romain Vandestichele
- Éditions : Lobster Films
- Date de parution : 14 juin 2019
- Format : 167 pages
- Tarif : 12 €