Les Misérables de Ladj Ly : critique

Publié par CineChronicle le 19 novembre 2019

Synopsis : Un jeune policier de Cherbourg intègre la Brigade Anti-Criminalité de Montfermeil, et découvre les tensions des différents groupes, accompagné de ses deux coéquipiers. Alors qu’une interpellation dérape, un drone filme leurs moindres faits et gestes…

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Les miserables-affiche

Les Misérables – affiche

Prix du Jury à Cannes, en lice pour les Oscars 2020, Les Misérables, premier film de Ladj Ly résonne comme un cri d’alarme. Inspiré de faits réels, le réalisateur de 39 ans porte ici à l’écran l’adaptation de son court-métrage éponyme sorti en 2008, ayant pour point central une bavure policière filmée lors de ses nombreux copwatch. Autodidacte, il s’est exercé pendant plusieurs années au travail de mise en scène grâce au collectif Kourtrajme, créé voici vingt-trois ans suite à la sortie de La Haine de Mathieu Kassovitz.C’est dans ce contexte qu’il livre en 2008 son témoignage poignant de l’intérieur de la cité, à travers son documentaire 365 jours à Clichy Montfermeil relatant les émeutes de 2005. Cette approche nourrit une réalisation au plus près du réel, donnant le ton si juste et percutant du récit. Hormis les trois personnages principaux, le choix d’acteurs non professionnels, habitants de Montfermeil, renforce ce sentiment. À l’image d’excellentes séries américaine comme The Wire, ou française comme La Commune, le réalisateur nous propose une vision réaliste et nuancée du quotidien complexe des banlieues.Clin d’œil au roman de Victor Hugo, dont une partie se passait à Montfermeil, les gavroches vivent ici ballotés entre différents groupes qui contrôlent la cité, qui s’autogère et s’organise autour des bacqueux, des microbes, des lycéens, des frères musulmans, des gitans.

 

Les Miserables

Les Misérables

 

Caméra à l’épaule, Ladj Ly nous livre une œuvre saisissante avec une scène d’ouverture puissante, pleine de vitalité. Les jeunes de la cité arrivent sur les Champs-Élysées, se mêlant à la foule, la France euphorique a gagné la coupe du monde 2018. Le temps d’une soirée, le football, ici unique ciment du peuple, permet à tous de regarder dans la même direction. Le retour à la réalité, brutal, se fait à travers les yeux de ce nouveau policier fraîchement arrivé de province, qui se retrouve plongé dans cet univers pour sa première journée à Montfermeil, initié par ses deux nouveaux coéquipiers de la Bac. Œil extérieur à cette réalité, le spectateur s’identifie facilement à ce personnage, incarné de façon très juste par Damien Bonnard. Alexis Manenti, qui interprète Chris, également coscénariste et complice du réalisateur depuis des années, apporte une dimension moins stéréotypée du personnage du flic vulgaire, et grande gueule.

 

Il est intéressant de voir que son rapport aux habitants est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît, notamment lorsqu’il demande si le club med était complet, alors qu’il échange avec les jeunes qui jouent en plein été sous un soleil brulant au pied des immeubles. On comprend également toute l’ambiguïté de la position de Gwada, interprété de façon très touchante par Djebril Zonga, habitant depuis toujours à Montfermeil, passé « de l‘autre côté » en travaillant à la bac. On nous dévoile ici une réalité plus contrastée de la vie de ces banlieues, où les femmes ne sont pas forcément recluses chez elles, ce sont des femmes fortes, organisées. On ne juge pas les personnages, chacun des protagonistes est représentatif d’un point de vue, avec ses problématiques, ses failles.

 

Les Miserables

Les Misérables

 

Le réalisateur arrive subtilement à parsemer le récit de quelques notes d’humour, essentielles dans cette ambiance de fin du monde. On peut regretter néanmoins certains choix narratifs, notamment la bavure qui arrive un peu trop tard dans l’histoire, et une mise en scène plutôt classique. L’énergie et le rythme n’en demeurent pas moins intenses voire poétiques, lorsque le drone s’envole en surplombant la cité, apportant un moment de respiration, en dehors du temps. Évitant les poncifs du film de banlieue, où nous aurions pu nous attendre à une mise en scène avec montage clip et une BO rap, Ladj Ly choisit de mettre le récit en avant, et de filmer en plans serrés, soutenu par une musique signée Pink Noise, plus électro que rap, accompagnant habilement la montée en tension du récit.

 

C’est un cri d’alarme, un geste politique, nécessaire, qui nous pousse à réfléchir plus loin, sur cette situation que nous savons au bord de l’explosion. On ne peut souhaiter que le meilleur à celui qui représentera dans quelques mois la France aux Oscars.

 

Laura Sztajnkrycer

 

 

 

  • LES MISÉRABLES
  • Sortie salles : 20 novembre 2019
  • Réalisation : Ladj Ly
  • Avec : Damien Bonnard, Alexis Manenti, Djebril Zonga, Issa Perica, Al-Hassan Ly, Steve Tientcheu, Almamy Kanoute, Nizar Ben Fatma, Raymond Lopez, Luciano Lopez, Jeanne Balibar
  • Scénario : Ladj Ly, Giordano Gederlini et Alexis Manenti
  • Production : Toufik Ayadi et Christophe Barrani
  • Photographie : Julien Poupard
  • Montage : Flora Volpelière
  • Décors : Karim Lagati
  • Costumes : Marine Galliano
  • Musique : Pink Noise
  • Distribution : Le Pacte
  • Durée : 1h43

 

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