Synopsis : New York dans les années 1950. Lionel Essrog, détective privé souffrant du syndrome de Gilles de la Tourette, enquête sur le meurtre de son mentor et unique ami Frank Minna. Grâce aux rares indices en sa possession et à son esprit obsessionnel, il découvre des secrets dont la révélation pourrait avoir des conséquences sur la ville de New York… Des clubs de jazz de Harlem aux taudis de Brooklyn, jusqu’aux quartiers chics de Manhattan, Lionel devra affronter l’homme le plus redoutable de la ville pour sauver l’honneur de son ami disparu. Et peut-être aussi la femme qui lui assurera son salut…
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Edward Norton avait fait jusqu’à maintenant son unique passage derrière la caméra avec Au nom d’Anna où il donnait également la réplique à Ben Stiller. Celui qui a incarné le fondateur du Fight Club dans le chef-d’œuvre de David Fincher remet sa casquette de réalisateur avec une adaptation du roman policier Les Orphelins de Brooklyn de Jonathan Lethem. L’acteur-réalisateur-scénariste-producteur, que l’on voit trop rarement à l’écran, y campe Lionel Essrog, un détective atteint du syndrome de Tourette, qui tente de résoudre le meurtre de son ami et mentor Frank Minna (Bruce Willis). Une trame de prime abord simple qui s’avère receler une multitude de sous-intrigues. L’action située à la fin des années 1990 dans le livre est transposée aux années 1950, époque de l’âge d’or du film noir. La photographie de Dick Pope (Mr. Turner, L’Illusionniste) s’amuse avec l’iconographie particulière du New York de cette période pour souligner les codes classiques du genre. Que ce soit par la mise en scène de la ville, les costumes, les références ou encore la BO jazz composée par Daniel Pemberton (Steve Jobs) et le chanteur du groupe Radiohead Thom Yorke, la culture new-yorkaise des fifties occupe une place centrale à l’écran. Au-delà du côté purement esthétique, ce décalage temporel permet également de présenter un rapport différent aux troubles neurologiques.
Les personnages, y compris Lionel lui-même qui dit « vivre avec un anarchiste dans son cerveau », semblent ignorer qu’il s’agit d’une maladie pouvant être diagnostiquée médicalement. Toujours d’un point de vue sociologique, cette modification d’époque apporte aussi un rappel sur le combat des Afro-américains pour ne pas se faire expulser de la ville par les promoteurs immobiliers et refuser la violence tacite à leur égard. Car si la ségrégation raciale n’a jamais eu une valeur législative à New York, contrairement aux États sudistes, la configuration actuelle de la Big Apple est en partie le fruit de politiques racistes mises en place il y a très longtemps. Ainsi, à travers cet aspect daté et ce décor vintage, Norton crée une passerelle avec ce qui se passe actuellement aux États-Unis.
La perspective historique de Brooklyn Affairs semble répondre à une passion du cinéaste-acteur diplômé de Yale dans cette discipline. Malgré ses deux heures trente et sa narration qui s’éloigne souvent du schéma du thriller hollywoodien par des va-et-vient entre les différentes intrigues, l’ensemble tient en haleine les spectateurs de bout en bout. Chaque élément, qu’il soit relatif au passé des personnages ou à l’enquête, est justement valorisé afin que notre curiosité soit continuellement sollicitée. Grâce à un équilibre parfait entre suspense et reconstitution historique admirablement actualisée, notamment par le biais de représentations alors très rarement montrées au cinéma, Brooklyn Affairs est un excellent thriller noir d’époque qui fait subtilement écho à la société d’aujourd’hui.
- BROOKLYN AFFAIRS (Motherless Brooklyn)
- Sortie salles : 4 décembre 2019
- Réalisation : Edward Norton
- Avec : Edward Norton, Gugu Mbatha-Raw, Alec Baldwin, Willem Dafoe, Bruce Willis, Ethan Suplee, Cherry Jones, Bobby Cannavale, Dallas Roberts, Josh Pais, Fisher Stevens, Robert Wisdom, Michael K. William, DeShawn White, Leslie Mann, Joyce O’Connor
- Scénario : Edward Norton
- Production : Edward Norton, Bill Migliore, Gigi Pritzker, Rachel Shane, Michael Bederman
- Photographie : Dick Pope
- Montage : Joe Klotz
- Décors : Beth Mickle et Kara Zeigon
- Costumes : Amy Roth
- Musique : Daniel Pemberton et Thom Yorke
- Distribution : Warner Bros. France
- Durée : 2h25