Livre / L’attrait du sommeil : critique

Publié par Jacques Demange le 26 juin 2020

Résumé : L’enfant doit se coucher mais il a peur du noir. Il retarde le moment où la lumière s’éteindra, dévorée par la nuit. Les ténèbres l’aveugleront bientôt. « Encore une histoire ! » quémande-t-il à ses parents lassés de relire encore et toujours le même conte dont les pages poisseuses commencent à se déchirer. Les adultes ont oublié qu’il s’agit d’une question de vie ou de mort. Le cinéma a cherché, dès l’entrée en gare de La Ciotat dans le train des frères Lumière, à reproduire et conserver le mouvement du monde. Pourtant, les corps endormis traversent silencieusement les films, l’histoire et les histoires du cinéma : chez Méliès, Vigo, Cocteau, se glissent des dormeurs hallucinés, des insomniaques révoltés, des poète somnambules. Par conséquent, pourquoi filmer des dormeurs ? Pourquoi le cinéma a-t-il besoin de se confronter sans cesse à l’immobilité du sommeil de ses personnages ? Faisons une hypothèse : et si le sommeil était le flot souterrain dans lequel se revitalisait sans cesse le cinéma ? Les compromis que nous inventons, enfant, pour éloigner les monstres dévorants ne disparaissent pas avec les années et le cinéma en serait la trace. Les adultes font semblant d’avoir oublié les dangers du sommeil, mais la lutte vitale que livre le cinéma aux monstres de l’enfance est là pour les leur rappeler

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Attrait du sommeil - livre

L’Attrait du sommeil – livre

En partant de l’intéressant postulat que la naissance du cinéma aurait quelque chose à voir avec la formation du rêve, Adèle Bossard-Giannesini, comédienne et ancienne étudiante en études cinématographiques, propose une relecture somnolente de l’Histoire des images en mouvement. De Georges Méliès à Tsai Ming-liang en passant par Bergman, Jarmusch, Rohmer, ou Cocteau, l’auteure balise sa réflexion par différents retours sur des cinématographies à la fois majeures et éclectiques. Moins que le dispositif en lui-même, ce sont donc les films qui intéressent Bossard-Giannesini, faisant de l’analyse de séquence le principal outil de son étude. Cette approche permet en outre d’interroger l’évolution du motif du sommeil au cinéma. Les passages consacrés à Chaplin et Eisenstein sont sur ce point particulièrement instructifs. Le lecteur prend conscience dans le premier cas de la progressive institutionnalisation de la mise en scène cinématographique à partir de la fin des années 1910, tandis que dans le second, le sommeil s’inscrit dans une perspective plus large, la métaphore onirique fusionnant avec le discours politique du film envisagé. Les illustrations (d’excellente facture) qui accompagnent le propos permettent d’insister sur la valeur figurative de ces moments et de souligner les liens et écarts qui régissent les rapports entretenus par les œuvres étudiées (Brigadoon et Les Visiteurs du soir, L’Atalante et Peter Ibbetson). On pourra certes regretter que le corpus d’exemples n’ait pas pu s’épanouir plus grandement (que l’on songe seulement à la filmographie de Christopher Nolan), mais l’une des qualités de l’écriture de Bossard-Giannesini tient justement à sa remarquable concision. Sans rien perdre de la liberté proposée par sa structure (qui, bien que chronologique, s’attache à un film en particulier pour s’en détacher progressivement et brasser un large panel de genres et de registres différents), l’auteure est parvenir à synthétiser un sujet pourtant particulièrement fécond et ainsi assurer la clarté de l’ensemble. Le lecteur prend alors plaisir à prolonger les pistes de lecture offertes par l’ouvrage pour les adapter à son propre panthéon cinéphilique. Preuve que le sommeil, vécu et rêvé dans les salles et sur les écrans de cinéma, n’a rien perdu de son attrait.

 

 

 

  • L’ATTRAIT DU SOMMEIL
  • Autrice : Adèle Bossard-Giannesini
  • Éditions : Yellow Now
  • Collection : Côté cinéma / Motifs 
  • Date de parution : 5 juin 2020
  • Langues : Français uniquement
  • Format : 112 pages
  • Tarif : 12 €

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