Dans un futur proche où la population féminine a été éradiquée, un père tâche de protéger Rag, sa fille unique, miraculeusement épargnée. Dans ce monde brutal dominé par les instincts primaires, la survie passe par une stricte discipline, faite de fuite permanente et de subterfuges. Mais il le sait, son plus grand défi est ailleurs : alors que tout s’effondre, comment maintenir l’illusion d’un quotidien insouciant et préserver la complicité fusionnelle avec sa fille ?
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Un père raconte une histoire à sa fille. Les dix premières minutes de Light of My Life, un plan fixe sur les deux personnages allongés dans une pénombre partielle suffisent à introduire le propos du film de Casey Affleck, l’éducation et sa transmission alors que tout s’effondre. Neuf ans après son premier long-métrage, I’m Still Here, un faux documentaire déjanté porté par Joaquin Phoenix, le frère de Ben Affleck emboîte le pas à son aîné en repassant derrière la caméra pour un projet des plus inattendus. Avec l’errance d’un jeune père (Casey Affleck) et de Rag (Anna Pniowsky), son adorable brin de fille mature et éveillée, l’acteur aborde la dystopie post-apocalyptique sous un angle peu commun, en combinant virus et disparition de la population féminine. Deux thèmes croisés qui raisonnent avec les événements de ces dernières années, marquées par la pandémie et la résurgence de débats féministes. Contraint d’élever sa fille seul, qu’il fait passer pour un garçon, le père se voit confronté aux problématiques sur l’éducation d’une femme dans un monde qui lui est hostile et traque ses semblables pour en faire des éprouvettes destinées à la conception. L’enjeu traditionnel de ce type de canevas (ici moins sombre que celui de La Route) s’en trouve donc modifié, centré la survie de l’enfant, et la garantie de son autonomie plutôt que sur l’utopie d’une vie à deux paisible dans un refuge, bien que l’idée soit évoquée. Cet ancrage dans l’immédiat se ressent dans la réalisation, et les choix de plans fixes plutôt qu’en caméra portée, détails évoqués en marge de la sortie par le directeur de la photographie Adam Arkapaw (Macbeth, Le Roi). En résulte un temps long, monotone, fait de répétitions, d’escales, puis de stratégies de secours inlassablement ressassées. Le duo arpente de grands espaces dépeuplés, et se trouve menacé par la moindre interaction avec des riverains. Une existence fragile, vécue au jour le jour, qui les empêche de se projeter.
Si le périple ne s’écarte pas des sentiers battus, s’autorisant quelques rebondissements éculés du genre, et s’attardant parfois dans une démonstration morale propre à la veine des films bienveillants à message, Light of My Life ne sombre pas pour autant dans le sentimentalisme et la naïveté. Casey Affleck livre ici un drame touchant, à la fois éclairé et pragmatique, conscient des thèmes sociaux qu’il porte – natalité, maternité, ou encore écologie, sujets omniprésents outre-Atlantique – et aborde en douceur, sans en faire complètement le tour, ce qu’on peut regretter.
Un récit délicat, épuré, de l’amour filial qui unit un père à sa fille, – un schéma rare qui fait sens – prunelle de ses yeux dont il souhaite faire un individu indépendant et responsable, en pleine possession de son libre-arbitre. Une expérience émouvante pour rafraîchir ces chaudes journées de canicule du mois d’août dans les salles obscures .
- LIGHT OF MY LIFE
- Sortie salles : 12 août 2020
- Réalisation : Casey Affleck
- Avec : Casey Affleck, Anna Pniowsky, Elisabeth Moss, Tom Bower, Timothy Webber…
- Scénario : Casey Affleck
- Production : Teddy Schwarzman, Casey Affleck, John Powers Middleton
- Photographie : Adam Arkapaw
- Montage : Dody Dorn et Christopher Tellefsen
- Décors : Sarah K. White
- Costumes : Malgosia Turzanska
- Musique : Daniel Hart
- Distribution : Condor
- Durée : 1h59