Blu-ray / Soy Cuba de Mikhail Kalatozov : critique

Publié par Jacques Demange le 17 novembre 2020

Synopsis : La Havane, 1958. Cuba n’est qu’un vaste terrain de jeux pour riches américains et propriétaires terriens sans scrupules. C’est le règne de la corruption, de l’argent, de la luxure. Paysans et étudiants partisans de Fidel Castro se regroupent pour organiser la lutte.

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Soy Cuba - combo DVD Blu-ray

Soy Cuba – combo DVD Blu-ray

Magnifique découverte que Soy Cuba la précédente édition DVD, déjà distribuée par Potemkine, ayant rapidement vu ses stocks épuisés. Authentique (re)découverte car la restauration en Blu-ray conserve les qualités essentielles du film de Mikhail Kalatozov, tandis que le coffret propose de nombreux suppléments de choix parmi lesquels : Le Mammouth sibérien (2005), documentaire de Vincente Ferraz sur le tournage du film, d’instructifs entretiens avec l’historien du cinéma François Albera et la chef-opératrice Claire Mathon, une analyse de séquence rondement menée par Eugénie Zvonkine, enseignant-chercheur en cinéma, une interview de Martin Scorsese qui co-distribua avec Francis Ford Coppola le film aux États-Unis en 1995, et le livret de la correspondance entre Sergueï Ouroussevski, chef-opérateur de Kalatozov, et son épouse. À ces bonus qui font le cachet de ce coffret répond la beauté aussi intemporelle que contextuelle du film. Évoquant le Cuba pré-castriste, Kalatozov confère à sa production une atmosphère ambivalente, proche dans l’esprit de la fable documentaire. L’apparente légèreté de la caméra retrouve la stratégie de la filature du néoréalisme, tandis que la plasticité des compositions s’inscrit dans la tradition du cinéma soviétique des années 1920 et du début des années 1930 (on pense notamment à Dovjenko).  Mobilité et continuité assurent la cohérence d’un espace-temps gagné par la fièvre de la révolution encore galvanisée par les effets spéciaux réalisés par Travkin et Vinokurov ; corps, accessoires, paysages et architectures assurent la beauté d’une allégorie dont le cinéaste ne cesse de relativiser la portée. Car ce sont deux visages de Cuba que le film met en scène. Celui des façades et des artifices, du mercantilisme et de la luxure capitalistes, et celui de la brutalité et de la violence, de la pauvreté et de l’innocence.

 

Soy Cuba

Soy Cuba

 

On pourra juger le discours par trop catégorique. La chose est certaine, mais l’intérêt se situe plutôt dans la forme à l’intérieur de laquelle celui-ci s’insère et se développe. Le cheminement révolutionnaire est complexe, incertain. Les hésitations et les troubles influent sur la démarche de ceux rêvant aux lendemains qui chantent. Cuba reste aux yeux du réalisateur un lieu mythique, empreint d’un primitivisme qui caractérise sa nature luxuriante et le recours aux métaphores élémentaires (feu et eau, vent et végétaux). Des épis de blé se consumant dans les flammes aux buildings bordés par l’océan, la caméra s’élève, porté par l’esprit d’un peuple qui chante sa joie et sa détresse.

 

Chez Kalatozov, l’appareil de prises de vue se confond avec le point de vue. L’image, à la fois pesante et légère, marque la tombée des corps et l’élévation des idéaux, la bassesse des puissants et la rage, justifiée, des opprimés. Comme les tracts révolutionnaires flottant dans les airs avant de se disperser au sol, le cadre penche, se courbe, s’infléchit, se liquéfie, pour s’adapter aux contours de l’ultime revendication énoncée par la voix off : « Soy Cuba ». Et c’est dans cette affirmation qui doit s’entendre comme une exhortation ou une injonction que se déploie la force du film. Ni documentaire, ni chronique, Soy Cuba se veut le portrait d’une humanité aussi unique que les mille voix qui traversent ses images.

 

 

 

  • SOY CUBA
  • Éditions  : Combo DVD + Blu-ray + Livre
  • Date de sortie : 17 novembre 2020
  • Réalisateur : Mikhail Kalatozov
  • Avec : Jean Bouise, Sergio Corrieri, Roberto Cabrera, Raul Garcia, Celia Rodriguez, José Gallardo, Luz Maria Collazo
  • Scénario : Enrique Pineda Barnet et Evgueni Evtouchenko
  • Producteurs : Bela Fridman, Semion Mariajin, Miguel Mendoza
  • Photographie : Sergueï Ouroussevski
  • Montage : Nina Glagoleva
  • Musique : Carlos Farinas
  • Éditions : Potemkine Films (disponible à la commande en ligne « Click & Collect »)
  • Durée : 143 minutes
  • Sortie initiale : 1964
  • Tarifs : 29,90 €

 

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