Livre / Journal intime par Richard Burton : critique

Publié par Jacques Demange le 18 novembre 2020

Résumé : « On vient de me faire une offre d’un million de dollars pour la publication d’un seul mois de ce journal », écrit avec étonnement Richard Burton en 1968. L’acteur est alors un des monstres sacrés du 7e art et forme un couple mythique et scandaleux avec Elizabeth Taylor. Cette relation passionnée, leur train de vie babylonien, leur beauté, leurs excès et leurs succès : le journal intime de Burton nous y plonge « caméra à l’épaule », comme si nous y étions. Mais il révèle aussi un homme insoupçonné, infiniment plus complexe que le commun des acteurs hollywoodiens. Sceptique et distant à l’égard du cinéma, il se montre en revanche fou de théâtre et de littérature. Doté d’un sens de l’humour irrésistible et d’une grande faculté d’observation, Richard Burton possédait les qualités rares et indispensables du diariste – pour notre plus grand bonheur.

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Journal Intime Richard Burton

Journal Intime par Richard Burton

De l’édition originale anglaise, la traduction française du journal intime de Richard Burton a retenu une période de six ans s’étalant de 1965 à 1971 (année où Burton arrêta de tenir son journal). Ce choix éditorial est d’abord justifié par l’importance de ces années dans la carrière et la vie personnelle de l’acteur. Arrivé à une certaine maturité, il y interprète certains de ses rôles les plus fameux et voit sa relation avec Elizabeth Taylor entrer dans une phase que l’on peut sans peine qualifier de sismique. Cette sélection assure par ailleurs une clarté et une cohérence à cet écrit particulièrement dense et comportant de nombreux détails factuels. Passées les notations consacrées aux menus des restaurants et splendeur des différents lieux de villégiature du couple, le lecteur appréciera les récits de tournage rapportés par Burton. Si la réalisation de certains films est partiellement ou totalement passée sous silence (L’Espion qui venait du froid ; Qui a peur de Virginia Woolf ?…), l’acteur revient sur son intérêt pour leurs scénarios ou le tempérament de leurs réalisateurs (Mike Nichols, notamment). Parce que parfois soumis à un rythme quasi-quotidien, l’écrit adopte le plus souvent une forme lapidaire. Cette brièveté confère aux pensées de Burton un caractère décisif qui semble de prime abord valoriser l’assurance de leur auteur. La concision laisse pourtant transparaître une certaine suspension qui incite à lire entre les lignes. La consommation d’alcool et les disputes conjugales sont ainsi retranscrites à travers un détachement qui n’empêche d’y percevoir toute l’importance pour cette personnalité moins désabusée qu’empreint d’une lucidité qui fait le prix de sa sensibilité.

 

Cet aspect se retrouve à travers la grande conscience professionnelle de Burton, n’hésitant pas à monter au créneau pour défendre ses collaborateurs de création ou recadrer les prétentions d’un cinéaste trop assuré (voir ses démêlées avec Franco Zeffirelli concernant la conception des costumes de La Mégère apprivoisée). À ces considérations aussi prosaïques que passionnantes s’ajoutent les quelques incursions de l’écriture de Taylor qui rappelle à Burton les espoirs et déceptions de leur recherche d’idéal amoureux.

 

Fin lecteur et observateur du monde qui l’entoure (de la France à la Yougoslavie, de la Californie solaire à l’Angleterre brumeuse), l’acteur se voit ainsi partagé entre une image de marque qu’il s’emploie sciemment à déconstruire et à commenter avec une ironie sadique et une sincérité qui affecte certains de ses commentaires les plus sombres et les plus lumineux. Dans sa longue introduction, Chris Williams, éditeur anglais de l’ouvrage, revient sur l’arrière-plan biographique de Burton. Loin d’être factuels, ces différents rappels permettent de mieux saisir les singularités de l’écriture de l’acteur et de prolonger leur dimension psychanalytique.

 

Assorti d’une recension complète de l’œuvre de Burton (longs métrages, apparitions à la télévision, interviews filmées, mais aussi enregistrements audio), ainsi que d’un index des noms fort utile, cet ouvrage s’offre comme un incunable pour tous les amateurs d’un acteur dont les artifices de la gloire ne firent jamais oublier la profondeur de son humanité.

 

 

 

  • JOURNAL INTIME
  • Auteurs : Richard Burton et Chris Williams (sous la direction de)
  • Traduction : Alexis Vincent, Mirabelle Ordinaire et Jean-Philippe Guérand
  • Éditions : Séguier
  • Date de parution : 30 octobre 2020
  • Langues : Français et Anglais (sous le titre The Richard Burton Diaries, publié en 2012 chez Swansea University)
  • Format : 592 pages
  • Tarifs : 24,90 € (disponible à la commande en ligne « Click & Collect » sur Librairies Indépendantes)

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