Roman / Billy Wilder et moi de Jonathan Coe : critique

Publié par Jacques Demange le 12 avril 2021

Résumé : Dans la chaleur exaltante de l’été 1977, la jeune Calista quitte sa Grèce natale pour découvrir le monde. Sac au dos, elle traverse les États-Unis et se retrouve à Los Angeles, où elle fait une rencontre qui bouleversera sa vie : par le plus grand des hasards, la voici à la table du célèbre cinéaste hollywoodien Billy Wilder, dont elle ne connaît absolument rien. Quelques mois plus tard, sur une île grecque transformée en plateau de cinéma, elle retrouve le réalisateur et devient son interprète le temps d’un fol été, sur le tournage de son avant-dernier film, Fedora. Tandis que la jeune femme s’enivre de cette nouvelle aventure dans les coulisses du septième art, Billy Wilder vit ce tournage comme son chant du cygne. Conscient que sa gloire commence à se faner, rejeté par les studios américains et réalisant un film auquel peu de personnes croient vraiment, il entraîne Calista sur la piste de son passé, au cœur de ses souvenirs familiaux les plus sombres.

♥♥♥♥

 

Billy Wilder et moi - roman

Billy Wilder et moi – roman

En choisissant comme cadre de son roman le tournage de Fedora (1978), avant-dernier film de Billy Wilder, l’écrivain britannique Jonathan Coe choisit d’inscrire son récit dans une tonalité testamentaire propice à l’épanchement mélancolique. Car Fedora ne signe pas seulement la fin de l’œuvre d’un réalisateur de génie mais aussi celle d’une génération entière qui à défaut de parvenir à s’adapter aux nouvelles prérogatives du présent figea son regard vers sa gloire passée. Curieux horizon que celui décrit par Jonathan Coe, confondant la résignation du crépuscule avec l’espoir, si fragile, promis par l’aube à venir. Le projet de Fedora n’avait en effet rien d’un abandon au désespoir, mais supposait pour Wilder la possibilité d’un ultime retour. D’où les liens établis entre cette production et ses chefs-d’œuvre antérieurs, marque d’une volonté de prolongement plutôt que d’achèvement. Et pourtant, sous la plume de Coe, les regards échangés par Wilder et son scénariste I.A.L. Diamond laissent poindre une résignation. Les dialogues retranscrivent l’humour du tandem qui se teinte alors d’une certaine désillusion et dissimule avec peine l’amertume qui finit par éroder le mordant du célèbre tandem. L’intelligence du romancier est alors d’éviter de sombrer dans une sorte de nombrilisme artistique en choisissant d’adopter le point de vue d’un personnage tiers. La jeune Calista, engagée comme interprète sur le tournage, se présente comme le témoin privilégié de cette ultime aventure. Parce qu’étrangère au monde de l’industrie cinématographique et peu éduquée sur la plan de la cinéphilie, Calista exprime une innocence dont la candeur parfois agaçante est en partie justifiée par la forme du souvenir qui détermine le déroulement de l’intrigue. Devenue compositrice de musique de film, elle-même sujette à une crise professionnelle, le personnage se souvient de la figure du réalisateur au point de confondre son regard avec le sien.

 

Raviver les images de son propre passé lui permet de trouver sa planche de salut. Comme pour Wilder, celle-ci se trouve auprès d’une jeunesse soucieuse de préserver les trésors du passé. Encouragé par le paysage grecque qui accueille l’action du roman, le récit s’investit d’une atmosphère mythologique. Sans forcer la métaphore ou la symbolique, Coe livre une réflexion sur la création qui semble trouver sa survie à travers un acte de partage et de transmission.

 

Son écriture se confond avec le rythme de la mémoire, n’oubliant jamais l’essentiel tout en retranscrivant la profondeur souvent insoupçonnée d’impressions fugitives. Billy Wilder et moi s’offre en définitive comme un joli réquisitoire contre l’oubli, articulant au caractère quasi-documentaire des descriptions le développement d’une quête initiatique située à la croisée des temps.

 

 

 

  • BILLY WILDER ET MOI
  • Auteur : Jonathan Coe
  • Traduction : Marguerite Capelle
  • Éditions : Gallimard
  • Collection : Du monde entier
  • Date de parution : 8 avril 2021
  • Langues : Français et anglais (sous le titre Mr Wilder and Me, publié en 2020 chez Viking)
  • Format : 304 pages
  • Tarifs : 22 € (print) – 15,99 € (numérique)

Commentaires

A la Une

Argylle : Le film de Matthew Vaughn s’offre un trailer sulfureux avec Dua Lipa et Henry Cavill

Paillettes, courses-poursuites, explosions, la comédie d’espionnage complètement dingue de Matthew Vaughn, adaptée du roman éponyme Argylle d’Elly Conway, dévoile ses… Lire la suite >>

Clair de Lune : La série culte avec Bruce Willis bientôt disponible en streaming aux États-Unis

Après des années d’attente, dues à des problèmes de droits, la série qui a révélé Bruce Willis au grand public… Lire la suite >>

May December : Premier trailer du film de Todd Haynes avec Natalie Portman et Julianne Moore

May December de Todd Haynes dévoile les premières images de son histoire centrée sur une actrice célèbre qui part à… Lire la suite >>

The Caine Mutiny Court-Martial : Le film posthume de William Friedkin se dévoile en images

Tiré du roman Ouragan sur le Caine d’Herman Wouk, le dernier film du regretté William Friedkin dévoile sa toute première… Lire la suite >>

Tom Hanks retourne dans l’espace pour une exposition immersive à Londres

Tom Hanks racontera l’histoire des Moonwalkers, ceux qui ont marché sur la Lune, dans une exposition à l’espace d’art immersif… Lire la suite >>

Nos vidéos

Box OFFICE France

Titre Cette sem. Nbr Sem. Cumul
1 LA NONNE 2 262 795 2 726 897
2 LA PETITE 206 646 1 206 646
3 MYSTERE A VENISE 185 575 2 435 723
4 UN METIER SERIEUX 137 222 2 352 665
5 ACIDE 128 852 1 128 852
6 ANATOMIE D'UNE CHUTE 117 858 5 1 077 984
7 LES FEUILLES MORTES 111 219 1 111 219
8 LE LIVRE DES SOLUTIONS 111 124 2 300 044
9 EQUALIZER 3 96 911 4 786 823
10 TONI EN FAMILLE 58 567 3 255 799

Source: CBO Box office

Nos Podcasts