Disparu le 13 juin 2021 à l’âge de 83 ans, c’est en tant que second rôle que Ned Beatty se fit connaître des cinéphiles et du grand public. Du touriste de Délivrance à l’ours en peluche Lotso dans Toy Story 3 en passant par Superman, l’acteur sut prêter ses mimiques à un ensemble de personnages fantasques ou discrets mais toujours hors-normes.
Homme de théâtre et du Sud, Ned Beatty débute sa carrière sur les planches au milieu des années 1950 et arpente pendant une dizaine d’années les scènes du Kentucky et de Virginie.
À partir du début des années 1970 il entame une production florissante sur le petit écran, enchaînant les téléfilms et les séries télévisées. Parallèlement, l’acteur débute au cinéma dans le rôle de l’un des touristes de Délivrance (John Boorman, 1972) sombrant dans l’horreur du Sud Profond.
Dès lors Beatty incarnera sur le grand écran cette image de l’Américain moyen dont l’accent sudiste accompagne son allure bonhomme et la nature provinciale qui caractérise l’ensemble de ses seconds rôles.
Si dans les années 1970, l’acteur apparaît dans quelques productions marquantes (Nashville [1975] de Robert Altman ; Les Hommes du président [1976] d’Alan J. Pakula ; Network [1976] de Sidney Lumet ; 1941 [1978] de Steven Spielberg), c’est d’abord son interprétation d’Otis, l’un des hommes de main de Lex Luthor dans Superman (Richard Donner, 1978) puis Superman 2 (Richard Lester, 1980) qui lui permet de se rapprocher du grand public. Beatty y fait montre d’un certain talent pour les postures excentriques, jouant de son visage rond pour afficher diverses mimiques et grimaces qui confèrent à son personnage une dimension grotesque en lien avec l’atmosphère générale de la saga.
Dès lors, Beatty se spécialisera dans les comédies (Le Joujou [Richard Donner, 1982], remake du Jouet [1976] de Francis Veber ; À fond la fac [Allan Metter, 1986] ; Scoop [Ted Kotcheff, 1989] adapté de la pièce de Ben Hecht, The Front Page), assumant la légèreté d’un ton pouvant ponctuellement basculer du côté de la pure parodie (La Femme qui rétrécit [1981] de Joel Schumacher ; Y-a-t-il un exorciste pour sauver le monde ? [Bob Logan, 1990]), tout en assurant de ses capacités dramatiques dans des films plus sombres (son rôle d’espion dans Le Quatrième Protocole [John Mackenzie, 1987]).
Si le début des années 1990 le voit revenir avec maladresse aux adaptations de comics (l’oubliable et oublié Captain America [1990] d’Albert Pyun), l’acteur profite de la décennie suivante pour collaborer avec certains réalisateurs prestigieux (Spike Lee pour He Got Game [1998] ; Robert Altman pour Cookie’s Fortune [1999] ; Paul Schrader pour The Walker [2007] ; Mike Nichols pour La Guerre selon Charlie Wilson [2008] ; Bertrand Tavernier pour Dans la brume électrique [2009]).
C’est par le biais du film d’animation que Beatty reviendra à son amour pour les rôles de composition. En 2010, il prête ainsi sa voix à l’ours en peluche Lotso de Toy Story 3 (Lee Unkrisch).
Loin d’être anecdotique, ce personnage révèle certaines caractéristiques fondamentales de l’acteur qui sut habilement dissimuler derrière son apparence sympathique une tension de malaise qui lui permit d’enrichir ses meilleures interprétation ; une ambivalence qui fonde d’ailleurs l’originalité de son dernier rôle sur la scène de Broadway en 2003 : le Big Daddy de La Chatte sur un toit brûlant, adaptation de la célèbre pièce de Tennessee Williams mise en scène par Anthony Page. Preuve que malgré son long passage à Hollywood l’acteur était resté attaché à ses origines sudistes.Â