Synopsis : Au milieu des années 70, les informations à la télévision changent. Le journalisme perd en effet pied face au pouvoir de l’argent et la besoin croissant de divertissement. Une rédaction se bat alors pour maintenir son audience sans se compromettre.
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Une grande satire se distingue quand elle fait encore sens des décennies après. Critique acerbe contre la course à l’audimat et la défaite du journalisme d’investigation, Network résonne toujours aussi puissamment à l’ère du buzz, des fake news et de l’info en continu. Injustement oublié en France, cette œuvre de Sidney Lumet (Douze hommes en colère, Un après-midi de chien, Serpico) bénéficie d’une nouvelle restauration HD via une sortie en coffret ultra collector en France. En 1976, quand sort l’œuvre, l’Amérique est groggy de la guerre du Vietnam, du scandale du Watergate et, signe des temps, les trois majors de la télévision américaine (ABC, CBS et NBC) se livrent une concurrence de plus en plus violente, de plus en plus coûteuse, et les magazines d’information cèdent de plus en plus de terrain aux séries télé et aux autres émissions de divertissement. Dans Network, c’est le cas de la chaîne UBS, rachetée par le conglomérat CCA, qui fait tout pour remonter l’audimat. Howard Beale (Peter Finch), présentateur des nouvelles du soir depuis vingt ans, apprend brutalement qu’il sera bientôt viré. Sa dépression devient de plus en plus criante à l’écran, jurant et menaçant de se suicider. Il finit par littéralement péter les plombs en direct, se lançant dans une diatribe furieuse contre la société et exhortant les spectateurs à ouvrir les fenêtres et à hurler « Je suis fou de rage et je ne vais plus accepter ça ! » (I’m mad as hell and I’m not going to take this anymore). Du jour au lendemain, Beale devient une célébrité au niveau national et fait un tabac. Diana Christensen (Faye Dunaway), directrice des programmes, sent le bon coup venir…
Si le contexte de Network peut sembler un peu daté pour le spectateur actuel, habitué à la télé-poubelle et au déluge d’informations, cette vision est assez novatrice en 1976, année où sortit également Les Hommes du Président et où la critique du pouvoir est à la mode. Il faut dire que Paddy Chayefsky, le scénariste, a longtemps travaillé pour la télévision et déclara ne pas avoir fait de satire mais un reportage. UBS met en scène des pseudo-révolutionnaires dans un talk-show absurde, « The Mao Tse-Tung Hour », est prêt à chaque coup pour gratter de l’audimat et ne pense qu’à l’argent de ses investisseurs : il faudra attendre 1986 pour que la Fox, pointée comme l’instigatrice de la télé-poubelle, entre dans la danse, et 1994 pour qu’elle perce… Sidney Lumet, maître d’œuvre du drame judiciaire, filme en effet Network comme un documentaire et, même s’il est loin d’avoir le casting dont il rêvait (Paul Newman en Beale, Vanessa Redgrave en Christensen), est servi par un aéropage d’acteurs. L’Australien Peter Finch, habitué dans sa jeunesse aux rôles de tombeurs de ces dames, crève le grand comme le petit écran et s’épuisa littéralement, puisqu’il devait décéder en janvier 1977 ; Faye Dunaway continue son sans-faute entamé avec Bonnie et Clyde, William Holden (Boulevard du Crépuscule) tient son dernier grand rôle comme un hommage à ceux de sa jeunesse et Ned Beatty (Délivrance), en deux scènes, est absolument terrifiant en dirigeant de chaîne cynique et prêtre du dieu dollar.
Malgré un box-office modéré (23,7 millions de dollars, contre un budget de 3,8 millions), la critique est dithyrambique et consacre Network parmi les meilleurs films de 1976. Aux Oscars 1977, il reçoit 10 nominations, autant que Rocky. Si ce dernier chipe la statuette du meilleur film, Network repart avec meilleur acteur (Finch), meilleure actrice (Dunaway) et meilleur second rôle (Beatrice Straight) ; seul Un Tramway nommé Désir peut se revendiquer d’une telle main basse. Paddy Chayefsky remporte également le prix du meilleur scénario originel. Quant à Peter Finch, décédé juste avant la cérémonie, il est le seul acteur à avoir remporté un Oscar posthume, avec Heath Ledger. Aux Golden Globes, Dunaway, Finch, Chayefsky l’emportent également dans leurs catégories, avec Sidney Lumet, reconnu meilleur réalisateur. « I’m mad as hell… », classée 19e du Top 100 des meilleures répliques du cinéma américain de l’AFI, est devenue une expression consacrée aux États-Unis. Aaron Sorkin, à qui on doit le film sur Facebook et la série The Newsroom, a affirmé « que personne, à part George Orwell, n’a été aussi visionnaire que Chayefsky quand il écrivit Network ». Récemment, en 2017, le film fut adapté sur les planches, à Londres et Broadway, avec Bryan Cranston dans le rôle d’Howard Beale, récoltant les louanges du public.
Ce coffret collector, outre de permettre à Network de sortir dans une haute définition inédite en France en une édition unique limitée et numérotée, propose aussi un documentaire consacré au cinéaste , By Sidney Lumet de Nancy Buirski, qui avait présenté à Cannes Classics en 2015, ainsi que Fou de Rage, un livre enquête de 200 pages du journaliste du New York Times, Dave Itzkoff, jamais traduite jusqu’ici, sur la genèse de l’oeuvre et la vision prophétique du type le plus furieux du cinéma.
- NETWORKÂ : MAIN BASSE SUR LA TELEVISION (Network)
- Sortie vidéo : 17 avril 2019
- Version restaurée HD
- Coffret ultra-collector, édition limitée et numérotée à 3 000 exemplaires
- Format / Produit : Blu-Ray+Double DVD+livre de 200 pages
- Réalisation : Sidney Lumet
- Avec : Faye Dunaway, William Holden, Peter Finch, Robert Duvall, Wesley Addy, Ned Beatty, Beatrice Straight, Jordan Charney, William Prince
- Scénario : Paddy Chayefsky
- Production : Fred C. Caruso et Howard Gottfried
- Photographie : Owen Roizman
- Montage : Alan Heim
- Décors : Philip Rosenberg et Edward Stewart
- Costumes : Theoni V. Aldredge
- Musique : Elliot Lawrence
- Édition vidéo : Carlotta Films
- Tarif : 50,16 €
- Durée totale : 2h
- Sortie initiale : 27 novembre 1976 (États-Unis) – 16 mars 1977 (France)