Disparu le 26 novembre 2021, le compositeur et parolier Stephen Sondheim a su marquer de sa personnalité certaines des plus grandes comédies musicales contemporaines. Retour sur une œuvre aussi éclectique que cohérente.
Si les collaborations effectives de Stephen Sondheim au cinéma se limitent à quelques titres seulement (composition des bandes-musicales de Stavisky d’Alain Resnais et de Reds de Warren Beatty ; écriture de chansons pour Sherlock Holmes attaque l’Orient-Express, Dick Tracy de Warren Beatty et The Birdcage de Mike Nichols), son œuvre reste malgré tout marquée d’une empreinte cinématographique.
C’est par l’adaptation de ses comédies musicales que Sondheim est devenu un compositeur connu des cinéphiles du monde entier. West Side Story (dont Steven Spielberg proposera bientôt sa version), Sweeney Todd (Tim Burton, 2012), ou encore Into the Woods (Rob Marshall, 2014) ont permis de familiariser le grand public avec le style du compositeur.
Loin de n’être qu’un faiseur de hits pour la scène de Broadway, Sondheim a su composer de pièce en pièce un authentique univers musical oscillant entre l’exubérance et la noirceur, l’artifice et le réalisme. Maître des paradoxes, le compositeur emprunte ponctuellement la voie de l’ostentation baroque pour mieux servir l’attraction de mélodies entêtantes proches de la musique de chambre.
Cette attirance pour les extrêmes ne l’empêche d’assurer pleinement ses collaborations avec d’autres artistes. Les paroles écrites pour West Side Story se fondent ainsi parfaitement dans l’orchestration de Leonard Bernstein, tandis que ses compositions pour Sweeney Todd, Into the Woods, Assassins accentuent la noirceur des livrets de Hugh Wheeler, James Lapine et John Weidman.
La musique de Sondheim illustre moins qu’elle incarne les enjeux des intrigues, faisant entendre les échos et les tressaillements qui agitent l’âme des protagonistes. D’où l’ascendance romantique qui marque son style, l’expression de l’intériorité (souvent torturée) demeurant l’une des meilleures clés d’entrée pour comprendre son œuvre.
Cette importance conférée à la personnalité des personnages explique sans doute le passage de Sondheim par l’écriture scénaristique. Écrivant aux côtés de l’acteur Anthony Perkins le scénario des Invitations dangereuses (1973) d’Herbert Ross, le compositeur avait débuté dès le début des années 1950 ce travail pour la télévision, signant une dizaine d’épisodes pour la série Topper, avant de revenir ponctuellement vers le petit écran au cours des décennies suivantes.
Preuve que pour être pleinement comprise, la musique de Sondheim doit autant être écoutée par les oreilles que par les yeux.
West Side Story
Side by Side from Stephen Sondheim’s Company – 65th Annual Tony Awards
Sweeney Todd: The Demon Barber of Fleet Street (1979)
Judi Dench – The Definitive « Send In The Clowns » – South Bank Show 1995