Synopsis : Libérée de prison après avoir purgé sa peine pour un crime violent, Ruth Slater retrouve une société qui refuse de lui pardonner son passé. Sévèrement jugée par ceux qui jadis l’entouraient, elle place son seul espoir de rédemption dans des retrouvailles avec sa sœur cadette, qu’elle a été forcée de laisser derrière elle.
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Bird Box (2018), la première rencontre entre Sandra Bullock et Netflix, s’était soldée par un franc succès public et une réception critique plus mitigée. Impardonnable devrait à n’en pas douter atténuer cet écart. La réalisatrice allemande Nora Fingscheidt (qui signe ici son second long métrage après l’intéressant Benni [2019]) et ses scénaristes adaptent l’argument d’une mini-série britannique diffusée en 2009 racontant l’histoire d’une rédemption à travers le parcours d’une mère sortie de prison après avoir purgé une peine de vingt ans. Peu friande d’effets, la mise en scène profite de la qualité d’un decorum principalement caractérisé par ses couleurs froides composant une atmosphère spectrale. Cette dimension renvoie à la structure d’un récit fréquemment trouée par l’apparition de flash-backs qui opacifient plutôt qu’ils n’éclairent le destin délité de Ruth. Le personnage entame une quête impossible : combler la perte du temps qui lui a été retiré. À ce beau thème répond la crudité d’un espace-temps qui, entre immeubles délabrés, rues bondées, et chaîne de travail éclairée d’une lumière blafarde, semble répondre à l’angoisse qui ronge la protagoniste. Sur certains points, Impardonnable rappelle The Wrestler (2008) de Darren Aronofsky. Même regard désabusé qui se pose sur la tragédie individuelle d’une âme vaincue errant dans le petit matin de l’Amérique contemporaine.
Comme chez Aronofsky donc, le principal moteur du film demeure la déambulation du corps pris dans la grisaille de son environnement intérieur. D’où l’importance de l’acteur dans la réussite du drame. Si dans The Wrestler, Mickey Rourke laissait soin à sa seule physionomie d’incarner les enjeux de son interprétation, Sandra Bullock se concentre sur la fonction de son regard qui de la vacuité la plus totale à l’intensité la plus profonde exprime l’ambivalence émotionnelle de son rôle. Les traits tirés et les prothèses de latex qui gonflent son visage ne font que valoriser la puissance de ce jeu scopique qui projette autant qu’il intériorise la douleur d’une prise de conscience depuis longtemps advenue.
La présence de Bullock permet d’oublier la neutralité de la réalisation de Fingscheidt qui aurait parfois mérité plus d’engagement dans ses choix scénographiques. C’est donc à partir de l’actrice et de ses partenaires (Jon Bernthal et Viola Davis en tête) que le récit gagne en âpreté et en noblesse. Une raison suffisante pour se laisser convaincre par cette production dont la sensibilité certaine ne saurait laisser indifférent.
- IMPARDONNABLE (The unforgivable)
- Diffusion : 10 décembre 2021
- Chaîne / Plateforme : Netflix
- Réalisation : Nora Fingscheidt
- Avec : Sandra Bullock, Jon Bernthal, Vincent D’Onofrio, Viola Davis, Rob Morgan, Aisling Franciosi, Richard Thomas, Linda Edmond,Emma Nelson, Will Pullen, Thomas Guiry, Jessica McLeod, Andrew Francis…
- Scénario : Peter Craig, Hillary Seitz, Courtenay Miles
- Production : Sandra Bullock, Veronica Ferres, Graham Kinget, Leigh Shanta
- Photographie : Guillermo Navarro
- Musique : Hans Zimmer et David Fleming
- Montage : Stephan Bechinger
- Décors : Kim Jennings et Shannon Gottlieb
- Costumes : Alex Bovaird
- Durée : 1 h 52