Disparu ce 26 décembre 2021, le réalisateur québécois Jean-Marc Vallée laisse derrière lui une œuvre suspendue au seuil de sa maturité. Du grand au petit écran, le cinéaste s’était fait le conteur d’existences marquées par une authenticité et une sincérité troublantes.
Révélé au public international avec C.R.A.Z.Y. (2005), son quatrième long métrage, Jean-Marc Vallée y affirmait la subtilité d’une réalisation narrant avec grande justesse le parcours d’une jeunesse québécoise en quête d’identité.
Cette capacité à relier la problématique de l’intime avec les enjeux d’une époque assurera l’intérêt de Café de Flore (2011) et de son plus grand succès, Dallas Buyers Club (2013), drame autant qu’enquête sur la première vague du VIH aux États-Unis.
Si le film s’est d’abord distingué par la qualité de ses interprètes (Matthew McConaughey et Jared Leto se voyant logiquement récompensés à la cérémonie des Oscars et des Golden Globes), on aurait tort d’oublier la valeur de la mise en scène de Vallée qui, entre atmosphère morbide et promesse d’un lendemain meilleur, traduisait par la lumière et le traitement spatial du cadre la mélancolie contrastée de ses personnages.
Cet art du contraste caractérisait en fait l’ensemble de son œuvre. À l’instar de son compatriote Denis Villeneuve, Vallée était aussi à l’aise dans le registre de la fresque historique (Victoria : Les Jeunes Années d’une reine [2009]) que dans celui de la crise contemporaine (Demolition [2015], son dernier film).
Cet écart trouvait sa cohérence dans la façon dont le réalisateur concevait chaque existence comme un monde à part entière, gravitant dans une galaxie d’histoires aussi riches que complexes.
D’où la force émanant de Big Little Lies dont Vallée réalisa l’intégralité des épisodes de la première saison diffusée en 2017. Servie par l’écriture de David E. Kelley, le cinéaste mettait en scène une constellation de destins s’entrechoquant à la manière de planètes solitaires.
La solitude est d’ailleurs l’une des principales clés d’entrée pour comprendre les plus récentes productions de Vallée. Du veuf de Demolition à la journaliste de la mini-série Sharp Objects (2018), ses personnages sont sans cesse rattrapés par un passé envahissant.
Loin de prôner une morale du dépassement, Vallée cherchait alors à rappeler en quoi le trauma pouvait se constituer comme une force plutôt que comme un obstacle pour envisager l’avenir de son existence-monde.