Jean-Jacques Beineix nous a quittés des suites d’une leucémie ce 13 janvier 2022 à l’âge de 75 ans. L’originalité de son œuvre marqua les esprits autant qu’elle nourrit les débats cinéphiliques de toute une génération.
Maniériste pour les uns, maniéré pour les autres, Jean-Jacques Beineix a longtemps divisé la critique et les cinéphiles avant de tomber dans un relatif oubli. La parution de ses mémoires en 2006 (Les Chantiers de la gloire : mémoires chez Fayard) rappelait pourtant la reconnaissance dont avait profité son nom au début des années 1980.
Les quatre César raflés par Diva (1980), son premier long métrage, mit en lumière un nouveau style de mise en scène fortement influencée par l’esthétique du clip vidéo. Les élégants mouvements d’appareil associés à l’utilisation de lumières et d’une palette chromatique délibérément artificielles s’émancipaient de l’héritage de la Nouvelle Vague pour faire revenir le cinéma français à la grande époque des tournages en studio.
Aux côtés de Luc Besson et Arthur Joffé, Beineix a longtemps alimenté les discours théoriques sur la contamination télévisuelle du langage cinématographique. La Lune dans le caniveau (1983), 37°2 le matin (1986) et Roselyne et les Lions (1989) virent le réalisateur persister dans cette voie malgré les sifflets d’une grande partie de la critique et le désintérêt croissant du grand public pour son œuvre.
De quoi faire de Beineix un poète maudit ? Pas vraiment, même s’il faut s’accorder pour reconnaître la cohérence dont bénéficia sa filmographie jusqu’à Mortel Transfert (2001), son dernier long métrage de fiction.
Au-delà de l’attention accordée à la forme, Beineix se distinguait par son goût pour les marginaux, les coupés du monde et les exclus qui souvent prenaient la route pour chercher à retrouver la beauté de leurs univers intérieurs.
De Jules (Frédéric Andrei), le postier de Diva, à Thierry (Gérard Sandoz), l’employé du zoo de Roselyne et les Lions, en passant par Gérard (Gérard Depardieu), le docker de La Lune dans le caniveau, Beineix montrait comment l’amour fou pouvait sublimer la normalité la plus prosaïque.
Ce goût pour les mondes parallèles, le réalisateur le retrouvera à travers son cinéma documentaire. Otaku : fils de l’empire du virtuel (1993) ou Assigné à résidence (1997) consacré à Jean-Dominique Bauby, l’auteur du Scaphandre et le Papillon, soulignait l’accointance de Beineix pour le beau et le bizarre, l’altérité et la subjectivité créatrice.
Son Å“uvre aussi stable qu’inégale n’empêche de reconnaître son indéniable intérêt au regard de l’Histoire du cinéma français.Â