Synopsis : 1973, dans la région de Los Angeles. Alana Kane et Gary Valentine font connaissance le jour de la photo de classe au lycée du garçon. Alana n’est plus lycéenne, mais tente de trouver sa voie tout en travaillant comme assistante du photographe. Gary, lui, a déjà une expérience d’acteur, ce qu’il s’empresse de dire à la jeune fille pour l’impressionner. Amusée et intriguée par son assurance hors normes, elle accepte de l’accompagner à New York pour une émission de télévision. Mais rien ne se passe comme prévu…
♥♥♥♥♥
L’événement de ce début d’année de cinéma, c’était bien évidemment le retour d’un des cinéastes indépendants les plus reconnus et admirés : Paul Thomas Anderson. Après le mémorable Phantom Thread en 2017, porté par un Daniel Day-Lewis comme toujours exceptionnel, le réalisateur revient en terrain connu, et plus précisément dans la vallée de San Fernando. Cette vallée, qui avait accueilli les événements de Boogie Nights et Magnolia, qui restent encore parmi ses plus grands chefs-d’œuvre, devient dans Licorice Pizza le théâtre de la rencontre d’un jeune couple que tout sépare. Un petit air de Phantom Thread ou de Punch-Drunk Love, à ceci près que le décalage est cette fois d’une décennie : Gary Valentine, 15 ans, rencontre lors de la photo de classe du lycée Alana Kane, de dix ans son aînée. De quoi donner toute la place à des questionnements qui parleront à tous les adolescents et les jeunes adultes. Du côté de Gary, on ressent cette volonté de s’affirmer, de prouver son mérite et sa compétence. Face à Alana, il semble vaniteux, presque mythomane, mais l’absence de figures parentales dans sa vie fait comprendre au spectateur son besoin de validation, qu’il espère donc voir satisfait par cette fille qui hante immédiatement ses pensées. Face à lui, Alana est confrontée à un environnement bien plus étouffant, avec une famille trop présente et un parcours professionnel qu’elle n’arrive pas à orienter. Du haut de ses 25 ans, elle prétend malgré tout avoir l’ascendant sur Gary, mais en vient à s’interroger elle-même (et ses sœurs) sur ce que signifie sa très bonne entente avec le groupe d’adolescents qu’il mène dans ses entreprises. À force, cette inversion du décalage d’âge se fait sentir, avec notamment une scène de rivalité où Alana s’affiche en compagnie d’un homme bien plus âgé et où Gary affiche une jalousie presque caricaturale. Chacun ici semble poursuivre le comportement qui devrait correspondre à son âge.
En guise de décor pour cet amour naissant, Anderson est littéralement chez lui. On peut voir dans les choix de direction artistique qu’il fait un geste assimilable à celui de Quentin Tarantino dans son iconique Once Upon a Time… in Hollywood. À ceci près qu’au caractère très référencé cinématographiquement du film de 2019, Anderson oppose des souvenirs plus globaux. Plus que le cinéma de l’époque, il restitue l’ambiance libertaire de ce début des années 1970, qui essayaient de perpétuer l’idéal hippie, alors que le premier choc pétrolier approche à grands pas.
Évidemment, la bande originale a un rôle clé dans ce but. En mélangeant Bing Crosby, Nina Simone, The Doors et David Bowie, l’océan nostalgique dans lequel est baigné le spectateur est aussi sonore. Sans oublier l’apparition de quelques figures cinématographiques : Sean Penn campe un avatar de William Holden en fin de carrière, et Bradley Cooper vole toutes les scènes où il appartient, absolument lunaire dans le rôle de Jon Peters, incapable de tolérer qu’on prononce mal le nom de Barbra Streisand.
Au-delà de sa qualité plastique et de l’humour qu’il apporte au film, cet arrière-plan de décors et d’acteurs donne du relief à l’intrigue amoureuse qui lie Gary et Kane. Cernés par une Amérique dont la puissance et l’aura commencent à s’effriter, leur jeunesse et leur fraîcheur incarnent un espoir dans lequel veut croire Anderson. Espoir littéralement incarné par les choix de casting de cet excellent directeur d’acteurs. Dans le rôle de Alana Kane, Alana Haim, chanteuse du groupe de néo-folk Haim, dont les autres membres, ses sœurs, ont le même lien de parenté à l’écran, toutes encadrées par leurs parents, à l’écran comme dans la vraie vie.
Face à l’artiste débutante dans le cinéma, on découvre un autre jeune premier, Cooper Hoffman dans le rôle de Gary. Jamais en défaut dans son jeu pour ces débuts au cinéma, le fils du regretté Philip Seymour Hoffman, visage historique de la filmographie d’Anderson, confirme que le talent est héréditaire dans sa famille. Pour son premier long métrage, il peut se targuer d’avoir porté l’une des œuvres majeures de Paul Thomas Anderson, un film-somme qui laisse un goût chaleureux dans la bouche et donne envie de retourner dans ce San Fernando des 70s.
Théotime Roux
- LICORICE PIZZA
- Sortie salles : 5 janvier 2022
- Réalisation et scénario : Paul Thomas Anderson
- Avec : Alana Haim, Cooper Hoffman, Sean Penn, Tom Waits, Bradley Cooper, Benny Safdie, Skyler Gisondo, Maya Rudolph, John C. Reilly, Mary Elizabeth Ellis
- Production : Paul Thomas Anderson, Daniel Lupi, JoAnne Sellar et Adam Somner
- Photographie : Paul Thomas Anderson et Michael Bauman
- Montage : Andy Jurgensen
- Décors : Florencia Martin
- Costumes : Mark Bridges
- Musique : Jonny Greenwood
- Distribution : Universal Pictures
- Durée : 2 h 13