Synopsis : Un homme d’affaires milliardaire décide de faire un film pour laisser une empreinte dans l’Histoire. Il engage alors les meilleurs : la célèbre cinéaste Lola Cuevas, la star hollywoodienne Félix Rivero et le comédien de théâtre radical Iván Torres. Mais si leur talent est grand… leur ego l’est encore plus !
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Existe-il une recette du film parfait ? Pour Humberto Suarez, millionnaire qui n’entend rien à l’art mais désireux de laisser une marque dans l’histoire, la réponse est oui. Il achète les droits d’un roman qu’il n’a pas lu, mais dont l’auteur est prix Nobel de littérature. Il engage une réalisatrice multi-primée sans avoir vu un seul de ses films et lui donne carte blanche. Celle-ci recrute à son tour deux acteurs que tout oppose : la star de cinéma populaire Félix Rivero et le prestigieux comédien Ivan Torres, qui méprise les œuvres commerciales. Ce point de départ, acheminé à grand renfort de dialogues explicatifs durant les premières minutes, contient déjà tout le programme de Compétition Officielle. D’un côté, la vanité d’un projet artistique qui tient de la devanture publicitaire pour un magnat des industries pharmaceutiques. De l’autre, la guerre d’égo entre deux archétypes du champ esthétique, l’élitisme contre le grand public. Ces deux facettes du film, loin de se compléter, finissent rapidement par entrer en collision. Les dialogues penchent vers une comédie assez pataude, jouant des clichés pour occasionner un contraste comique entre les deux protagonistes. En parallèle, la mise en scène se fait très théorique et utilise son décor comme une source régulière de métaphores appuyées. Un monologue larmoyant est mis en abyme via un écran géant derrière celui qui le prononce, comme pour en décupler l’absurdité égocentré. L’énorme rocher utilisé par la réalisatrice pour menacer ses acteurs se révèle être en carton-pâte, dans ce qui voudrait être une mise à nue des artifices cinématographiques. Et les acteurs ne cessent de se regarder dans des miroirs. Le lieu de répétition lui-même, une fondation ultra-moderne, donne au cadre une austérité chic qui évoque les magasins de luxe.
Cette opération un peu mesquine consistant à moquer ses personnages et leur entreprise sans leur offrir de répit (on ne les voit quasiment jamais en dehors des répétitions) fait par moments penser à une version moins virulente, mais aussi moins drôle, du cinéma de Ruben Östlund. Les quelques rares belles scènes sont celles qui se départissent de leur ironie, comme le fonctionnement d’un broyeur filmé en vue du dessus ou une danse hors du temps. Le reste du film est piégé entre l’ascétisme maniéré de la réalisation et la lourdeur de son écriture. L’intégration indigeste du propos parasite jusqu’aux passages les plus expérimentaux. Lors d’une scène de baiser entourée par une multitude de micros, les possibilités sonores offertes par le dispositif sont rapidement balayées par un gag embarrassant.
Coincé entre sa caricature simplette et son formalisme austère, Compétition Officielle semble incapable de tirer le plein potentiel de son sujet, en abondant dans une complaisance facile. Durant l’unique scène au domicile d’Ivan, celui-ci écoute de la musique contemporaine en compagnie de sa femme. Au lieu de laisser passer le morceau, dont l’évidente dissonance suffirait à rendre le passage comique, les réalisateurs font commenter les deux personnages sur le génie de l’œuvre. À cette première couche parodique s’ajoute une deuxième, lorsque l’on réalise qu’un des instruments n’était autre que le marteau du voisin, en train d’enfoncer des clous. Plutôt que la subtilité, Mariano Cohn et Gaston Duprat préfèrent toujours forcer le trait jusqu’aux limites du bon goût, quitte à faire, comme ce voisin, beaucoup de bruit pour pas grand-chose.
Joffrey Liagre
- COMPETITION OFFICIELLE (Competencia oficial)
- Sortie salles : 1er juin 2022
- Réalisation : Mariano Cohn et Gastón Duprat
- Avec : Penélope Cruz, Antonio Banderas, Oscar Martínez, José Luis Gómez, Manolo Solo, Nagore Aramburu, Irene Escolar, Pilar Castro, Koldo Olabarri, Juan Grandinetti
- Scénario : Mariano Cohn, Gastón Duprat & Andrés Duprat
- Production : Jaume Roures
- Photographie : Arnau Valls Colomer
- Montage : Alberto del Camp
- Décors : Sara Natividad
- Costumes : Wanda Morales
- Musique : Eduardo Cruz
- Distribution : Wild Bunch
- Durée : 1 h 54