Synopsis : À Paris, Naoufel tombe amoureux de Gabrielle. Un peu plus loin dans la ville, la main tranchée d’un jeune homme s’échappe d’une salle de dissection, bien décidée à retrouver son corps. S’engage alors une cavale vertigineuse à travers la ville, semée d’embûches et des souvenirs de sa vie jusqu’au terrible accident. Puis c’est la rencontre avec Gabrielle.
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J’ai perdu mon corps, lauréat du Grand Prix Nespresso de la Semaine de la critique à Cannes en 2019, Cristal du meilleur long-métrage à Annecy et de deux César en 2020 dont celui du meilleur film d’animation, est une leçon de vie pleine de mystère et de poésie. Il vient d’arriver sur Netflix le 6 novembre dernier, l’occasion d’y revenir ici. Adaptant le roman Happy Hand de Guillaume Laurant, le réalisateur Jérémy Clapin propose une œuvre profondément humaine, une tension constante entre le drame et l’espoir romantique. La musique de Dan Lévy, très présente, incite à un voyage onirique au-delà des pensées nostalgiques et des évènements malheureux de la vie. Quant à la boucle électronique de la bande originale, elle nous enivre. On suit le chemin tracé par Naoufel, jeune garçon attachant à la voix grave et douce qui a grandi au Maroc. Enfant, il rêvait de devenir astronaute et pianiste, les deux à la fois insistait-il. Le garçon, doux, rêveur et intelligent, a dû surmonter une épreuve colossale. Il mène un quotidien morne à l’âge adulte, logé en France chez un homme peu respectueux qui est obnubilé par son écran de télévision. Naoufel se raccroche à ses souvenirs d’enfance, dévoilés tout au long du film en noir et blanc, et à l’espoir d’évoluer.
Un jour, son job de livreur de pizza pour lequel il n’est pas fait le mène assez drôlement à l’amour. Il se laisse porter, sautant sur les occasions que le destin place devant lui. Ce destin, dit-il, on peut le modifier. Pour cela, « tu marches tranquille, tu fais semblant d’aller là, tu fais une petite feinte, un truc improvisé que tu n’aurais pas dû faire mais que t’as bien fait de faire parce qu’au final ça t’a amené ailleurs. Après, tu t’arranges pour pas qu’il te rattrape ». Autrement dit, même s’il est prévu que tout se passe mal, il y a toujours un événement auquel on peut s’accrocher pour faire dévier la trajectoire.
Parallèlement à cette intrigue, on suit les aventures d’une main qui, échappée d’une salle de dissection au début du film, semble chercher à retrouver son propriétaire. Cette dernière, comme le suggère l’affiche du film, est pleine d’histoires empreintes d’émotions. Elle vadrouille dans la bouche de métro, dans la rue comme sur le piano d’un jeune homme ou à côté d’un bambin : elle semble savoir ce qui l’attire. Le film suggère très rapidement qu’il s’agit de celle de Naoufel surtout que, plus tard, nous comprenons que la main tient une place particulière dans son histoire. Sur le plan symbolique, ce dernier a aussi perdu la main sur sa vie, qu’il tente de rattraper.
À travers ses péripéties, le jeune homme nous livre une leçon sur la part que nous devrions attribuer au rêve dans notre quotidien et revient à une séduction poétique qui tranche avec le rap qu’il écoute en voiture, quand rien ne va plus. C’est en sautant sur un nouveau travail, en courant après l’amour, en rêvant d’igloo et d’ours polaire et en réécoutant les cassettes audio de son enfance qu’il compte bien tracer un nouveau chemin, loin des démons et du commun. Une façon inédite et profondément touchante de construire à l’écran la reconquête de la vie.
Kenza Lalouni
- J’AI PERDU MON CORPS
- Diffusion : depuis le 6 novembre 2022
- Chaîne / Plateforme : Netflix
- Réalisation : Jérémy Clapin
- Avec les voix de : Hakim Faris, Victoire Du Bois, Patrick d’Assumçao, Bellamine Abdelmalek, Hichem Mesbah, Maud Le Guénédal, Nicole Favart, Quentin Baillot…
- Scénario : Guillaume Laurant et Jérémy Clapin
- Production : Marc du Pontavice
- Superviseur de la 3D : Pierre Ducos
- Montage : Benjamin Massoubre
- Musique : Dan Levy
- Distribution : Rezo Films
- Durée : 1 h 21
- Sortie initiale en salles : 6 novembre 2019