Les Rascals de Jimmy Laporal-Trésor : critique

Publié par CineChronicle le 19 janvier 2023

Synopsis : Les Rascals, une bande de jeunes de banlieue, profite de la vie insouciante des années 80. Chez un disquaire, l’un d’eux reconnait un skin qui l’avait agressé et décide de se faire justice lui-même. Témoin de la scène, la jeune sœur du skin se rapproche d’un étudiant extrémiste qui lui promet de se venger des Rascals. Alors que l’extrême droite gagne du terrain dans tout le pays, la bande d’amis est prise dans un engrenage. C’est la fin de l’innocence…

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Les Rascals - affiche

Les Rascals – affiche

Après Soldat Noir, un précédent court-métrage qui avait attiré l’attention des César en 2021, Jimmy Laporal-Trésor arrive en salle avec un premier long-métrage qui ne veut pas faire dans la dentelle. Et pourtant, on est au départ tentés de croire à un film de bandes plutôt classique, à la West Side Story. Le film s’ouvre sur un passage en 1977 dans les cités de la banlieue parisienne pour montrer un affrontement qui tourne au vinaigre entre deux jeunes gamins issus de l’immigration, quand un délinquant du double de leur âge, qui observe la scène, décide de leur régler leur compte. De quoi annoncer le ton du film : l’ère des bandes, qui se battaient pour des histoires de territoires, touche à sa fin. Pour autant, le long-métrage prend le temps de poser le contexte de son histoire. Nous voilà en 1984. Les jeunes enfants sont devenus amis au sein de la bande des Rascals, portent des teddys à leurs couleurs, parlent en louchébem, doivent enchaîner les rendez-vous ANPE, vont boire des coups au bar, jouent au flipper, draguent les filles… En limitant les coupes et étirant ses plans, Jimmy Laporal-Trésor dresse le portrait de cette France dans laquelle il a grandi. Il se console de la désillusion du mitterandisme en se réfugiant dans les imaginaires des différentes modes de l’époque, du punk au look fifties, en passant par le hip-hop qui émerge à peine.

 

Les Rascals - Credit Lea Rener - The Jokers Films

Les Rascals de Jimmy Laporal-Trésor – Credit photo Lea Rener / The Jokers Films

 

Quand soudain, l’autre dure réalité de cette époque s’impose au spectateur. 1984, c’est aussi l’année où une dizaine de députés Front National fait son entrée à l’Assemblée, et c’est l’année où culminent les exactions des bandes de skinheads, et des encore plus violents boneheads. C’est justement l’un d’entre eux qui les a dérouillés enfants que Rudy et Rico (personnages principaux) croisent chez le disquaire. Si lui se veut avoir tourné la page de ses années de violence, Rico n’a pas pardonné, et lui colle la raclée qu’il rêvait depuis longtemps de lui infliger.

 

Se pose alors la grande divergence de position par rapport à cette situation sociale, entre Rico, fils d’immigrés maghrébins qui veut quitter la France tant il s’en sent rejeté, et Rudy, qui cherche simplement à mener sa barque au mieux sans s’attirer d’ennuis. Témoin dans l’ombre de la scène, Frédérique, la sœur de celui que Rico envoie à l’hôpital, passe au début pour la victime et attire l’empathie. Ce qui rend son évolution d’autant plus intéressante. Étudiante à Assas, elle va rencontrer le charismatique leader du GUD de l’époque, et sombrer dans la haine par esprit de vengeance.

 

Les Rascals - Credit Jean-Philippe Baltel - The Jokers Films

Les Rascals de Jimmy Laporal-Trésor – Credit photo Jean-Philippe Baltel / The Jokers Films

 

Il y a une pertinence politique redoutable à présenter ces deux personnages aux allures de couple idéal, à l’heure où l’extrême-droite cherche plus que jamais à donner un vernis de respectabilité à ses idées racistes. Ce sont bien ces deux personnages qui rejoignent les concerts de punk rock et les meetings néonazis qui se tiennent dans les caves d’Assas, avec la bénédiction de certains professeurs. Ce sont bien eux qui viennent castagner les colleurs d’affiches du Parti Communiste, dans des scènes à la violence froide, crue, qui là encore s’étend sur la durée, oblige le spectateur à lui faire face. Quand Mitch, le neveu de Rudy célébré par sa mère comme l’exemple que Rudy devrait suivre, fait les frais de la vendetta des boneheads, la tension atteint son point de non-retour.

 

Le film vire alors complètement dans le registre de La Haine, arrivant à une confrontation qui permet de mettre en exergue la complicité de la police de l’époque, notamment des brigades de « voltigeurs », que seule l’affaire Malik Oussekine aura pu faire tomber définitivement. On ressort du film ému, en colère, avec l’envie de voir les choses changer. Certes, les « chasseurs de skins », auxquels le film fait allusion à sa toute fin, ont pu permettre de faire perdre de l’influence à ces milices. Mais l’actualité politique récente, des élections de 2022 aux incidents ayant suivi le match de coupe du monde de football entre la France et le Maroc, rappellent à quel point -et sans doute bien plus qu’il ne l’aurait voulu-Les Rascals est un portrait brillant non seulement de son époque, mais aussi de la nôtre.

 

Théotime Roux

 

 

 

  • LES RASCALS
  • Sortie salles : 11 janvier 2023
  • Réalisation : Jimmy Laporal-Trésor
  • Avec : Jonathan Feltre, Angelina Woreth, Missoum Slimani, Victor Meutelet, Marvin Dubart, Taddeo Kufus, Jonathan Eap, Emerick Mamilonne…
  • Scénario : Sébastien Birchler, Jimmy Laporal-Trésor et Virak Thun
  • Production : Violaine Barbaroux, Nicolas Blanc, Manuel Chiche et Sarah Egry
  • Photographie : Romain Carcanade
  • Montage : Riwanon Le Beller
  • Décors : Samuel Teisseire
  • Costumes : Laurence Benoit
  • Musique : Delgres
  • Distribution : The Jokers Films
  • Durée : 1 h 40

 

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