The Whale de Darren Aronofsky : critique

Publié par CineChronicle le 11 mars 2023

Synopsis : Dans une ville de l’Idaho, Charlie, professeur d’anglais reclus, en obésité morbide, se cache dans son appartement et mange en espérant en mourir. Il cherche désespérément à renouer avec sa fille adolescente pour une ultime chance de rédemption.

♥♥♥♥♥

 

The Whale - Affiche

The Whale – affiche

Près de six ans après le relatif échec critique du controversé Mother !, l’ancien réalisateur prodige Darren Aronofsky tente un retour par la petite porte, via un projet modeste centré sur un personnage en pleine crise de vie. Un choix pas si surprenant tant The Whale, de son scénario à sa conception, apparaît comme film miroir de The Wrestler, sorti en 2006. Outre le fait qu’ils suivent la tentative de rédemption, notamment vis-à-vis d’une fille délaissée, de deux héros d’âge mur, abîmés par les excès, les deux films ont aussi en commun d’être des projets à petits budgets, menés après des expériences difficiles sur des grosses productions. Avec The Wrestler, Aronofsky tentait de se remettre (avec succès) de l’échec financier et critique de The Fountain, en revenant à un cinéma plus naturel, plus vivant, porté par un Mickey Rourke en état de grâce. The Whale aurait ainsi pu remplir la même fonction après la déconvenue de Mother !, sauf que cette fois, le résultat s’avère bien plus contrasté. Adapté d’une pièce de théâtre du même titre, The Whale adopte un dispositif scénique des plus simples. Resserrée en un unique lieu, l’appartement du héros, l’intrigue avance au gré des va-et-vient des personnages secondaires et de leurs échanges avec Charlie. Si le long-métrage aurait pu n’être qu’une pièce filmée, Aronofsky s’approprie la matière théâtrale pour en tirer une expérience cinématographique. Embrassant pleinement la capacité du septième art à se rapprocher au plus près des personnages, le cinéaste fait le choix du 4/3, qui donne à l’image un format carrée par l’ajout de deux bandes noires verticales sur les côtés. Le cadre devient de fait étouffant, pleinement occupé par le corps massif et déformé de Charlie, qui n’en ressort lui-même que plus impressionnant et gigantesque. Mais Aronofsky, sans doute conscient de marcher sur une fine ligne qui le sépare du sensationnalisme un peu malsain, exploite aussi son cadre resserré pour renforcer l’empathie envers le héros. Enfermé entre ces deux bandes noires dans un espace terriblement exigu, le spectateur ressent ainsi l’oppression permanente de Charlie, lui-même prisonnier de son appartement, et plus encore de son propre corps.

 

Brendan Fraser - The Whale

Brendan Fraser – The Whale

 

Mais en dépit de ces trouvailles, Aronofsky ne se départ pas de la lourdeur stylistique qui plombait certains de ses films précédents, Mother ! en tête. Le cinéaste multiplie ainsi les longs gros plans sur certaines parties du corps de son héros dont on ne comprend pas bien l’utilité, autre que de péniblement souligner ce que le spectateur a déjà compris. Il en va de même pour l’utilisation de la musique, omniprésente, voire envahissante, elle ne développe pas de thème reconnaissable et n’est là que pour appuyer sur les images qui parlent d’elles-mêmes.

 

Cette lourdeur stylistique se retrouve également dans l’écriture, plus littéraire que cinématographique. Samuel D. Hunter, auteur de la pièce originale et dramaturge de profession, signe ici son premier scénario de cinéma, et n’échappe pas à un certain nombre d’écueils typiques du passage d’un art à l’autre. Le script passe ainsi une bonne partie du temps à souligner les enjeux et les rapports des personnages par le dialogue, allant jusqu’à répéter certaines informations plusieurs fois. En résultent des échanges manquant de naturel et qui sonnent trop écrits. Ces scories, qu’elles soient écrites ou visuelles, sont d’autant plus regrettables que l’une des thématiques centrales est justement la sincérité.

 

Sadie Sink - The Whale

Sadie Sink – The Whale

 

Regarder ces personnages résoudre leurs conflits, tout en devant faire preuve de naturel dans un film qui en manque cruellement, a quelque chose de gênant. Comme si Aronofsky et Hunter avaient été incapables d’adopter cette position sincère. Certaines trouvailles d’écriture restent pourtant intéressantes, notamment le parallèle avec Moby Dick où Charlie est autant l’allégorie de la baleine blanche que celle du capitaine Achab, prêt à tout pour la tuer. Une double nature parfaitement en accord avec la façon dont Aronofsky filme son héros, et qui trouve son apogée lors d’un final, centré autour de l’élévation du protagoniste. Une notion chère au cinéaste et qui concluait déjà The Wrestler et Black Swan.

 

Au milieu de tous ces aspects nuancés et imparfaits, demeure néanmoins une grande réussite, l’interprétation de Brendan Fraser. Eloigné d’Hollywood depuis un certain nombre d’années, en grande partie suite à son agression sexuelle par l’ancien président de l’Association hollywoodienne de la presse étrangère, l’ex-star de La Momie se livre corps et âme, avec un dévouement remarquable. Sans jamais sombrer dans l’excès ou le ridicule, il livre une performance subtile et pleine de sensibilité, loin du numéro d’acteur à Oscar que le rôle pouvait laisser craindre. À travers des petits gestes -comme ce léger tapotement des doigts quand il est nerveux-, l’acteur construit un personnage tout en nuances, à la fois passif et combatif, résigné mais brave.

 

Soutenu par un impressionnant travail de prothèse au résultat bluffant, le comédien est le véritable cœur émotionnel du projet et sa raison d’être. L’Académie des Oscars ne s’y est pas trompée en le nommant pour la première fois de sa carrière à l’Oscar du meilleur acteur. Avec The Whale, Brendan Fraser marque enfin son grand retour. Il était temps !

 

Timothée Giret

 

 

 

  • THE WHALE
  • Diffusion : Depuis le 8 mars 2023
  • Réalisation : Darren Aronofsky
  • Avec : Brendan Fraser, Sadie Sink, Hong Chau, Ty Simpkins, Samantha Morton, Sathya Sridharan…
  • Scénario : Samuel D. Hunter
  • Production : Darren Aronofsky, Jeremy Dawson, Ari Handel
  • Photographie : Matthew Libatique
  • Montage : Andrew Weisblum
  • Décors : Lisa Scoppa
  • Costumes : Danny Glicker
  • Musique : Rob Simonsen
  • Distribution : ARP Sélection
  • Durée : 1 h 57

 

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