The Artist : critique

Publié par Nathalie Dassa le 27 septembre 2011

Hollywood 1927. George Valentin est une vedette du cinéma muet à qui tout sourit. L’arrivée des films parlants va le faire sombrer dans l’oubli. Peppy Miller, jeune figurante, va elle, être propulsée au firmament des stars. Ce film raconte l’histoire de leurs destins croisés, ou comment la célébrité, l’orgueil et l’argent peuvent être autant d’obstacles à leur histoire d’amour.

 

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Le nouveau long-métrage de Michel Hazanavicius – dont les critiques dithyrambiques continuent d’abreuver la toile depuis le dernier festival de Cannes – est le plus beau bijou cinématographique de l’année 2011 et le véritable coup de cÅ“ur de CinéChronicle avec Black Swan sorti en février. Si on regrette fortement qu’il ne puisse défendre les couleurs tricolores de la prochaine course aux Oscars puisque sa sortie est programmée sur les écrans après les délais impartis (du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2011), certaines sources américaines prédisent néanmoins qu’il aurait toutes ses chances de figurer dans d’autres catégories de la prochaine grand-messe hollywoodienne. Quoi qu’il en soit, on se consolera en voyant et revoyant cette Å“uvre étincelante et unique en son genre dans les salles obscures. Car la réussite de The Artist émane de la somme de plusieurs grands talents. D’abord celui de Michel Hazanavicius qui est non seulement l’un des plus intéressants réalisateurs français actuels mais également un excellent auteur à la plume intelligente et soignée. Après le succès au box office des deux OSS 117, pastiches de films d’espionnage des années 50/60 plébiscités par la critique et le public, il réussit à tordre les idées préconçues de ceux qui le vouaient à la comédie en se lançant dans un genre pourtant de plus en plus fébrile aujourd’hui, le mélodramatique. Avec un talent inné, il relève le défi audacieux de revenir à la merveilleuse époque du muet alors que l’industrie du cinéma est en pleine révolution sur les technologies 3D, motion et performance capture. Il transforme ainsi superbement l’essai par un véritable tour de force en noir & blanc présenté au ratio 1/33 avec un nombre d’intertitres suffisants. La séquence du rêve qui amène le son projetant les angoisses du personnage central est excellente.

 

 

C’est ensuite le talent de Jean Dujardin – récompensé par le prix d’interprétation masculine à Cannes – qui se révèle au fil des années un comédien extrêmement polyvalent et pour qui les portes d’Hollywood devraient logiquement s’ouvrir et se faire échos entre elles. D’abord fringuant et charmeur, proche d’un Errol Flynn ou d’un Douglas Fairbanks et leurs films d’aventures romanesques de cape et d’épée, il parvient à donner une réelle dimension à son jeu dramatique de star déchue du muet en pleine descente aux enfers, et termine sur une renaissance magistrale en s’affichant comme un nouveau Gene Kelly (sans la moustache) à la force des claquettes. Son interprétation est d’autant plus forte que la chute fatale du personnage est mêlée au Krach boursier de 1929. Ainsi les vestiges de sa gloire passée vendus aux enchères le conduisent à toucher le fond et à atteindre une profonde intensité, dans une des scènes poignantes où il met le feu à une pile de bobines de ses films, dévidées sur le sol de son petit appartement. La performance du chien – primé par la Palme Dog à Cannes – est extraordinaire. C’est enfin la présence de Bérénice Béjo, pleine de délicatesse et de fraîcheur, qui joue magnifiquement de son sourire radieux et de son corps en perpétuel mouvement, à la manière de Joan Crawford pendant sa période MGM. Sans oublier John Goodman et James Cromwell qui s’inscrivent tous deux dans cet univers en parfait producteur hollywoodien, costard croisé et cigare en bouche, et en chauffeur fidèle renvoyant à un Erich Von Stroheim en plus soft de Boulevard du Crépuscule.

 

 

C’est dans une structure scénaristique classique et efficace à l’effet toujours crescendo que Hazanavicius projette, dès l’ouverture du film, le spectateur en plein cœur de l’année 1927 dans les studios Warner Bros à Los Angeles, faisant écho au Chanteur de Jazz avec Al Jolson considéré comme le premier film parlant réalisé par la major cette même année. Si le cinéaste puise ses références dans les chefs-d’œuvre des pionniers du genre tels Murnau, Borzage, Lang ou encore Vidor, il s’en réapproprie les règles pour en faire un long-métrage qui s’achemine vers la pure œuvre d’art émotionnelle et sensorielle à contre courant. Car The Artist trouve également sa tonalité dans l’énergie de plusieurs autres œuvres classiques entre A Star is Born et ces effets du star-système, Chantons sous la pluie pour son passage au parlant et Boulevard du Crépuscule dans l’exploration de la douleur et de l’orgueil d’une vedette du muet dépassée par la technologie, sans la théâtralité et le fantasme de retour d’une Norma Desmond.

 

 

The Artist est de ce fait un vrai travail d’orfèvre postmoderne, se matérialisant à l’écran grâce au talent des collaborateurs habituels du cinéaste qui parviennent à récréer l’esthétisme, le glamour, l’énergie et l’ambiance des années 1920. Guillaume Schiffman livre ainsi une admirable photographie noir & blanc sophistiquée et lumineuse et Ludovic Bource impose une puissance musicale symphonique. On retient tout particulièrement le score de Bernard Hermann pour Sueurs Froides (Vertigo) utilisé au dernier acte lorsque George Valentin est au plus bas. Et enfin entre corps et décors, parures, artifices et autres clins d’oeil, Mark Bridges et Laurence Bennett authentifient les personnages dans ce monde silencieux. Si bien qu’à l’arrivée, Hazanavicius réussit à mythifier la simple attraction mutuelle du duo sur grand écran en une fabuleuse histoire d’amour poétique et mélancolique dont la magie opère pendant toute la durée du métrage…

 

 

 

 

‘The Artist’ écrit et réalisé par Michel Hazanavicius en salles le 12 octobre, avec Jean Dujardin, Bérénice Béjo, John Goodman, James Cromwell, Penelope Ann Miller, Missi Pyle. Production : Thomas Langmann. Directeur de la Photographie : Guillaume Schiffman. Musique : Ludovic Bource. Décors : Laurence Bennett. Costumes : Mark Bridges. Montage : Anne-Sophie Bion, Michel Hazanavicius. Distribution : Warner Bros. Durée : 1h40.

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