Drive-Away Dolls d’Ethan Coen : critique

Publié par CineChronicle le 26 avril 2024

Synopsis : Jamie, une jeune femme libre d’esprit, et Marian, son amie plus réservée, décident de partir en road trip vers Tallahassee après une énième rupture amoureuse. Leur quête de liberté se transforme en un voyage périlleux lorsqu’elles croisent la route d’une bande de truands et se retrouvent prises au piège d’une série d’événements imprévus.

 

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Drive-Away Dolls - affiche

Drive-Away Dolls – affiche

Ethan Coen est un homme bien connu des cinéphiles, surtout pour sa collaboration étroite, complémentaire et durable avec son grand frère Joel. Les deux réalisateurs ont façonné un pan entier du cinéma américain des années 1990 et 2000 avec des productions aussi cultes que singulières. Arizona Junior (1987), Fargo (1996), le cultissime The Big Lebowski (1998), l’oscarisé No country for old men (2007) ou encore Inside Llewyn Davis (2013), tous sont autant de longs métrages qui ont marqué à leur manière le 7e art, ancrant durablement le nom des Coen dans l’industrie. Drive-Away Dolls est la première réalisation d’Ethan Coen sans son frère. Il n’était néanmoins pas seul dans cette aventure, accompagné tout au long de la production par son épouse, Tricia Cooke, qui officie sur le film en tant que scénariste, productrice et cheffe monteuse. Elle a débuté sa carrière aux côtés des deux frères en 1990, travaillant au montage de Miller’s Crossing (1990). Elle est d’ailleurs l’instigatrice du projet, trouvant d’abord le titre, qui était à l’époque « Drive-Away Dykes ». Le couple de créatifs à la barre s’est donc construit artistiquement durant cette décennie qui transpire littéralement par tous les pores de la pellicule. En plus de se dérouler au cours de l’année 1999, le récit trouve son inspiration dans les productions de cette époque, tant sur le plan narratif qu’esthétique. Si le métrage s’inscrit indubitablement dans le style des frères Coen, il convoque aussi parfois celui d’une autre fratrie bien connue, celle des Farrelly, les rois de l’humour potache. Le rythme des gags, leur enchaînement et leur nature même rappellent les comédies les plus loufoques du début des années 2000. L’espièglerie, la frivolité et la badinerie s’érigent en reines absolues de cet univers.

 

Margaret Qualley -Drive-Away Dolls - Credit Wilson Webb - Focus Features

Margaret Qualley – Drive-Away Dolls d’Ethan Coen – Crédit Wilson Webb / Focus Features

 

Le récit s’ouvre sur une courte apparition mémorable d’un Pedro Pascal survitaminé. L’acteur, très en vogue, semble tout droit sorti d’un cartoon de Tex Avery. Gros yeux, gestes méticuleusement outranciers, la consigne était claire : en faire des tonnes. Et cela fonctionne, ayant même le mérite de nous préparer à la suite, loufoque, mais plus pondérée (une fois passée une première scène de sexe très…vivante !). Les comédiennes et les comédiens incarnent leurs personnages jusqu’a bout des ongles, frôlant le surjeu, mais toujours avec justesse. Il faut par exemple un certain temps d’adaptation pour se faire à l’accent sudiste très marqué et…envahissant de Jamie, incarnée par Margaret Qualley.

 

La photographie et les couleurs finissent d’asseoir l’ambiance des années 1990-2000, tandis que les interludes oniriques mettant en scène Miley Cyrus semblent invoquer la musique psychédélique des années 60 et 70, voire 90. On pense précisément au clip Groove Is In The Heart de Deee-Lite. À noter plus généralement une excellente sélection musicale, avec notamment deux morceaux de Linda Rondstadt, Long Long Time et Blue bayou. Drive-Away Dolls s’inspire clairement des films de la sexploitation, comme Motorpsycho ! (1965) de Russ Meyer, et Bad Girls Go To Hell (1965) de Doris Wishman, des métrages qu’Ethan Coen qualifie de « franchement vulgaires et, paradoxalement, innocents ».

 

Ethan Coen et Tricia Cooke assument donc leurs références, jusqu’à convoquer John Waters et Pedro Almodóvar. On retrouve néanmoins l’amour des Coen pour le quiproquo, les situations rocambolesques, et les mafieux déjantés. Les scènes de sexe, nombreuses, ne manquent pas non plus de piquant. Le film, résolument queer, ne se prive pas de célébrer la diversité à l’écran. Une variété des orientations et des corps qui n’est ni intellectualisée ni véritablement militante, mais qui s’impose aux spectateurs.

 

Margaret Qualley - Drive-Away Dolls - Credit Wilson Webb - Focus Features

Margaret Qualley – Drive-Away Dolls d’Ethan Coen – Crédit Wilson Webb / Focus Features

 

La sexualité est assumée, drôle, décomplexée et participe à l’esprit non conventionnel et indépendant des personnages, du récit et de l’œuvre en général. Une volonté assumée de Tricia Cooke : « La grande majorité des films qui mettent en scène des lesbiennes sont des drames, éloquents et sérieux. À contrario, on voulait des héroïnes queer dont la sexualité n’est pas le propos du récit. On voulait un film qui traite de sexe avec légèreté, comme dans les séries B, et non qui renvoie un message sur la sexualité.”

 

Drive-Away Dolls offre un voyage nostalgique dans les années 90, avec une belle dose d’humour burlesque. C’est rapide, sans prise de tête, littéralement jouissif, et ça ne propose rien d’autre qu’un petit récit d’amitié (et plus si affinités) sur les routes américaines. Bien qu’un peu trop sexualisé par moments, le métrage d’Ethan Coen reste une expérience divertissante et rafraîchissante, à savourer pour son ambiance déjantée et son message de liberté. Il ne révolutionne rien, mais est suffisamment original pour se démarquer.

 

Drive-Away Dolls est annoncé comme le premier volet d’une trilogie « de films de série B lesbiens ». Le second, Honey Don’t !, permettra de retrouver Margaret Qualley, entourée d’Aubrey Plaza et Chris Evans.

 

Christophe Laurent

 

 

 

  • DRIVE-AWAY DOLLS
  • Sortie salles : 3 avril 2024
  • Réalisation : Ethan Coen
  • Avec : Margaret Qualley, Geraldine Viswanathan, Beanie Feldstein, Joey Slotnick, C.J. Wilson, Colman Domingo, Pedro Pascal, Bill Camp, Matt Damon, Connie Jackson, Annie Gonzalez, Miley Cyrus
  • Scénario : Ethan Coen et Tricia Cooke
  • Production : Tim Bevan, Ethan Coen, Tricia Cooke, Eric Fellner et Robert Graf
  • Photographie : Ari Wegner
  • Montage : Ethan Coen et Tricia Cooke
  • Décors : Yong Ok Lee
  • Costumes : Peggy Schnitzer
  • Musique : Carter Burwell
  • Distribution : Universal Pictures International France
  • Durée : 1 h 34

 

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