Civil War d’Alex Garland : critique

Publié par CineChronicle le 15 avril 2024

Synopsis : Dans un futur proche, alors que les États-Unis sont en proie à une guerre civile sans précédent, une équipe de journalistes se lance à corps perdu vers Washington pour couvrir le conflit en son épicentre.

 

♥♥♥♥♥

 

Civil War - affiche

Civil War – affiche

Passé en l’espace de trois films du statut de romancier et scénariste de talent à celui de réalisateur singulier, Alex Garland s’est surtout taillé, au fil des Å“uvres, une réputation de spécialiste de la science-fiction. Auteur du script de Sunshine et réalisateur d’Ex Machina et Annihilation, Garland utilise le genre pour mieux questionner les parts sombres de l’humanité. Avec Civil War, il s’éloigne pourtant du récit purement futuriste pour plonger dans une dystopie quasi contemporaine, où les États-Unis sont le théâtre d’une nouvelle guerre de sécession. Un pitch aussi simple qu’intrigant, d’autant plus en pleine période de campagne présidentielle où l’Amérique semble plus que jamais divisée. Comme en vrai temps de guerre, Alex Garland développe un climat trouble où la situation n’est jamais définie autrement que par la vision bien personnelle de chaque protagoniste. Plutôt que la basique opposition démocrates/républicains à laquelle on pouvait s’attendre, on se retrouve dans un chaos absolu, où l’on ne saurait déterminer quel camp serait celui de la raison. Si le président en place est rapidement défini comme un tyran aux tendances fascistes, difficile de ne pas vite se désolidariser de ces rebelles qui ne rechignent ni devant la torture, ni devant les exécutions sommaires. Au détour de certaines scènes, Garland retrouve l’ADN horrifique qui habitait ses deux derniers films. La visite d’une station-service se transforme en une plongée dans l’antre de monstres terriblement humains, quand la rencontre avec des miliciens ordinaires se teinte d’une extrême tension xénophobe. Même lors d’une escale dans une petite ville en apparence paisible, Garland révèle, en un mouvement de caméra aussi simple qu’efficace, le morbide envers du décor. Le vernis de tranquillité ne sert qu’à dissimuler une tension omniprésente et prête à exploser à tout moment.

 

Kirsten Dunst Wagner Moura - Civil War

Kirsten Dunst et Wagner Moura – Civil War d’Alex Garland

 

Mais si Civil War dresse ce constat d’une Amérique profondément divisée et au bord de l’implosion, le film est surtout le portrait d’une humanité qui tente de ne pas perdre pied dans le chaos de la guerre. En suivant une équipe de reporters, témoin objectif par nature, Garland fait de son récit une réflexion universelle sur la façon dont la guerre affecte l’humain au plus profond de son être. Plus encore qu’un pur film d’affrontements, Civil War est un road movie, genre initiatique par excellence. On suit ainsi le parcours de Jesse, aspirante photographe de guerre, encore naïve et idéaliste, bientôt confrontée à dure la réalité du terrain et au regard désabusé de ses aînés.

 

Dans ce rôle tout en nuances subtiles, la comédienne Cailee Spaney (Priscilla) confirme son talent en incarnant parfaitement le passage de Jesse, de l’innocence à l’exaltation guerrière. Face à elle Kirsten Dunst se livre à une performance diamétralement opposée en campant Lee Smith, grande reporter froide comme l’acier et usée par des années d’atrocités vues sur le front. Tandis que la novice s’endurcit quitte à perdre de son humanité, Lee tente au contraire de retrouver un peu de sa sensibilité perdue. Le point de vue de Garland sur la guerre rappelle ainsi celui de Kathryn Bigelow sur Démineurs. L’adrénaline procurée par les combats est une drogue hautement addictive qui ronge petit à petit ceux qu’elle corrompt.

 

Si ces réflexions sont passionnantes, le réalisateur n’oublie néanmoins pas qu’il réalise également un vrai film d’action. Car là où Civil War surprend et impressionne le plus, c’est bien dans ses scènes d’affrontements urbains, aussi prenantes que spectaculaires. Empruntant à la fois le dynamisme de Ridley Scott sur La Chute du Faucon Noir et une maîtrise de l’espace presque spielbergienne, Alex Garland fait montre d’une maîtrise technique à laquelle il ne nous avait jusqu’ici encore jamais habitués. Là où ses précédentes réalisations souffraient par moment d’un découpage hasardeux et de raccords peu inspirés, Civil War est parfaitement maîtrisé de bout en bout. À cette maestria formelle s’ajoute une ambiance sonore absolument remarquable, qui rappelle que le cinéaste a toujours accordé une importance toute particulière au son. 

 

Nick Offerman - Civil War

Nick Offerman – Civil War d’Alex Garland

 

Certaines des scènes les plus marquantes de sa filmographie se basent entièrement sur la création et le modelage de sons. L’assaut d’un ours horriblement muté dans Annihilation devenait proprement cauchemardesque, quand les hurlements de la bête sonnaient comme un assemblage grotesque de voix humaines. À l’inverse, l’une des scènes clés de Men jouait sur l’écho d’une voix pour faire ressentir la reconnexion de l’héroïne avec elle-même. Si Civil War se veut plus réaliste, Garland ne s’y interdit pas un peu de poésie, comme lors d’une scène de bivouac où les bombardements lointains revêtent des allures de feu d’artifice.

 

Mais outre cette parenthèse presque onirique, c’est dans les scènes de guérilla urbaine que le travail sonore se fait le plus sentir. Oscarisé pour son travail sur Gravity, l’ingénieur du son Glenn Freemantle, collaborateur régulier de Garland, montre une nouvelle fois sa maîtrise dans l’art de créer des ambiances sonores ultra prenantes. Chaque coup de feu claque comme une détonation de violence pure, sans même que l’on ait à voir l’impact du tir. Les affrontements n’en deviennent que plus intenses, sans que le long-métrage ne sombre jamais dans un voyeurisme complaisant qui desservirait sa dimension humaniste.

 

À la fois constat glaçant d’une Amérique fracturée, réflexion existentielle prenante et film de guerre à l’efficacité redoutable, Civil War est une réussite sur tous les points et le long-métrage le plus abouti de son réalisateur. Avec cette quatrième production, Alex Garland prouve qu’il n’est pas qu’un scénariste doué, mais également un cinéaste à toujours suivre de près.

 

Timothée Giret

 

 

 

  • CIVIL WAR
  • Diffusion : 17 avril 2024
  • Réalisation et Scénario : Alex Garland
  • Avec : Kirsten Dunst, Cailee Spaeny, Wagner Moura, Stephen McKinley Henderson, Jesse Plemons, Nelson Lee, Sonoya Mizuno, Jefferson White, Nick Offerman…
  • Production : Gregory Goodman, Andrew Macdonald, Allon Reich
  • Photographie : Rob Hardy
  • Montage : Jake Roberts
  • Décors : Caty Maxey
  • Costumes : Meghan Kasperlik
  • Musique : Geoff Barrow, Ben Salisbury
  • Distribution : Metropolitan Filmexport
  • Durée : 1 h 49

 

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