Synopsis : Priscilla Beaulieu est encore adolescente quand elle rencontre Elvis Presley, bien plus âgé et déjà mondialement connu. L’histoire se concentre sur l’évolution de la jeune femme face à la désillusion de sa relation toxique avec Elvis.
♥♥♥♥♥
Sofia Coppola s’attaque de nouveau brillamment au film biographique avec l’histoire de Priscilla Beaulieu. La réalisatrice choisit de s’intéresser à l’évolution de la jeune adolescente effacée à la femme enfin émancipée. Comme une réponse à Elvis de Baz Luhrmann en 2022, elle montre ici le point de vue de son épouse. Incarné par Cailee Spaeny avec justesse et sensibilité, le personnage voit sa vie rêvée voler en éclats. Ce rôle lui a d’ailleurs valu la Coupe Volpi de la meilleure actrice à la Mostra de Venise. La figure mythique du chanteur s’efface ainsi pour laisser place à Priscilla. Coppola choisit une bande-son sans Elvis Presley, permettant au spectateur de s’en désintéresser. Le titre annonce déjà la ligne directrice : l’intime par le prénom. La face cachée de l’icône se dévoile dès lors sous nos yeux. Si dans le film de Luhrmann, Elvis se soumet au colonel Tom Parker, chez Coppola, il devient le tyran. Elle souligne la différence d’âge avec la jeune fille, accentuée ensuite par l’air fragile de l’adolescente de 14 ans, puis face à cette célébrité de 24 ans, grande et assurée, qui semble presque l’écraser dans certains plans. Il aime surtout la contrôler, jusqu’à choisir ce qu’elle doit porter. Comme de coutume, dans la filmographie de Coppola, les costumes sont choisis avec rigueur, suivant au plus près ceux de la réalité. Elle profite de la féminité et de l’élégance des tenues originales pour montrer la femme-poupée aux côtés de son mari. Les couleurs pastel des vêtements et des décors s’accordent et soulignent l’importance du détail. L’image est belle, chaque plan soigné et étudié.
Le domaine de Graceland passe du château de conte de fées à cette prison froide et austère, où Priscilla multiplie les plans seule, comme perdue dans la beauté et l’immensité des lieux. La réalisatrice continue de filmer l’ennui d’une main de maître dans cette cage dorée, à l’image de Marie-Antoinette (2006). Si la lenteur permet d’accentuer la solitude du personnage, ce rythme dans la narration perd un peu de sa force dans des plans un peu longs. On aurait souhaité plus de révolte, même si elle est étouffée par cette légende du rock and roll. Cependant, Coppola sonde cette solitude pesante, appuyée par le cloisonnement des scènes en intérieur. Priscilla est constamment seule et enfermée entre quatre murs : ceux de ses parents, de son mari et même du lycée. La dernière séquence la montre au volant de sa voiture, prête à franchir le portail. Un symbole fort et réussi de l’émancipation de la jeune fille devenue femme.Â
Célia Perez
- PRISCILLAÂ
- Sortie salle : 3 janvier 2024
- Réalisation : Sofia Coppola
- Avec : Cailee Spaeny, Jacob Elordi, Dagmara Dominczyk, Ari Cohen, Tim Post, Lynne Griffin, Dan Beirne, Rodrigo Fernandez-Stoll, Dan Abramovici, Matthew Shaw…
- Scénario : Sofia Coppola, d’après Elvis and me de Priscilla Beaulieu-Preslay et Sandra Harmon.
- Production : Sofia Coppola, Priscilla Beaulieu-Presley
- Photographie : Philippe Le Sourd
- Montage : Sarah Flack
- Décors : Tamara Deverell
- Costumes : Stacey Battat
- Musique : Randall Poster, PhoenixÂ
- Distribution : Mubi / Sony Pictures
- Durée : 1 h 53