Elvis de Baz Luhrmann : critique

Publié par CineChronicle le 11 juillet 2022

Synopsis : La vie et l’œuvre musicale d’Elvis Presley à travers le prisme de ses rapports complexes avec son mystérieux manager, le colonel Tom Parker. Le film explorera leurs relations sur une vingtaine d’années, de l’ascension du chanteur à son statut de star inégalé, sur fond de bouleversements culturels et de la découverte par l’Amérique de la fin de l’innocence.

♥♥♥♥

 

Elvis - affiche

Elvis – affiche

Qui d’autre que Baz Luhrmann aurait pu prendre en charge le mythe d’Elvis et retranscrire avec une telle démesure l’hystérie provoquée par ses prestations ? L’homme est ici absorbé non pas par l’artiste mais par le symbole, la figure représentée comme quasiment messianique, dont l’enfance est faite de transes et dont le premier concert déchaîne les ardeurs des spectatrices. Accusé de perversion, le chanteur serait un diable si ce rôle n’était pas déjà pris par le colonel Tom Parker, son impresario et roi de l’entourloupe sans foi ni loi. C’est donc d’un pacte faustien que le film se nourrit. Le succès est toujours affaire de manipulation, d’un appât du gain que le chanteur subit malgré lui. Adoré des jeunes, accueilli chez les noirs, il est victime de la cupidité de ses proches, assailli par la violence des médias et la répression des politiciens conservateurs. L’icône est intacte, intouchable. Dès qu’elle se fourvoie, c’est à cause de son entourage. Baz Luhrmann abonde dans les conflits binaires, manichéens parce que d’un ordre quasi-religieux : les réactionnaires contre la jeunesse, un chant de Noël (donc traditionnaliste) contre un morceau engagé et subversif, une queue de pie contre des costumes colorés, Tom Parker contre le manager des Rolling Stones, la tournée internationale contre l’hôtel International, etc… La narration se construit ainsi sur une série de bonds : d’Elvis le ringard à Elvis le génie, du Old au New Elvis, tout se tient dans cette lutte entre l’obtention du succès et la quête de son maintien par des mouvements plus sûrs, et donc moins engageants. À la fin du film, alors que le chanteur est coincé dans la salle de l’International devenue une cage, la radio annonce la famille Jackson pour les jeunes, et Elvis pour les plus vieux.

 

Elvis de Baz Luhrmann

Elvis de Baz Luhrmann

 

Ce qui emporte tout cela, c’est la fougue impressionnante de Baz Luhrmann, l’énergie débordante qu’il investit dans son montage. Split-screens, surimpressions, ajouts de textes, effets de comics… Elvis ressemble souvent à une bande-annonce survitaminée, empruntant même au genre sa tendance à remixer les tubes d’autrefois dans un style pop plus contemporain. C’est que la musique ne compte pas tant que l’extase qu’elle provoque, la folie de ces shows tournés avec une cadence frénétique. Austin Butler, jusqu’ici inconnu du grand public, impressionne par sa capacité à ressusciter le déhanché du King. C’est d’ailleurs sa voix qu’on entend lors des concerts, parti pris osé mais à l’étonnante efficacité, qui achève de placer la recherche du « vrai Elvis » hors des ambitions du film.

 

L’allure insoutenable semble inéluctablement devoir s’épuiser, trop vive pour être tenue durant 2 h 40, et pourtant elle se relance toujours sans s’essouffler. C’est dans ses quelques scènes plus lentes que le film est le plus faible, parce qu’il tente de construire des personnages qui ne tiennent que par le montage, et dont le développement met en lumière les limites de l’écriture. Heureusement, chaque pause est temporaire, et le rythme effréné de l’ensemble ne leur laisse pas le temps de s’étaler. Le spectaculaire reprend finalement ses droits, et le film repart de plus belle. Il faut mesurer l’improbabilité d’une telle forme dans un blockbuster de cette ampleur. 

 

Austin Butler - Elvis de Baz Luhrmann

Austin Butler – Elvis de Baz Luhrmann

 

Si Luhrmann filme avec dépit le panneau rouillé d’Hollywood, c’est qu’il est conscient que le système dans lequel il officie n’est pas si différent de celui d’Elvis. Et si, lorsqu’il raconte son histoire, le Colonel se promène dans un casino vide de Vegas, c’est que chaque succès part d’un pari cupide. Le déchaînement d’images proposé, quoi qu’on puisse penser de sa vacuité, est d’autant plus surprenant qu’il provient d’un genre aussi formaté que le biopic. En cela, le film fait figure d’anomalie, certes pas aussi révolutionnaire que son personnage principal (personne ne penserait à l’interdire), mais suffisamment libre pour réjouir.

  

Joffrey Liagre

 

 

 

  • ELVIS
  • Sortie salles : 22 juin 2022
  • Réalisation : Baz Luhrmann
  • Avec : Austin Butler, Tom Hanks, Olivia Dejonge, Helen Thomson, Richard Roxburgh, Kelvin Harrison Jr., David Wenham, Kodi Smit-McPhee, Luke Bracey, Dacre Montgomery
  • Scénario : Baz Luhrmann, Jeremy Doner
  • Production :  Gail Berman, Baz Luhrmann, Catherine Martin, Patrick McCormick
  • Photographie :  Mandy Walker
  • Montage :  Jonathan Redmond, Matt Villa
  • Décors :  Shaun Bary, Beverley Dunn, Daniel Reader
  • Costumes : Catherine Martin
  • Musique :  Elliott Wheeler
  • Distribution :  Warner Bros
  • Durée : 2 h 39

  

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