Résumé : Le cinéma, à travers des films très divers (Le Sang des bêtes, Massacre à la tronçonneuse, Les Oiseaux ou, plus récemment, Gorge Cœur Ventre de Maud Alpi), a su témoigner de la manière dont l’humanité traite les animaux. Les images que nous offre le 7ème art sont révélatrices de notre humanité, de nos modes de consommation comme de notre rapport à la nature. Le texte de Jonathan Palumbo éclaire, d’une réflexion salutaire, ces enjeux, tout en analysant la représentation artistique de la mort animale au cinéma. Avec pour fil rouge La Légende de Saint Julien L’Hospitalier de Flaubert, cet essai dresse un constat lucide qui n’interdit nullement l’espoir.
♥♥♥♥♥
L’ouvrage de Jonathan Palumbo, étudiant en scénario à la Fémis, s’inscrit dans une actualité brûlante. L’animal comme matière cinématographique aux prises d’une représentation dont l’humanité se confond souvent avec un esprit létal sinon mortifère. Réfléchir l’animal au cinéma à partir de sa mise à mort ou de sa possible survivance revient à interroger les modalités d’un cadrage qui traverse l’histoire des formes cinématographiques. Du court métrage Electrocuting an Elephant de Edison à Elle de Verhoeven en passant par Fast Food Nation de Linklater ou Elephant Man de Lynch, l’étude brasse de nombreuses pistes de réflexions. Objet d’une lecture métaphorique (La Grève d’Eisenstein ; Le Boucher de Chabrol), documentaire (Le Sang des bêtes de Franju ; Meat de Wiseman), ou délibérément politique (White God de Mundruczo), l’animal devient progressivement le sujet d’un cinéma qui fait la part belle aux questions d’identification (Leviathan de Castaing-Taylor et Paravel) et de sensation(s) (Au hasard Balthazar de Bresson). L’écriture de Palumbo scrute donc la trace animal au sein d’une filmographie multiple, défiant les catégories nationales ou génériques (Massacre à la tronçonneuse ou Le Fils de Saul trouvent leur place dans ce large corpus de films retranscrit en fin d’ouvrage). Chapitre après chapitre, l’auteur propose une analyse de cas qui permet d’appréhender une thématique ou un motif particulier (l’abattoir, la nature, la couleur…) Érudite, l’approche de Palumbo invite à relire les images à la lumière de références (Walter Benjamin, Karl Marx, Siegfried Giedion, et de façon centrale l’écriture littéraire de Flaubert) dont l’emploi raisonné se propose de déjouer les idées reçues pour développer une réflexion plus générale sur la nature du dispositif cinématographique. Loin du pamphlet militant, Après la nuit animale argumente selon une perspective historique et esthétique qui incite le lecteur à questionner, à son tour, les valeurs d’une imagerie ambiante, revue et relue à travers le prisme spatio-temporel du médium cinématographique. On ne peut donc que trop conseiller la découverte de ce précieux ouvrage qui parvient, d’une bien belle manière, à baliser le parcours d’une représentation aux nombreux visages.
- APRÈS LA NUIT ANIMALE
- Auteur : Jonathan Palumbo
- Éditions : Marest Éditeur
- Collection : Domaine françaisÂ
- Date de parution : Novembre 2018
- Format : 184 pages
- Tarif : 9 €