1958, en Normandie. Rose Pamphyle, 21 ans, vit avec son père, un veuf bourru qui la veut mariée au fils du garagiste local. Rose aspire pourtant à une autre vie et part à Lisieux pour devenir secrétaire. Son entretien d’embauche se passe mal au cabinet d’assurance de Louis Echard. Mais ce dernier remarque tout de suite le don de la jeune femme : elle tape à la machine à écrire avec un rythme effréné. Il décide alors de l’entraîner pour faire d’elle une championne de vitesse dactylographique.

 

♥♥♥♥♥

 

Camille redouble de Noémie Lvovsky était le premier et très beau ‘‘feel good movie’’ de 2012, comme l’ont été Le fabuleux destin d’Amélie Poulain (en 2001) et Intouchables l’an passé. Populaire s’inscrit dans la même veine malgré sa facture plus classique. Bulle d’amour et d’eau fraîche à sa façon, le premier long-métrage de Régis Roinsard se découvre, à l’instar des œuvres précitées, en tant que parcours initiatique. Celui d’une nouvelle héroïne, à la fois forte tête et adorable. Rose Pamphyle, orpheline de mère vivant chez son père et promise à une vie bien rangée, va donc surgir tel un rayon de soleil auprès d’un entourage de plus en plus large. Il faudra toute la passion et la foi d’un pygmalion pour que son don (Rose va à fond les manettes sur sa machine à écrire) explose à la face du monde et que sa côte d’amour s’envole. Ce sera chose faite avec Louis Echard, patron renommé d’un cabinet d’assurance qui la prend sous son aile pour la préparer à des championnats de vitesse de dactylographie. Le charme va bien évidemment opérer entre ces deux êtres comme celui de leurs interprètes, la craquante Deborah François et Romain Duris, est sensé capter l’attention et susciter l’empathie. L’acteur, dans un rôle rappelant vaguement celui de Rex Harrison dans My Fair Lady de George Cukor (1964), prolonge d’ailleurs son personnage de L’Arnacœur. A savoir ce catalyseur investi dans une opération séduction qui, d’abord plein d’abnégation, va révéler le feu sous la glace chez sa protégée et briser peu à peu sa propre carapace.

 

©Mars Distribution

 

Sophistiqué, crispé et intense, Romain Duris dévoile des expressions qu’on lui connaît déjà en forçant un peu le trait. Ce cabotinage peut agacer mais il lui permet de ne pas s’effacer derrière ce protagoniste et de rester une vedette en cohésion avec les nombreux clins d’œil au septième art présents du début à la fin. Les publics français et américain reconnaîtront l’atrophié sentimental de L’Arnacœur (la comédie de Pascal Chaumeil avait été bien reçue aux Etats-Unis) ainsi que leurs patrimoines cinématographiques respectifs. Car c’est bien cela que Populaire semble viser : plaire aux cinéphiles, y compris les amoureux des films de l’âge d’or hollywoodien et les fans de Jacques Demy, cinéaste au succès quasi contemporain à celui ici raconté. Rose/Déborah François arbore ainsi le look des plus grandes légendes de l’époque. Elle-même en pleine gloire montante, elle adopte la même coiffe et la même robe dorée que Grace Kelly lors du bal costumé de La Main au collet, fait une apparition sensuelle et onirique à la manière de Kim Novak dans Vertigo du même Alfred Hitchcock (par ailleurs sorti sur les écrans français en 1959, lorsque Rose devient une célébrité). Elle évoque également la malice et la grâce d’Audrey Hepburn (l’autre tête d’affiche de My Fair Lady) tout en gardant une blondeur et une fausse maladresse à la Marilyn Monroe. L’œuvre de Jacques Demy est quant à elle évoquée à travers ces couleurs vives et ces instants musicaux (pas de chants mais de la danse sur des chansons populaires), comme François Ozon l’a fait avec Potiche sorti l’année dernière. En plus de l’hommage à Demy, les héroïnes de François Ozon et de Régis Roinsard partagent un combat, celui de la condition féminine dans un monde d’hommes. Rose Pamphyle fait sa propre révolution comme la Suzanne Pujol de Potiche, sa lointaine cousine, fait la sienne en 1977. Suzanne ouvre la voie à de plus hautes responsabilités féminines tandis que Rose se bat ne serait-que pour se libérer du carcan familial et gagner son indépendance. Deux décennies les séparent mais le même désir de modernité les habite.   

 

©Mars Distribution

 

Pourtant, Populaire ne compte pas parler uniquement aux femmes. Les traumas de guerre (Louis a perdu des amis pendant les conflits de 39-45) résonneront dans les têtes des anciens enfants ou jeunes adultes des années 1950, quel que soit leur sexe. Et puis Régis Roinsard s’adresse autant aux cinéphiles qu’à monsieur Tout-le-monde lorsqu’il filme les compétitions dactylographiques. Le triomphe de Rose la Française face aux Américains fait écho à ceux, récents, de Marion Cotillard et Jean Dujardin (les flashs et applaudissements tapent aux yeux et aux oreilles lors d’une apothéose très ‘‘cérémonie des oscars’’). En parallèle, les longues secondes sur les doigts de fée en plein effort devant la machine, les contre-plans entre des adversaires possédées par leur défi, les gros plans sur leurs regards enflammés, les sons et les ralentis amplifiés transformant les frappes de secrétaires en coups de poing font de ces créatures élégantes des Rocky en jupons. Le climax du film à New-York peut de même faire penser aux exploits des nageurs tricolores face aux rois du bassin venus d’outre-Atlantique en cette année olympique, d’autant plus que le Louis Echard de Duris est un ancien sportif et parle comme un coach. Du cinéma, du sport, de l’actualité et de l’Histoire, il y a donc tout cela dans le coup d’essai réussi et (trop) maîtrisé de Régis Roinsard. Rien ne déborde, tout est pensé et millimétré à la touche près. En tout bon catalogue de souvenirs qui se respecte, sans surprise malgré son idée de départ originale et osée, Populaire se regarde avec un plaisir certain. Le plaisir, à la fois éphémère et réconfortant, d’un moment de gourmandise.

 

Hélène Sécher

 

 

 

POPULAIRE de Régis Roinsard en salles depuis le 28 novembre 2012 avec Romain Duris, Déborah François, Bérénice Béjo, Shaun Benson, Mélanie Bernier, Nicolas Bedos, Miou-Miou, Eddy Mitchell. Scénario : Régis Roinsard, Daniel Presley, Romain Compingt. Producteurs : Gaëtan David, André Logie. Producteur exécutif : Xavier Amblard. Producteur délégué : Alain Attal. Directeur de la Photographie : Guillaume Schiffman. Décors : Sylvie Olive. Montage : Laure Gardette. Costumes : Charlotte David. Distribution : Mars Distribution. Durée : 1h51.

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