À la suite d’un entretien d’embauche qui se passe mal, Lulu décide de ne pas rentrer chez elle et part en laissant son mari et ses trois enfants. Elle n’a rien prémédité, ça se passe très simplement. Elle s’octroie quelques jours de liberté, seule, sur la côte, sans autre projet que d’en profiter pleinement et sans culpabilité. En chemin, elle va croiser des gens qui sont, eux aussi, au bord du monde : un drôle d’oiseau couvé par ses frères, une vieille qui s’ennuie à mourir et une employée harcelée par sa patronne… Trois rencontres décisives qui vont aider Lulu à retrouver une ancienne connaissance qu’elle a perdu de vue : elle-même.
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Issu de l’œuvre éponyme d’Etienne Davodeau, Lulu, femme nue est un film dans l’air du temps, même si l’expression peut sembler galvaudée. Adaptation d’une bande-dessinée, le dernier-né de Solveig Anspach semble aussi rejoindre les road movies au féminin mais Lulu, femme nue reste avant tout un long-métrage de cette réalisatrice d’origine islandaise, avec une fois encore un personnage féminin à la fois si ordinaire et particulier qui va se révéler à lui-même. Près de 14 ans après Haut les Cœurs ! (1999), Solveig Anspach retrouve donc Karin Viard autour de cette Lulu qui, suite à un entretien d’embauche raté, choisit de ne pas rentrer tout de suite auprès de ses trois enfants et de son mari colérique dans leur maison située près d’Angers. Non, Lulu la femme qui manque de caractère et de confiance en elle décide de s’octroyer une échappée rien que pour elle, pour mieux se retrouver après des années passées à se taire et à encaisser. Au cœur de la Vendéenne Saint-Gilles-Croix-de-Vie, les errances géographiques lui permettront d’effacer cette errance intérieure et maladive.  Cette image de quadragénaire se ressourçant face à la mer n’a rien d’original, mais la cinéaste, qui a aussi cosigné le scénario avec Jean-Luc Gaget, a au moins la bonne idée de pas trop en faire avec les plans larges de l’héroïne tout en restant près d’elle…
Dans les premières minutes, Solveig Anspach suit Lulu/Karin Viard jusqu’à ce train qui finalement partira sans elle et reste en flottement avec elle avant que les rencontres ne fusent. Paradoxalement, ce sont ces rencontres déterminantes qui apportent un peu de tendresse et de vie à l’ensemble mettant en avant une Lulu plus décalée mais moins énergique que dans la BD, et sur laquelle on a du mal à lire une vraie renaissance. Face aux sourires et aux regards perdus de Karin Viard, ce nouveau départ s’effectue vraiment à travers les yeux de deux seconds rôles qui lui volent la vedette. Ceux de Charles, tout d’abord, joué par Bouli Lanners, ici parfait. Séducteur atypique ventru et barbu, celui-ci sort peut-être de taule mais c’est une fontaine de bonté. Le portrait n’a rien de ringard, puisque le traitement de leur relation est l’un des points positifs. Le Charles du film est en adéquation avec celui de la BD. Ce sera la seule tête masculine digne de ce nom, le mari restant cet idiot caractériel et impulsif quand, dans la BD d’Eric Davodeau, il parvenait en bout de course. Puis ceux de Marthe apportant dans ce personnage, un peu de saveur et d’émotion dans cette retranscription à la fois libre et trop sage. Formidablement incarnée par l’émouvante Claude Gensac, cette vieille femme seule au physique diminué, mais à l’esprit plein d’allant, insuffle une humanité sans laquelle l’ennui vécu par Lulu serait devenu communicatif. Ces bonnes idées de casting apportent de fait un peu de piment à ce micro-voyage sans vagues qui aurait tout aussi bien fait l’affaire sur la petite lucarne.
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LULU, FEMME NUE de Solveig Anspach en salles le 22 janvier 2014 avec Karin Viard, Bouli Lanners, Claude Gensac, Nina Meurisse. Scénario : Solveig Anspach et Jean-Luc Gaget, d’après l’œuvre d’Etienne Davodeau. Photographie : Isabelle Razavet. Montage : Anne Riegel. Coiffure : Stéphane Malheu. Décors : Stéphane Levy. Costumes : Marie Le Garrec. Musique : Martin Wheeler. Distribution : Le Pacte. Durée : 1h30.
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