Le journaliste Philippe Guedj et le réalisateur Philippe Roure cosignent Marvel Renaissance, un documentaire rythmé et percutant de 52 minutes. Ce récit, qui oppose avec un certain brio les artistes de comics et les financiers de Wall Street, retrace les événements qui ont failli faire sonner le glas de Marvel dans les années 1990, submergé par la folie spéculative de la haute finance, avant de se relever et devenir l’un des Empires indéboulonnables à Hollywood et de la pop culture aux côtés de DC. CineChronicle a rencontré les coréalisateurs qui évoquent toute la conception complexe de ce thriller économique, qui sera diffusé ce vendredi 7 mars 2014 à 23h15 sur Canal+, à l’issu de la première projection du milliardaire Avengers de Joss Whedon.
CineChronicle : Qu’est ce qui vous a donné l’idée de ce projet ?
Philippe Guedj : Philippe et moi avons été biberonnés à Marvel et à la culture Strange depuis notre enfance. Mais avec la multiplication des blockbusters à l’écran et le fait que cette culture soit devenue très importante depuis dix ans, je me suis dit qu’il était temps de faire un documentaire qui ferait le point sur le destin et le succès de Marvel. A force de lire des articles sur les sites web et différents ouvrages, tout s’est déclenché. Il y a vraiment une dramaturgie intéressante à raconter. Venant de la presse écrite, je ne me voyais pas réaliser ce projet tout seul, j’en ai parlé à Philippe que je connaissais pour son premier documentaire MARVEL 14 : LES SUPER HÉROS CONTRE LA CENSURE et il a trouvé l’idée très séduisante.
CC : Comment s’est déroulé le processus de coécriture ?
Philippe Roure : On a d’abord mis à plat tous les événements autour de la banqueroute. Mais on voulait aller au-delà, à savoir jusqu’aux événements actuels. On cherchait à clore le film sur un moment précis sans qu’on se dise ‘oui mais après ?’. Le point départ était donc la banqueroute et on a développé ensuite l’arrivée des comics Marvel à Hollywood jusqu’à Avengers et le rachat par Disney. Nous avons beaucoup écrit ensemble en amont et sans producteur. La première histoire était colossale car elle traitait de nombreux sujets, trop même. On allait jusqu’à évoquer entre autres l’imbroglio autour des droits de Spider-Man.
PG : Le scénario initial était effectivement construit pour un format de 90 minutes, voire même jusqu’à 2 heures.
CC : Sur quelle base de documents avez-vous travaillé ?
PG : Nous avons travaillé concrètement sur la base de plusieurs sources et ouvrages comme les biographies non autorisées de Stan Lee, le livre Comic Wars du journaliste américain Dan Raviv, qui a fait un magnifique travail d’enquête sur la banqueroute de Marvel. Je me suis basé de mon côté sur des interviews que j’avais faites les années précédentes pour des piges en presse écrite avec Avi Arad et Stan Lee. On s’est aussi énormément basés sur le destin du Comic-Con de San Diego. Dans le montage final, l’événement n’apparaît quasiment pas mais initialement il a un rôle important dans le documentaire pour évoquer l’explosion de la culture super héros et son importance aux yeux d’Hollywood. Lorsque la manifestation a été créée dans les années 70, seulement 200 ou 300 personnes s’y rendaient. Au tournant des années 2000 et grâce notamment au succès de Spider-Man de Sam Raimi, la fréquentation du Comic-Con a largement explosé son quota en dépassant la barre des 100 000 visiteurs. Nous avons donc compilé plusieurs sources, écrit différentes parties du film dans un processus de ping pong permanent avec Philippe. L’écriture s’est déroulée sur plusieurs mois pendant l’année 2011 jusqu’à ce qu’on puisse vraiment accoucher d’une version grâce à Empreinte Digitale qui nous a signé une option en octobre de cette même année.
PR : Nous avons également revu tous les films Marvel, les anciens comme les nouveaux, en envisageant de manière utopique qu’on imaginerait bien tel extrait dans le documentaire.
CC : Avez-vous réorienté le scénario après le succès concret d’Avengers en 2012 ?
PG : Disons qu’Avengers était déjà inclus car on se doutait que le film allait être un carton. Cependant j’étais loin du compte. Mais c’était le point d’orgue dans une histoire qui allait crescendo. Mais il a effectivement influencé par ricochet l’écriture. On a été tenté d’appuyer sur le fait que ce triomphe renforce plus que jamais la puissance de Marvel à Hollywood et valide les choix de toute sa stratégie depuis la création des studios en 2008.
CC : Vous êtes-vous posés la question DC car vous l’avez complètement exclu du panorama de votre documentaire, sachant que le premier succès dans l’univers des super héros est Superman ?
PR : On avait intégré au départ plus de DC car effectivement Superman est le premier super héros au cinéma et dans les comics, mais ça ne pouvait pas fonctionner avec un documentaire qui allait parler à 99% de Marvel. On sait que Marvel a la réputation d’être des suiveurs dans les bandes dessinées. Ils ont souvent rebondi sur les modes et les tendances du moment. On avait conçu un historique de Marvel sur les comics et à travers les quelques adaptations cinématographiques après Superman, comme un Spider-Man peu connu qui était une compilation de la série TV, un Hulk aussi, The Punisher ou encore le Fantastic Four de Roger Corman si on remonte un peu plus loin. Mais toutes les versions des super héros transposées par Marvel sur grand écran étaient à l’époque quand même calamiteuses.
PG : Ta question est pertinente. Comme il le mentionne, on voulait l’intégrer mais aussi signifier que DC pouvait se reposer sur ses succès comme Superman et Batman de Tim Burton pendant que Marvel ramait sur le front des films depuis des années. Néanmoins sur 52 minutes, on a dû couper et recentrer sur Marvel. On est conscient que ça manque.
PR : Deux points ont disparu du film : DC et le personnage de Stan Lee. Tout ce que Marvel doit à Stan Lee et tout ce qu’on doit à Stan Lee. On en parle à deux trois reprises mais au départ il était plus présent même s’il ne représente pas un personnage central au même titre que les autres intervenants puisqu’il est question ici de la banqueroute.