UN REGARD RICHE ET DENSE

 

 

Funny People afficheCC : Ton documentaire est complet dans sa structure car tu définis ce qui constitue et motive Judd Apatow en évoquant tout son gang, comme ‘Pères & Pairs’, ‘Maris & Femmes’ ou encore ‘Sang et Amour’ pour finir sur ‘Farces & Angoisses’ et son œuvre la plus puissante Funny People…

JG : J’ai essayé de construire des parties à peu près égales sur la structure. Chaque chapitre dure entre 5 et 7 minutes. Les titres sont inspirés par ceux de Freaks and Geeks. Chaque épisode portait un titre entre ‘Something & something’. L’idée était de proposer une certaine chronologie. Mais tout est un peu bouleversé au milieu du documentaire. J’évolue vers un aspect plus intime et plus mélancolique. Je voulais terminer sur En Cloque : mode d’emploi et Funny People, et sur ce que cela raconte sur Judd Apatow en tant que personne.

 

Judd Apatow et Leslie Mann / Photo Getty Image

Judd Apatow et Leslie Mann / Photo Getty Image

CC : Qu’est ce qui te fascine autant chez lui ? Son perfectionnisme, son esprit d’équipe ou est-ce sa manière d’aborder ses différentes obsessions sur l’adolescence avec ses injustices et ses humiliations, l’amitié, la famille, la vie et ses embûches, tout en ayant su redonner ses lettres de noblesse à la comédie depuis une vingtaine d’années ?

JG : Un peu les trois en fait. Il y a en effet le perfectionnisme. J’admire sa capacité de travail. C’est quelqu’un qui bosse énormément et qui fait travailler les autres. Il donne vraiment une éthique de travail aux personnes qu’il prend en charge. On s’en rend compte dans la manière dont Jason Segel parle de lui ‘Il m’a pris sous son aile et m’a appris à écrire’. Tout se concrétise par de nombreuses séances de travail et la manière dont il écrit un scénario. Je suis atterré par le non travail évident des comédies françaises. Tu sens qu’elles n’ont pas été retravaillées. C’est du vite fait. Ce n’est pas drôle, c’est poussif. Chez Apatow, ce sont des dizaines de versions de scénarios avant validation. Une fois le tournage réalisé, ce sont des centaines d’heures de rushes, d’improvisations et de gags. Il procède presque comme un Abdellatif Kechiche. On ne l’imagine pas forcément car leurs films n’ont aucune similitude. Mais sa méthode de tournage est similaire avec des centaines de versions alternatives afin de recréer son film au montage. Apatow teste ensuite ses films auprès du public. Ensuite, il y a le perfectionnisme moral. Je cite ce concept dans le documentaire sans vraiment l’expliciter. Apatow a toujours cette volonté d’être bon. Il n’y a jamais de méchants dans ses films, ni vraiment d’adversaires. L’adversaire est la vie elle-même et ses embûches. C’est ce qui me touche énormément. Je vais peut-être paraître naïf mais je pense que l’écrasante majorité des personnes ont un bon fond. Le mal existe mais il est ultra minoritaire. Les gens sont parfois bêtes, se débrouillent mal, sont maladroits et un peu égoïstes. Judd Apatow montre tous ces travers. Les gens veulent faire le bien, mais c’est compliqué. Il s’attaque à ces thématiques de fond qui sont une vraie tradition de la comédie américaine depuis les années 30 et qui renvoie aux livres du philosophe Stanley Cavell comme ‘Le cinéma peut-il nous rendre meilleur ?’ et ‘À la recherche du bonheur – Hollywood et la comédie du remariage’ sur la Screwball comedy des années 1930-40. Ce dernier analyse les comédies de remariage avec des acteurs comme Cary Grant, dans lesquelles un couple divorce ou est divorcé au début du film et va chercher à se remarier. C’est un peu le cadre de 40 ans : mode d’emploi (This is 40). Il ne divorce pas mais c’est un couple qui se querelle et qui va essayer de se réconcilier et de s’entendre. C’est un élément qui m’a toujours beaucoup ému dans la comédie, ce parcours moral dans la vie des gens pour tenter d’être meilleurs vis-à-vis d’eux-mêmes et meilleurs vis-à-vis des autres.

 

CC : De nombreux piliers sont évoqués comme Garry Shandling, Woody Allen, Jerry Seinfeld, James L. Brooke et Harold Ramis, décédé à 69 ans le 24 février 2014. Le passage qui lui est réservé, résonne comme un bel hommage imprévu et ajoute davantage d’émotion…

JG : J’étais triste pour Apatow quand j’ai appris la mort d’Harold Ramis. J’étais en vacances et je n’ai pas pu écrire hélas un article sur lui. J’ai regardé des bouts du documentaire en compagnie de Judd Apatow. Quand est arrivée justement cette scène avec Harold Ramis, il a effectivement été hyper ému.

 

 

COMÉDIE AMÉRICAINE vs COMÉDIE FRANÇAISE

 

 

Anchorman 2 afficheCC : La comédie américaine est-elle selon toi encore aujourd’hui trop sous-estimée en France et pour quelles raisons ?

JG : C’est évident. Un exemple très récent, c’est la non sortie en salles d’Anchorman 2 d’Adam McKay. Il va sortir directement en DVD en juin et je travaille avec Paramount pour organiser quelques projections événementielles à Paris et en Ile de France. J’espère pouvoir l’annoncer officiellement prochainement. Le studio estime que le film n’a pas le potentiel pour sortir sur les écrans français. Pourtant il avait une date programmée mais qui a été annulée. Je l’ai vu et je le trouve vraiment très réussi. Les distributeurs n’ont pas assez confiance en ces films et ne croient pas qu’ils puissent être des succès. Résultat : ils sortent mal ou pas du tout. Je ne peux pas complètement leur jeter la pierre car il arrive aussi que les films sortent correctement et soient des échecs. Ce fut le cas pour Funny People et This is 40. Ils n’ont pas du tout fonctionné en salles alors que Universal avait fait un très bon travail de promotion. Cette major est d’ailleurs la plus sérieuse sur les comédies américaines. Elle est celle avec laquelle travaille Judd Apatow la plupart du temps. C’est probablement une résistance du public, mais c’est souvent une mauvaise volonté du distributeur qui sort mal les films, trouve des titres idiots ou des taglines idiotes comme The Heat de Paul Feig (2013), traduit par Les Flingueuses avec ‘Au FBI, les filles aussi ont leurs règles’. C’est atterrant. C’est l’inverse de ce que signifie le film. Une réplique beauf et machiste.

 

CC : Que manque-t-il à la comédie française que la comédie américaine est parvenue à surmonter ?

JG : Du travail. Il est évident que la majorité des comédies françaises sont paresseuses dans l’écriture. Par exemple, le point de départ comique de Supercondriaque, la dernière comédie de Dany Boon, est intéressant avec plein de bonnes idées, mais tout devient très paresseux. Les gags ne se déploient pas, c’est limité et rabougri. Et pourtant cela plaît au public alors pourquoi faire autre chose. Heureusement de nombreuses comédies comme celle du volcan ont été des échecs qui me font dire que le public n’est pas totalement passif et crétin. A mon sens ce qui manque, c’est ce rapport à la modernité et au monde dans lequel on vit. Apatow embrasse ce langage, les références culturelles, la sexualité de façon triviale, honnête et franche. Il ne prend pas les spectateurs pour des idiots. Il appelle un chat un chat. C’est cru car la vie est comme ça. On a l’impression avec la comédie française que ceux qui la conçoivent n’ont rien vu depuis Louis de Funès. Ils continuent de les écrire comme dans les années 1950. Ils n’ont aucun contact avec le monde réel. Mais le contre exemple de ce constat qui m’intéresse, c’est le cas de Romain Levy, réalisateur de Radiostars et coscénariste avec Manu Payet de Situation amoureuse : c’est compliqué. Ce n’est pas un film parfait mais tu sens que le type a vu et compris Apatow. Il s’inscrit dans le contemporain avec des vannes très drôles et surtout très écrites et très travaillées, et des vrais seconds rôles.

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