Synopsis : Sandra, aidée par son mari, n’a qu’un week-end pour aller voir ses collègues et les convaincre de renoncer à leur prime pour qu’elle puisse garder son travail.
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Les frères Dardenne, lauréats de deux Palmes d’or pour Rosetta (1999) et L’Enfant (2005) au festival de Cannes, reviennent sur la Croisette en bonne forme pour leur huitième long métrage avec un sujet d’actualité coup de poing qui franchit toutes les frontières. Sur 1h30, Deux jours, Une nuit offre une mise en scène – toujours bien coutumière du duo belge -, un traitement narratif et un rythme parfaitement calibrés, rapides, tenus, concis et d’une justesse et d’une efficacité à toute épreuve. Le dernier acte prend vraiment aux tripes. En son centre, Marion Cotillard transcende son personnage d’ouvrière qui n’a qu’un week-end pour aller voir ses collègues et les convaincre de renoncer à leur prime de 1000 euros pour qu’elle puisse garder son travail. Confrontée à une réalité de plus en plus sombre et inhumaine, cette femme, mère et épouse ordinaire, encore fragilisée par sa dépression nerveuse dont elle est parvenue à sortir, se plonge malgré elle dans un combat pour le respect de l’individu, l’existence et la dignité humaine. Après De Rouille et d’Os de Jacques Audiard et THE IMMIGRANT de James Gray (notre critique), tous deux repartis bredouilles des compétitions officielles aux festivals de Cannes en 2012 et 2013, l’actrice française pourrait rafler le prix d’interprétation féminine. A l’instar de l’œuvre de ces rois de l’épure, Cotillard ne fait pas de chichis et évite tout surjeu inutile. Elle est authentique, sobre, naturelle et vraie. Elle parvient à incarner une héroïne de la vie réelle – de son propre aveu -, à peine remise de l’un des pires maux du siècle, qui tente de trouver encore la force de poursuivre et maintenir cette lutte, grâce notamment au soutien admirable de son mari (excellent Fabrizio Rongione).
Si son personnage repousse toute forme de pitié, les frères Dardenne évitent soigneusement quant à eux tout mélo, tout pathos, tout jugement. Ces grands habitués de cette grand-messe cinématographique rendent compte d’un état de fait et pourraient bien ajouter Deux jours, Une nuit à leur tableau de récompenses cannoises en se plaçant en tête de liste des candidats sérieux à la Palme d’or ou au Grand Prix du Jury. Ils nous livrent ici un véritable plaidoyer humain face à la crise économique et au capitalisme dans lequel ils concentrent tous les enjeux personnels, sociaux, sociétaux et psychologiques liés à une entreprise qui n’éprouve plus aucune forme de compassion, d’indulgence et de compréhension pour les salariés qu’elle emploie. Ce réalisme social mêle avec maestria toutes les angoisses, comme la pression exercée par un salarié (Olivier Gourmet) sur les autres ouvriers, la peur du chômage ou encore la crainte pour une entreprise d’une rechute dans la dépression de leur employée, mais aussi le rapport à autrui, le regard sur l’autre, la solidarité encore existante face à l’individualisme, l’empathie et le fait de faire des (vrais) choix. Deux jours, Une nuit fait ainsi briller une lueur encore frémissante d’un bel espoir humain dont le monde a bien besoin aujourd’hui…
- DEUX JOURS, UNE NUIT écrit et réalisé par Jean-Pierre et Luc Dardenne en salles le 21 mai 2014
- Casting : Marion Cotillard, Fabrizio Rongione, Pili Groyne, Simone Caudry, Olivier Gourmet…
- Producteurs : Jean-Pierre et Luc Dardenne, Denis Freyd
- Photographie : Alain Marcoen.
- Montage : Marie-Hélène Dozo
- Décors : Igor Gabriel
- Costumes : Maïra Ramedhan-Levi
- Distribution : Diaphana Films
- Durée : 1h35
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