La photographie a aussi son importance dans la série. Personnage à part entière, son omniprésence accentue les scènes avec brio. Soderbergh, qui porte également la casquette de directeur de la photographie, fait pénétrer la lumière dans les bas-fonds des quartiers où la maladie règne. Elle justifie ses sources d’éclairage par des lampes au halo quasi-surnaturel donnant un rendu tamisé où les protagonistes passent de l’ombre à la lumière. Les visages deviennent blafards, transpirent la souffrance et la fatigue accumulée par la cadence de travail. Les filtres rouges utilisés, lors des scènes où Thackery consomme ses substances, font figure de présage infernal et transforment la photographie en allégorie de l’implicite. Le reste du temps, c’est une image monochrome, le sépia, qui achève de nous transporter au début de ce XXème siècle. C’est ici-même où le génie de The Knick se révèle, dans cette capacité à créer la rupture quasi anachronique à l’écran, avec le renfort de la bande originale de Cliff Martinez, collaborateur fidèle de Soderbergh qui fut aussi derrière celle de DRIVE (notre critique). On a ainsi un décalage avec ces orchestrations électroniques, dont les agitations sonores incarnent la tension grandissante au cours de ces dix épisodes.
Mais dès le septième, l’étau se resserre autour de chaque personnage, accélérant dangereusement le récit. Chaque ligne narrative sert la suivante sans jamais se désolidariser et l’ensemble du scénario parvient ainsi à évoluer en accouchant, non pas sans douleur, d’un final qui envoie le téléspectateur au tapis. The Knick est donc une série parfaitement construite et passionnante – assurément à écarter des natures fragiles -, qui voit déjà son avenir perdurer avec la commande d’une seconde saison pour 2015. Elle se démarque volontiers des autres dramas médicaux par son ambiance unique et sombre, son scénario novateur et son casting exemplaire, avec un Clive Owen en tête de file. En suivant ce Thackery et ses faiblesses dans la salle opératoire, on rentre dans le théâtre de la vie et de la mort, dont chaque acte peut provoquer l’issue fatale d’une âme sur cette scène où les comédiens sont tous vêtus de blouses blanches.
- Série américaine THE KNICK diffusée du 8 Août au 18 Octobre 2014 sur Cinemax et en France à partir du 9 Août sur OCS GO.
- Créateurs et Scénaristes : Jack Amiel, Michael Begler, Steven Katz
- Réalisation, Photographie et Montage (10 épisodes) : Steven Soderbergh
- Casting : Clive Owen, Andre Holland, Jeremy Bobb, Juliet Rylance, Eve Hewson, Michael Anganaro, Cara Seymour…
- Producteurs : Jack Amiel, Michael Begler, Gregory Jacobs, Clive Owen, Steven Soderbergh et Michael Sugar
- Compositeur : Cliff Martinez
- Costumes : Ellen Mirojnick
- Première saison de 10 Episodes de 52 minutes
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