Mercuriales de Virgil Vernier: critique

Publié par Julie Braun le 22 novembre 2014

Synopsis : « Cette histoire se passe en des temps reculés, des temps de violence.
Partout à travers l’Europe une sorte de guerre se propageait.
Dans une ville il y avait deux sœurs qui vivaient… »

 

♥♥♥♥

 

Mercuriales - affiche

Mercuriales – affiche

Réalisateur du documentaire Commissariat ou encore de plusieurs courts et moyens métrages comme Orléans, Virgil Vernier s’essaie aujourd’hui avec Mercuriales, prix découverte au festival de Namur et sélectionné à l’ACID au dernier festival de Cannes. Avec un mixe de deux genres qu’il affectionne, le documentaire et le drame mystique, il nous propose d’investir pendant 1h45 les fameuses tours de l’Est parisien à Bagnolet, nous invitant à en frôler le périphérique. Mais que sont les Mercuriales ? Deux tours jumelles, héroïnes architecturales de ce récit et derniers vestiges d’un projet de quartier d’affaires, avorté après le choc pétrolier de 1973. En choisissant comme principaux personnages deux jeunes femmes, miroir de ces buildings symboliques, Virgil Vernier nous convie à repenser la féminité, déjà fortement introduite dans Orléans. Lisa (Ana Neborac), jeune moldave, rencontre une fille des banlieues reculées de la capitale, Joane (Philippine Stindel), hôtesse d’accueil dans une des Mercuriales. Les premières images plantent le décor : les deux bâtiments, gigantesques, dont le nom en néon s’illumine à la tombée du jour, prennent de haut le petit monde qui gravite autour d’elles. Et dans ce paysage très urbain, les deux jeunes femmes, en quête d’une vie meilleure, vont et viennent, se racontent leurs rêves, accompagnées par la musique envoûtante et psychédélique de James Ferraro. Lisa est venue en France pour trouver du travail et un avenir, Joane rêve de devenir danseuse.

 

Mercuriales de Virgil Vernier

Mercuriales de Virgil Vernier

 

Filmées telles des déesses venues sur Terre, leurs jambes exposées à notre regard d’esthète, ces deux femmes nous livrent leurs fragilités, leurs doutes et leurs rires. Leur amitié dans ce paysage désolé n’est pas sans rappeler Tout ce qui Brille. Mais lorsque Géraldine Nakache choisit de faire le parallèle entre un Paris de paillettes et une banlieue triste parfois caricaturale, Virgil Vernier prend le parti de rester en bordure mettant les faubourgs à l’honneur. Les deux bâtiments – appelés Tour du Levant et Tour du Ponant – deviennent ici les fondements mythologiques pour Virgil Vernier. Ces Mercuriales majestueuses, du dieu du négoce Mercure, reflètent une ambition, une fable sociale d’un milieu délaissé et dénaturé par la centralisation, à l’image de ces deux jeunes femmes qui se façonnent une plus belle vie dans leur esprit. Au cœur de cette amitié, Lisa représente cette part mystique, dans son appartement éclairé à la bougie dans lequel elle convoque les éléments presque comme une médium. Joane est quant à elle beaucoup plus terrestre et provocante. Elles sont à la fois réelles, absorbées par leur quotidien de banlieue et oniriques dans leur façon de se mouvoir avec élégance. Dans les histoires qu’elles se racontent, via notamment ce passage où elles prennent un bain à deux, elles deviennent des déesses aux seins nus riant, fumant et buvant jusqu’à ce que l’ivresse les libère.

 

Ana Neborac, Philippine Stindel et Annabelle Lengronne dans Mercuriales de Virgil Vernier

Ana Neborac, Philippine Stindel et Annabelle Lengronne dans Mercuriales de Virgil Vernier

 

Virgil Vernier réussit le tour de force de combiner à merveille le documentaire et le drame mystique grâce à une suite de longues séquences aux allures improvisées. On suit ainsi le parcours de Lisa et Joane aux côtés de Zouzou et sa fille, comme une émission de Strip-tease, dans une mise en scène épurée laissant place à l’imaginaire et où le temps s’écoule lentement. Vernier nous fait ainsi voyager entre réalisme et mysticisme. Sa mise en scène donne dès lors une grande liberté au jeu des actrices. Ana Neborac, à peine maquillée, fait exister sa Lisa avec naturel lui donnant une dimension presque désincarnée. Philippine Stindel, présélectionnée dans la liste des Révélations 2015 pour le meilleur espoir féminin aux prochains César, parvient à déployer une palette riche d’émotions et sa Joane, un peu vulgaire derrière ses yeux peinturlurés, nous offre un regard souvent empli d’une tristesse profonde. Si la trame narrative non-linéaire peut paraître parfois décousue via notamment quelques scènes déconnectées entre elles, Virgil Vernier nous replace toujours au coeur du récit de ces jeunes filles pour en révéler leur force, tout en alternant entre scènes très prosaïques et plans homériques. Il nous expose ces vies singulières leur donnant l’apparence d’une œuvre d’art complète et sculptée telle La Pieta de Michel-Ange. Mercuriales génère ainsi un sentiment de curiosité sur le monde qui nous entoure, ne nous laissant jamais espérer la promesse d’un changement. Par son atmosphère réaliste, il nous impose le constat d’une Europe en ruines, et comme un électrochoc, nous sort de notre torpeur et donne l’alarme…

 

 

Julie Braun

 

 

  • MERCURIALES de Virgil Vernier en salles le 26 Novembre 2014.
  • Avec : Ana Neborac, Philippine Stindel, Jad Solesme, Annabelle Lengronne, Sadio Niakate, Damien Bonnard, Aurélia Poirier, Lily Nambinnsoa…
  • Scénario : Virgil Vernier, Mariette Désert
  • Production : Jean-Christophe Reymond, Amaury Ovise
  • Photographie : Jordane Chouzenoux
  • Montage : Raphaëlle Martin-Holger
  • Décors : Isabelle Voisin
  • Musique : James Ferraro
  • Distribution : Shellac
  • Durée : 1h44

.

Commentaires

A la Une

A complete unknown : Timothée Chalamet devient l’icône folk Bob Dylan dans ce premier trailer

Dans ces premières images, James Mangold nous entraîne dans les années 60 pour découvrir l’ascension de Bob Dylan, figure centrale… Lire la suite >>

Joker – Folie à deux : un nouveau trailer déjanté

La nouvelle bande-annonce du Joker : Folie à deux a déjà dépassé les millions de vues en moins de 24… Lire la suite >>

Michael Mann lance un site dédié au processus de création de tous ses films

The Michael Mann Archives a été lancé le 16 juillet dernier, et le premier film accessible aux abonnés est aussi… Lire la suite >>

Spermageddon : un film d’animation norvégien prometteur

Originals Factory a acquis les droits de distribution en France de cette comédie musicale animée autour du sexe, qui sera… Lire la suite >>

The Substance : le film de body horror avec Demi Moore se dévoile dans un teaser intriguant

Le nouveau film de Coralie Fargeat verra s’affronter Demi Moore et Margaret Qualley autour de cette fameuse substance.    … Lire la suite >>

Nos vidéos

Box OFFICE France

Titre Cette sem. Nbr Sem. Cumul
1 LE COMTE DE MONTE-CRISTO 992 295 4 4 531 945
2 MOI, MOCHE ET MECHANT 4 785 787 2 2 185 956
3 VICE-VERSA 2 575 629 5 6 872 252
4 TWISTERS 290 884 1 290 884
5 UN P'TIT TRUC EN PLUS 255 666 12 8 388 607
6 LE LARBIN 114 953 1 114 953
7 SANS UN BRUIT : JOUR 1 64 880 4 805 262
8 LONGLEGS 47 710 2 117 561
9 HORIZON : UNE SAGA AMERICAINE, CHAPITRE 1 46 839 3 239 854
10 SANTOSH 43 680 1 43 680

Source: CBO Box office

Nos Podcasts