Synopsis : Capitaine d’un bateau de pêche menacé d’être vendu par son propriétaire, Kang décide de racheter lui-même le navire pour sauvegarder son poste et son équipage. Mais la pêche est insuffisante, et l’argent vient à manquer. En désespoir de cause, il accepte de transporter des clandestins venus de Chine. Lors d’une nuit de tempête, tout va basculer et la traversée se transformer en véritable cauchemar…
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Sea Fog – Les Clandestins signe les retrouvailles de Shim Sung-bo et Bong Joon-ho douze ans après l’immense Memories of Murder, qui avait fortement contribué à imposer le cinéma sud-coréen sur la scène internationale. Depuis, Bong Joon-ho a prolongé sa brillante carrière jusqu’à l’étonnant Snowpiercer : Le Transperceneige, production coréenne de luxe au casting international qui a entériné l’intégration complète du réalisateur dans le cinéma mondial de premier plan. Situé après ce thriller de science-fiction sous double influence européenne et américaine, Sea Fog a des allures de retour aux sources et au pays. À l’instar de Memories of Murder, il est inspiré de faits réels et tiré d’une pièce de théâtre montée par la prestigieuse compagnie théâtrale Yeonwoo Productions. Coscénariste sur Memories, Shim Sung-bo se retrouve cette fois derrière la caméra. Bénéficiera-t-il d’une reconnaissance internationale équivalente à celle de Bong Joon-ho ? Espérons-le. Sea Fog s’annonce de prime abord comme un drame réaliste et intimiste. Le quotidien d’un groupe de pêcheurs nous est exposé dans un montage introductif, entre attente, repas et entretien du navire. Une douceur mélancolique se dégage de ces premières images, accompagnées par la musique délicate de Jung Jae Il. Cette douceur illusoire est vite rattrapée par une réalité économique qui menace sa pérennité.
Malgré cette épée de Damoclès qui pèse sur les personnages, pas de mélodrame ici, plutôt un recours au burlesque. Insolite, mais pas surprenant tant l’atmosphère évoque certaines œuvres de Bong Joon-ho : les flics rustres interrogeant les suspects à coups de pieds dans Memories of Murder, la famille endeuillée d’un enfant qui laisse exploser sa tristesse de façon grotesque dans The Host. On retrouve le même sens du décalage, notamment dans une scène où un amant, pris sur le fait, se rhabille et se répand en excuses, pour revenir sur ses pas après s’être trompé de porte de sortie. Cette exposition crée une connivence entre les spectateurs et les membres de l’équipage. À commencer par le capitaine Kang (l’excellent Kim Yoon-seok, vu dans The Chaser). On comprend sa décision de transporter des clandestins comme seul moyen de sauver le navire qui définit son existence. On s’attend évidemment à ce que le voyage ne se déroule pas sans heurts : embarquement impressionnant en pleine tempête, contrôle du navire par la police maritime…
Cependant rien ne prépare au choc qui fait basculer Sea Fog dans l’horreur à mi-parcours. Perdu au milieu d’un brouillard qui lui donne un air de vaisseau fantôme, le navire devient dès lors le décor d’un huis clos oppressant. Shim Sung-bo et Bong Joon-ho mènent ensuite de main de maître un récit d’une noirceur qui n’a rien à envier au nihilisme ravageur de Snowpiercer. Révélant toute la violence et la sauvagerie dont l’homme est capable, cette tragédie minimaliste a la résonance universelle d’un Macbeth ou d’un Roi Lear. Haletant et tendu, Sea Fog n’est toutefois pas du même niveau que Memories of Murder, ne bénéficiant pas de l’ampleur romanesque ni des personnages iconiques qui font la grandeur de ce chef-d’œuvre. On ressent dans ce huis clos davantage la nature théâtrale de la pièce dont il s’inspire. Cependant, Shim Sung-bo reste bel et bien un réalisateur à suivre. Car il parvient à convaincre autant dans le registre intimiste que dans le spectaculaire, tout en orchestrant l’une des scènes les plus marquantes visuellement où l’équipage se débarrasse d’une cargaison compromettante.
- SEA FOG – LES CLANDESTINS (Haemoo) réalisé par Shim Sung-bo en salles le 1er avril 2015.
- Avec : Kim Yun-seok, Park Yu-chun, Han Ye-Ri, MunSeong-kun, KimSang-ho, Hee-jun Lee, Yoo Seung-mok, In-di Jung, Jo Kyung-Sook…
- Scénario : Shim Sung-bo, Bong Joon-ho
- Production : Bong Joon-ho, Cho Neung-Yeon, Kim Lewis
- Photographie : Alex Hong Kyung-Pyo, Kim Chang-ho
- Décors : Lee Ha-Joon
- Montage : Kim Sang-Bum, Kim Jae-Bum
- Son : Lee Seung-Chul
- Costumes : Choi Se-yeon
- Musique : Jung Jae Il
- Distributeur : The Jokers / Le Pacte
- Durée : 1h45
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