Synopsis : Un banquier marié, déçu par son existence est mis en relation avec une organisation secrète avec laquelle il signe un pacte diabolique pour s’offrir la vie dont il a toujours rêvé. S’offrir une seconde chance…
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Après avoir fait l’objet d’une ressortie événement en juillet 2014, le Festival Play it Again a offert de (re)découvrir en version restaurée Seconds, thriller rare et culte de John Frankenheimer, au cinéma Mac Mahon. Ce curieux objet cinématographique, basé sur le roman de David Ely, avait décontenancé le Festival de Cannes lors de sa présentation en compétition et a connu un échec cuisant dans les salles en 1966. Car il est en effet bien difficile de classer cette œuvre hybride à la croisée du thriller politique, de la science-fiction et de la comédie dramatique. Dès son générique d’ouverture signé par le grand Saul Bass, le ton est donné et le spectateur entraîné dans un suspense tendu. Le réalisateur et son chef opérateur James Wong Howe usent d’un procédé de distorsion de l’image et de la vision subjective pour provoquer l’inconfort. Et cela fonctionne plutôt bien durant la première moitié du récit. La suite retombe hélas un peu comme un soufflé et la formidable idée de départ paraît dès lors un peu sous-exploitée. La faute émane d’une intrigue trop riche et dispersée qui se mélange à de la politique fiction à dimension paranoïaque, marque de fabrique du réalisateur qui compose ici sa trilogie sur ce thème après Un crime dans la tête (1962) et Sept jours en mai (1964). Car le concept assez dingue de Seconds est de se révéler comme une puissante charge sociale contre un idéal de vie, commandé par la publicité et la société consumériste. La concrétisation de cette vision cauchemardesque de l’American Life débouche dès lors sur un vide existentiel et l’ennui mortel.
C’est sur ce concept que s’appuie le récit avec cette mystérieuse organisation secrète. Elle offre à Arthur Hamilton (John Randolph), quinquagénaire au physique ordinaire déçu par sa vie professionnelle et conjugale, le choix de tout recommencer dans la peau de Tony Wilson (inattendu Rock Hudson), artiste peintre sportif et séducteur à Malibu, qui n’est autre que lui-même sous une apparence différente. Seconds tire ici toute la force de son propos. Dans ce changement physique via une intervention complexe de chirurgie esthétique (visage et corps), le héros reste finalement l’homme qu’il est. Il conserve ses souvenirs, ses regrets, ses doutes et l’attachement à ses proches comme sa fille, et sa femme qu’il n’aimait pourtant plus. En témoigne cette très belle scène où il la revoit sous sa nouvelle identité. Le personnage se révèle ainsi incapable de profiter de cette nouvelle chance, prenant peu à peu conscience que cette vie, choisie en réalité pour lui, dissimule une terrible opération de lavage de cerveau dont il est le pion, comme tant d’autres victimes ayant subi la même transformation.
Ainsi, porté par une excellente photographie en noir et blanc et une bande son de Jerry Goldsmith formidablement anxiogène, Seconds est une réussite en dépit de cette variation moderne sur le mythe de Faust qui aurait gagné à être mieux traité. Mais le vertige oppressant ressenti durant la première heure et le final proprement terrifiant font de ce thriller de science-fiction, qui évoque par moments un long épisode de La Quatrième Dimension, une véritable curiosité dans la filmographie de John Frankenheimer. Une œuvre devenue culte à ranger aux côtés des nombreuses autres aussi puissantes du réalisateur américain.
- SECONDS, L’OPERATION DIABOLIQUE (Seconds) de John Frankenheimer diffusé au Mac Mahon en version restaurée à l’occasion du Festival Play it Again (du 22 au 28 avril 2015). Aucune ressortie prévue.
- Avec : Rock Hudson, John Randolph, Salome Jens, Will Geer, Frances Reid, Wesley Addy, Jeff Corey, Khigh Dhiegh, Richard Anderson, Murray Hamilton…
- Scénario : Lewis John Carlino, d’après l’œuvre éponyme de David Ely
- Production : Edward Lewis
- Photographie : James Wong Howe
- Montage : Ferris Webster, David Newhouse
- Décors : John P. Austin
- Costumes : Jack Martell, Peter V. Saldutti
- Musique : Jerry Goldsmith
- Durée : 1h47
- Date de sortie initiale : 12 avril 1967
- Ressortie en France : 16 juillet 2014 distribuée par Lost Films
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