Résumé : « Vous pensiez que j’étais fou quand j’ai assuré le public contre la mort de peur. Que j’étais encore plus fou quand j’ai mis des squelettes dans les salles de cinéma. Et vous étiez prêt à me mettre une camisole de force quand j’ai placé des boîtiers à décharges électriques sous les fauteuils. » (William Castle). Ses films à petit budget ont rapporté des millions de dollars. Il a mis au point les gadgets publicitaires les plus farfelus pour attirer le public. Il a produit Rosemary’s Baby, influencé de nombreux cinéastes et inspiré un film à Joe Dante. Réalisateur de séries B et touche-à-tout boulimique, William Castle (1914-1977) est l’un des maîtres du cinéma d’horreur et d’épouvante. Dans ce livre, il raconte son étonnant parcours à Hollywood et évoque avec humour les grandes rencontres qui ont marqué sa vie : Orson Welles, Harry Cohn, Vincent Price, Joan Crawford, le mime Marceau, Roman Polanski…
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Dans Panique à Florida Beach de Joe Dante (1995), John Goodman interprète Lawrence Woosley, un réalisateur excentrique parti en tournée pour présenter à un public d’adolescents sa dernière production horrifique. Facétieux et passionné, Woosley transforme les salles de cinéma en véritables parcs d’attraction. Sous les traits de ce réalisateur pas comme les autres, se dissimule, on le sait, un hommage avoué à William Castle, véritable maître du cinéma d’horreur. Publiées originellement en 1979, la maison d’édition Capricci a eu la bonne idée de traduire les mémoires d’un cinéaste dont l’œuvre est aujourd’hui encore injustement méconnue. Nul doute que cette autobiographie, titré Comment j’ai terrifié l’Amérique, sait faire tomber quelques clichés tenaces. Loin de n’être qu’un amuseur de foire féru de gadgets, William Castle puise son inspiration dans ses origines théâtrales. Formé à Broadway, le futur réalisateur garde de son passé sur les planches un désir de faire coexister l’espace de la salle et celui de l’œuvre représentée. Soucieux de son public, Castle n’a eu de cesse d’innover, que ce soit dans son travail de scénariste, de réalisateur, de producteur ou même de régisseur. Homme de spectacle, le cinéaste s’adapte sans rechigner au système rigide du classicisme hollywoodien. Sa détermination lui permet de poursuivre une carrière prolifique à l’intérieur de laquelle les mésaventures deviennent les plus beaux et les plus passionnants des souvenirs. Tout au long de l’ouvrage, Castle évoque dans le détail les évènements et les personnalités qui lui ont permis de devenir le maestro de la série B. Galerie de portraits, ses mémoires font la part belle aux mythes tout en privilégiant la beauté des nuances : Harry Cohn, alors président de la Columbia, est à la fois tyrannique et bienveillant, Orson Welles génial et inconstant, George Stevens professionnel et obsessionnel.
Espace de formation mais aussi d’expérimentations, la série B écrit de manière souterraine une histoire parallèle du Hollywood institutionnel. À l’instar d’un Richard Fleischer ou d’un Jacques Tourneur, Castle débute par des thrillers dont les petits budgets se font moteur à une créativité débordante. Outre le suspense narratif, ce seront les effets visuels (jeux de lumière, mouvements de caméra) qui assurent la charge émotionnelle du film – qui a vu l’introduction de La Meurtrière diabolique (Strait-Jacket, 1965), sait de quoi nous parlons. Technicien hors-pair et visionnaire, Castle n’a eu de cesse d’explorer les possibilités de son médium. Décédé en 1977, il n’a pu assister au grand retour de la 3D, lui qui avait compris dès les années cinquante l’intérêt esthétique et spectaculaire du procédé. La structure de l’ouvrage évoque celle d’un film : flashbacks, inserts d’éléments hétérogènes (extraits de critiques, réclames publicitaires, scénarios), gros plans sur des visages fascinants, sans oublier le plan d’ensemble à la fois distancié et subjectif, propre à l’autobiographie qui s’offre comme un contrechamp à l’écriture filmique. Publiées à l’attention des milliers d’enfants qu’il sut terroriser, ces mémoires permettent, espérons-le, de faire découvrir au plus grand nombre l’œuvre fascinante et hallucinée de William Castle.
- COMMENT J’AI TERRIFIÉ L’AMÉRIQUE (40 ans de séries B à Hollywood) de William Castle, paru aux Editions Capricci depuis le 4 juin 2015.
- Traduction : Pauline Soulat
- 320 pages
- 20 €