Synopsis : Hongi, le jeune fils d’un chef de tribu Maori, doit venger l’assassinat de son père afin d’apporter la paix à son clan et d’honorer les âmes de ses proches. Pour mieux lutter contre ses ennemis menés par leur chef Wirepa, Hongi va devoir s’aventurer sur les Terres Mortes et forger une alliance avec un grand et mystérieux guerrier qui règne sur la région depuis de nombreuses années.
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Étonnant mélange des genres que ce The Dead lands de Toa Fraser entre survival, vengeance et conte initiatique. Sous plusieurs aspects, il pourrait faire songer à un Game of Thrones maori d’où jaillissent duels et légendes. Des guerriers grimaçants s’adonnent à des luttes sanglantes dans des paysages paradisiaques. Le réalisateur alterne habilement courses poursuites et scènes d’affrontements pour une œuvre haletante. Ce suspense de tous les instants, associé à l’ambiance sonore, devient dès lors une expérience percutante. Et le son des massues contre les crânes, fait indéniablement partie de la bande originale. On note même les quelques éléments d’heroïc fantasy, comme les voyages psychédéliques de Hongi, et des accents d’épopées. The Dead Lands se révèle plus un conte qu’une représentation fidèle de l’Histoire. Le fait que l’intrigue se déroule en des temps reculés (il y a 5 ou 6 siècles) laisse ainsi une grande place à l’imagination. Zone sombre et volcanique, le Territoire des Morts est l’un des lieux les plus mémorables. Les effets de contraste entre terre dévastée et costumes colorés sont agréables à l’œil. Les capes de plumes, les tatouages et autres parures improbables se marient parfaitement avec la végétation luxuriante de certains décors. Enfin, l’usage du Te Reo Maori pour les dialogues achève de dépayser le spectateur.
Mais la puissance de l’œuvre réside surtout dans sa dimension élémentaire et primitive. Le primat encore fort de la biologie sur la raison, explique la violence extrême dont peuvent faire preuve les guerriers, y compris à l’intérieur d’un même groupe. S’ensuivent des scènes de violence extrême où des combattant se repaissent du sang de leur propres frères d’armes. Le cannibalisme apparaît dans The Dead Lands comme un puissant régulateur des rapports fluctueux entre les tribus. Il vient d’ailleurs nous rappeler de manière spectaculaire une idée déjà avancée par Mel Gibson dans Apocalypto au sujet des Mayas ; les peuples primitifs s’entre-dévoraient bien avant la colonisation européenne.
Il est vrai qu’une civilisation pratiquant l’anthropophagie à outrance ne peut guère subsister longtemps. C’est ce que semble comprendre Hongi au terme de son parcours. En retenant son bras au moment de frapper son ennemi, il fait prévaloir l’individu par rapport aux lois collectives. D’abord contraignante, la quête du héros devient émancipatrice. Résolu à être un guerrier et à mourir dignement, Hongi apprend finalement à être un homme et à vivre. Son héroïsme consiste en un dépassement de l’idéal du maître d’armes. Le style d’art martial que pratiquent les guerriers (le Mau Rakau) est fondé sur une ancienne technique de combat à mains nues employant des massues et des lances. Les combattants méprisent ici les armes trop longues. Ils sont si proches durant les combats que ceux-ci nécessitent d’habiles jeux de jambes. Les scènes d’action, filmées caméra à l’épaule et en plan serré, sont ainsi sanglantes, soulignées par les yeux exorbités et les langues tirées à tout-va.
Mais en voulant parfois trop mettre le guerrier d’il y a 600 ans au goût du jour, The Dead Lands ne peut éviter certains écueils. Certaines batailles sont parfois irréalistes comme lorsque Lawrence Makoare (le Guerrier) doit affronter une multitude d’adversaires qui l’attaquent, bien évidemment, un par un. On pourrait ici avancer l’argument de la codification guerrière. Il est vrai que les protocoles maoris sont très stricts voire impitoyables. Le fils du chef est considéré comme la propriété de celui-ci. Dans cette logique, un guerrier maori d’autrefois n’aurait pas hésité à tuer sa progéniture pour laver un affront ou honorer ces ancêtres. Car, dans The Dead Lands, les morts ne dorment jamais. Ils sont nos juges sévères, nos guides ou nos spectateurs. On retient le repère du Guerrier, lieu macabre où des crânes se décomposent sur des piquets alignés. On pourrait croire à un sanctuaire mais il semble davantage s’agir d’un tribunal. Tourmenté par la honte du déshonneur, le Guerrier croit sentir sur lui les regards accusateurs des morts.
Le juge interne du jeune Hongi est heureusement plus clément. Il lui parle avec la voix de sa grand-mère disparue (Rena Owen), pendant féminin du Guerrier. Les apparitions de ce fantôme bienveillant nous rappellent que l’homme est sorti de la bestialité, honorant ses morts. Les discussions entre la défunte et son descendant sont très concrètes et pragmatiques. On évite ainsi les développements métaphysiques fumeux. Hongi comble les attentes de son aïeule d’une façon particulière. Sa décision finale d’épargner son ennemi semble aller à l’encontre des règles traditionnelles maories et traduit une approche résolument progressiste des rapports sociaux. Mais là encore, le réalisateur n’invente-t-il pas un humanisme un peu anachronique ? Surtout lorsqu’on considère les méfaits de Wirepa (Te Kohe Tuhaka). Il est de toutes les trahisons et de toutes les transgressions, n’hésitant pas à souiller une sépulture de ses excréments pour exciter les passions et à jouer avec la tête du père de Hongi.
Le guerrier qui aide le jeune homme cherche la rédemption. Sans aucun doute le personnage le plus charismatique, il incarne la figure du guide après celle de la bête légendaire. Sous ses airs d’ours mal léché, son repentir est immense et le jeune Hongi sera pour lui l’occasion de retrouver son honneur. Alors qu’on le présente d’abord comme un monstre cannibale, c’est finalement sur lui que repose tout le potentiel comique d’une œuvre qui décidément fait grand jeu du mélange des genres. Entre bestialité, aigreur, malice et tendresse, Lawrence Makoare, qui s’est fait connaître dans le rôle de Bolg (The Hobbit), en barbare dans Xena, La Guerrière mais surtout dans Le Seigneur des Anneaux où il jouait plusieurs Orques, nous offre une grande performance, aussi éprouvante sur le plan physique qu’émotionnel. L’aspect quelque peu monolithique de l’acteur permet de donner une gravité particulière au récit. On peut aller jusqu’à dire que sa prestation remarquable éclipse légèrement celle de James Rolleston (Hongi), pourtant très encourageante. En dépit de certains traits comiques, c’est la violence du message de The Dead Lands qu’on retient : les morts gouvernent les vivants. Loin de tomber dans le mélodrame et le pathos, Toa Fraser structure et rythme son récit avec virtuosité. Ambitieuse par le nombre de thèmes qu’elle aborde, cette œuvre saluée par Peter Jackson et James Cameron, parvient à conserver une intrigue bien ficelée et à nous tenir en haleine jusqu’au repos du guerrier.
- THE DEAD LANDS réalisé par Toa Fraser disponible directement en DVD, Blu-ray, VOD et EST le 29 juillet 2015.
- Avec : James Rolleston, Lawrence Makoare, Te Kohe Tuhaka, Xavier Horan, Raukura Turei, George Henare, Rena Owen, Pana Hema Taylor…
- Scénario : Glenn Standring
- Production : Matthew Metcalfe, Glenn Standring
- Photographie : Leon Narbey
- Montage : Dan Kircher
- Décors : Grant Major
- Costumes : Barbara Darragh
- Musique : Don McGlashan
- Distribution : The Jokers / Wild Side
- Durée : 1h49
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