Synopsis : Dans un village en Ombrie, c’est la fin de l’été. Gelsomina vit avec ses parents et ses trois jeunes sœurs, dans une ferme délabrée où ils produisent du miel. Volontairement tenues à distance du monde par leur père, qui en prédit la fin proche et prône un rapport privilégié à la nature, les filles grandissent en marge. Pourtant, les règles strictes qui tiennent la famille ensemble vont être mises à mal par l’arrivée de Martin, un jeune délinquant accueilli dans le cadre d’un programme de réinsertion, et par le tournage du « Village des merveilles », un jeu télévisé qui envahit la région.
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Présenté en sélection officielle au Festival de Cannes en 2014, Les Merveilles de Alice Rohrwacher est reparti avec le Grand Prix. Lumineux, quasi anachronique, sensuel, ce drame italien confirme la singularité de l’univers de la cinéaste, après son premier long métrage, Corpo Celeste, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs. Pourtant, Les Merveilles n’a pas fait l’unanimité. Décrié, injustement considéré comme « le plus mauvais film de la compétition » par la critique, et sifflé lors de sa projection, cette œuvre atypique a néanmoins convaincu le jury présidé par Jane Campion, vraisemblablement touché par l’oeuvre et ses thèmes de l’écologie, de la féminité, du lien à la nature et de l’enfance. Les Merveilles est un drame contemplatif dont l’histoire se déroule dans la région natale de la cinéaste, entre l’Ombrie, le Latium et la Toscane. Son but est de dénoncer ici la perte d’identité des régions et de leurs traditions. Elle se focalise ainsi sur une famille fusionnelle repliée sur elle-même, vivant de l’agriculture et de la production de miel grâce à leurs ruches disposées autour de leur ferme qui s’écroule petit à petit. Pour l’anecdote, les comédiens, d’un naturel confondant, ont travaillé avec de véritables abeilles, afin de créer une dimension documentaire sur ce travail artisanal. Le grain de la pellicule Super 16 renforce d’ailleurs cette impression. Par cette approche et ces partis pris esthétiques, Les Merveilles rappelle le très beau L’été de Giacomo d’Alessandro Comodin (2011). Le père, colérique et taciturne, est persuadé que la fin du monde est proche et souhaite préserver ses quatre filles du rouleau compresseur citadin et économique, en fusionnant avec la nature. La mère, interprétée par la diaphane Alba Rohrwacher, sœur de la réalisatrice, est aimante et attentive. Elle se fond parfaitement dans cet univers solaire, éthéré, poétique et mélancolique où l’astre du jour nimbe les paysages d’une clarté aveuglante. Mais tout ce petit monde est bouleversé dès l’arrivée d’un jeune délinquant sauvage en réinsertion et d’une télé-réalité qui vient s’incruster sur leurs terres avec une présentatrice atypique, incarnée par une Monica Belucci sous Prozac. Pendant ce temps, la fille aînée Gelsomina (prénom du personnage de Giulietta Masina dans La Strada de Fellini) devient une adolescente qui commence à avoir des envies d’ailleurs. Les Merveilles n’est certes pas exempt de défauts, dû en particulier à un rythme languissant et à une seconde partie moins attachante, pour ne pas dire ennuyeuse, surtout durant la séquence du jeu télévisé. Mais si le temps peut sembler long, le doux charme et la grâce continuent d’agir, nos sens sont éveillés au point de goûter et de sentir le miel.
TEST DVD : L’éditeur Ad Vitam ne joint qu’un lot de scènes coupées (14’) peu intéressantes. Le master rend compte des conditions de tournage et de l’usage du format 16mm. Si les volontés artistiques originales sont respectées, les couleurs chatoyantes et pastel apparaissent sensiblement délavées (notamment les teintes vertes), le piqué est quelque peu dénaturé et la gestion des contrastes est aléatoire. Toutefois, la copie affiche une évidente solidité, le grain flatte la rétine et la beauté de la photographie subjugue. Le mixage Dolby Digital italien déçoit par le manque de spatialisation. La piste Stéréo est cependant d’un excellent acabit et nous permet de nous plonger dans ce voyage sensoriel. La richesse de la Stéréo délivre un flot de détails acoustiques pointilleux avec le bourdonnement des abeilles, sans oublier les voix ardentes des comédiens et la balance frontale excellemment équilibrée. Les sous-titres français sont imposés.
- LES MERVEILLES (Le Meraviglie) écrit et réalisé par Alice Rohrwacher, disponible en DVD depuis le 16 septembre 2015.
- Avec : Alba Rohrwacher, Maria Alexandra Lungu, Sam Louwyck, Sabine Timoteo, Agnese Graziani, Monica Bellucci, Luis Huilca Logrono, Eva Morrow, Maris Stella Morrow…
- Production : Karl Baumgartner, Carlo Cresto-Dina, Tiziana Soudani, Michael Weber
- Photographie : Hélène Louvart
- Montage : Marco Spoletini
- Décors : Emita Frigato
- Costumes : Loredana Buscemi
- Musique : Piero Crucitti
- Editeur : Ad Vitam
- Tarif : 19,99 €
- Durée : 1h46
- Date de sortie initiale : 11 février 2015
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