Résumé : Le CD de la bande originale de Les 8 Salopards est disponible dans les bacs depuis le 18 décembre 2015, édité par Decca Records. Après le Golden Globe, Ennio Morricone a enfin raflé l’Oscar de la meilleure bande originale, pour la première fois de sa carrière, pour Les 8 Salopards de Quentin Tarantino. L’occasion de revenir sur ce score étonnant, dans tous les sens du terme, qui marque le retour du prolifique compositeur italien au genre qui l’a rendu célèbre : le western.
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Pour retrouver l’émotion et l’ambition du cinéma du XXe siècle en tournant en 70mm Super-Panavision, Tarantino est aussi allé chercher un des compositeurs emblématiques de cette époque révolue : Ennio Morricone. Pour ceux qui ont eu la chance d’assister à une projection dans ce format du Cinérama, abandonné depuis 50 ans, au Gaumont des Champs-Elysées, qui s’était rééquipé pour l’occasion, les premières minutes de LES 8 SALOPARDS (notre critique) sont magiques. La beauté des paysages et cette musique intemporelle ont été la promesse d’un grand moment, précédé d’une Overture pour poser le climat. La musique chez QT s’est toujours écoutée à l’écran, mais l’album est disponible depuis décembre dernier chez Decca. Jusqu’à présent, le réalisateur utilisait des extraits musicaux en provenance d’autres films. Il montait la scène en conséquence, quitte à la dilater pour correspondre à la durée du morceau. Bel exemple avec Jerry Goldsmith dans DJANGO UNCHAINED (notre critique) : l’arrivée au ranch, sur la musique extraite de Under Fire (magnifique album), s’étire artificiellement en attendant la dernière note. La signature Morricone ? Un thème simple que les modulations orchestrales rendent addictif ; la belle ambiance poisseuse reflète le climat du synopsis mais pas totalement celui du scénario. C’est d’ailleurs le problème majeur : quand le trublion hollywoodien va chercher le Super-Panavision et un compositeur de légende pour tourner un huis clos, cela ressemble à un caprice d’enfant gâté. C’est la première fois qu’il fait confiance à un musicien pour capter l’atmosphère et l’âme de son oeuvre. Morricone a composé dans son studio en Italie sur la base du script, puis envoyé les enregistrements. Selon Tarantino, à la première écoute avec son monteur, la livraison musicale était bizarre. Ils l’ont néanmoins saupoudrée sur les scènes qui, après la première demi-heure, n’ont plus vraiment besoin de musique, tout en ajoutant quand même d’autres scores (The Thing, L’Exorciste II). S’il a toujours procédé de la sorte, la seule différence est que tous les extraits sont signés ici du maestro italien de 87 ans.
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Dans Les 8 Salopards, Tarantino et Morricone déçoivent un peu par manque d’ambition mais surtout d’émulation commune. L’échec tout relatif est commun entre les deux hommes et pourtant impossible de ne pas aimer cette dernière oeuvre. Si le plaisir est présent, pourquoi finalement trois heures pour en dire si peu et un album de 50 minutes pour un thème, certes sublime, mais répété à l’envi. Car ce western se tiendrait bien sans musique, laquelle s’écoute plus agréablement et indépendamment sur l’album. D’autant plus qu’on retrouve des extraits de dialogues comme toujours dans les BO de Tarantino. Elle renvoie aux souvenirs du cinéma que l’on aime et que Morricone a souvent accompagné. Si elle ne possède ni l’ampleur ni le panache démonstratif des Incorruptibles ou de Dans La Ligne de Mire – deux scores sublimes pour des westerns urbains -, son thème majeur, L’Ultima Diligenza di Red Rock, parvient à dégager cinquante années de thèmes morriconiens. À travers cette phrase, c’est bien sûr l’orchestration, la modulation répétitive qui va entrer dans la mémoire collective. Derrière la simplicité mélodique, il y a une richesse émotionnelle, une gravité qui emmène au drame. Elle est neutre, ne révélant pas véritablement une musique de western, à l’instar du film de Tarantino qui tend davantage vers un huis clos sanglant sous la neige, comme The Thing auquel il emprunte beaucoup musicalement.
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Morricone a d’ailleurs cette capacité incroyable à savoir composer des morceaux qui vont avec tout. Le plus bel exemple n’est hélas pas inclus dans l’album. Il s’agit du Regan’s theme : un plan serré et très court qui accompagne la tête des chevaux au galop dans la première demi-heure, avec des choeurs et une soprano. Il a été conçu pour L’Exorciste II, donc loin d’être un western. Il faut l’écouter sur internet pour bien saisir. L’album comprend également deux chansons, dont le très typé There Won’t Be Many Coming Home, interprété par Roy Orbison, jusqu’ici célèbre pour la chanson de Pretty Woman. Le huitième opus de QT, comme le rappelle le générique, est une synthèse de l’ensemble de ses autres films. Ennio Morricone a puisé dans le meilleur de sa filmographie pour livrer un nouveau score. L’exercice de la synthèse est toujours périlleux, tant son succès repose sur la capacité de son auteur à se dépasser. Il s’agit d’avancer, à chaque nouvelle oeuvre. Ici, le sur-place semble souvent au détriment du sur-mesure. Néanmoins, cette collaboration a pu effacer les quelques anicroches entre les deux hommes ; Morricone avait effectivement reproché à Tarantino, il y a quelques années, d’avoir souvent mal utilisé ses musiques dans certains de ses films. Et c’est tant mieux car le duo devrait travailler de nouveau ensemble sur la neuvième oeuvre du cinéaste érudit.
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Les 8 Salopards – bande originale du film par Ennio Morricone
- L’ultima diligenza di Red Rock [Version Integrale], Ennio Morricone, 7:30
- Ouverture, Ennio Morricone, 3:11
- Major Warren Meet Daisy Domergue, Jennifer Jason Leigh, Kurt Russell et Samuel L. Jackson (dialogue), 0:32
- Narratore letterario, Ennio Morricone, 1:59
- Apple Blossom » (from De Stijl (2000)), The White Stripes, 2:13
- Frontier Justice, Tim Roth and Kurt Russell (dialogue), 1:50
- L’ultima diligenza di Red Rock [#2], Ennio Morricone, 2:37
- Neve, Ennio Morricone, 12:16
- This Here Is Daisy Domergue, Kurt Russell et Michael Madsen (dialogue), 1:01
- Sei cavalli, Ennio Morricone, 1:21
- Raggi di sole sulla montagna, Ennio Morricone, 1:41
- Son of the Bloody Nigger Killer of Baton Rouge, Samuel L. Jackson, Walton Goggins et Bruce Dern (dialogue), 2:43
- Jim Jones at Botany Bay (feat. Kurt Russell), Jennifer Jason Leigh (dialogue), 4:10
- Neve [#2], Ennio Morricone, 2:05
- Uncle Charlie’s Stew, Samuel L. Jackson, Demián Bichir etWalton Goggins (dialogue), 1:41
- I quattro passeggeri, Ennio Morricone, 1:49
- La musica prima del massacro, Ennio Morricone, 2:00
- L’inferno bianco [Synth], Ennio Morricone, 3:31
- The Suggestive Oswaldo Mobray, Tim Roth, Walton Goggins et Kurt Russell (dialogue), 0:47
- Now You’re All Alone » (from The Last House on the Left – 1972), David Hess, 1:29
- Sangue e neve, Ennio Morricone, 2:05
- Neve [#3], Ennio Morricone, 2:02
- L’inferno bianco [Ottoni], Ennio Morricone, 3:31
- Daisy’s Speech, Walton Goggins, Jennifer Jason Leigh et Michael Madsen (dialogue), 1:32
- La lettera di Lincoln [Strumentale], Ennio Morricone, 1:41
- La lettera di Lincoln [Con dialogo], Ennio Morricone etWalton Goggins, 1:46
- There Won’t Be Many Coming Home (from The Fastest Guitar Alive – 1967), Roy Orbison, 2:44
- La puntura della morte, Ennio Morricone, 0:27