Synopsis : Ils vont de ville en ville, un chapiteau sur le dos, leur spectacle en bandoulière. Dans nos vies, ils apportent le rêve et le désordre. Ce sont des ogres, des géants, ils en ont mangé du théâtre et des kilomètres. Mais l’arrivée imminente d’un bébé et le retour d’une ancienne amante vont raviver des blessures que l’on croyait oubliées. Alors que la fête commence !
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Léa Fehner s’est fait connaître dans l’univers du cinéma grâce au prometteur Qu’un seul tienne et les autres suivront en 2010, récompensé dans certains festivals et nommé au César comme meilleur premier film. Pour Les Ogres, la jeune cinéaste propose un sujet plus personnel. Elle a en effet grandi dans le milieu qu’elle décrit, celui d’une troupe de théâtre ambulant qui sillonne les routes avec son chapiteau et ses caravanes. Son père interprète d’ailleurs le rôle du directeur et metteur en scène de la compagnie et sa mère, son épouse. Pour boucler la boucle, sa sÅ“ur incarne leur fille. Ils sont accompagnés par Adèle Haenel (LES COMBATTANTS – notre critique, SUZANNE – notre critique), et Marc Barbé (Un homme idéal, La Môme). Les Ogres suit ainsi les aventures et les tourments de cette bande de saltimbanques. Une vie si décalée donne forcément lieu à des coups de cÅ“ur et des coups de gueule. Plusieurs événements inattendus bouleversent un quotidien déjà bien mouvementé. Grâce à son côté résolument autobiographique, Les Ogres traite son propos de façon précise et documentée. On a parfois l’impression d’assister à un reportage ; cela rend les péripéties encore plus passionnantes. La réalité de la compagnie et l’aspect familial nous impliquent habilement. Bercée par une musique aux influences slaves ultra efficace, la caméra suit les personnages au plus près, virevoltant au même rythme que leurs états d’âme, leurs sentiments profonds et leurs actes souvent excessifs. Léa Fehner parvient également à donner de l’importance à chaque protagoniste; il n’y a aucun rôle mineur, tous apportent leur pierre au bel édifice et l’esprit de groupe existe réellement.
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Les Ogres vaut d’ailleurs par la force de ses comédiens. Le mode d’existence atypique des saltimbanques engendre des caractères extrêmes, sans demi-mesure. Il fallait donc des acteurs au diapason et ils le sont. La réalisatrice en tire la quintessence grâce à un scénario solide et un véritable amour pour son sujet. Si on ressent que son enfance dans le monde des baladins lui a apporté son lot de blessures, on perçoit aussi toute la richesse d’âme et la force qu’il lui a offert. En outre, la troupe joue un spectacle de Tchekhov tout au long de l’intrigue, qui colle parfaitement à l’univers et à l’histoire des protagonistes. On peut cependant déplorer la longueur du film (2h30) et certaines scènes trop appuyées ; des plans sont bien trop étirés. Un élagage d’une vingtaine de minutes aurait insufflé davantage de dynamisme et d’intensité, comme cette ultime séquence qui semble interminable. Toutefois, l’œuvre est globalement une réussite grâce essentiellement à l’originalité de son thème et à la justesse de ses comédiens. Ces ogres dévorent la scène, la vie, leur entourage mais transmettent surtout la passion de leur art. Ils parviennent facilement à nous toucher et à nous emporter dans un tourbillon d’émotions.
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Christophe Binet
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- LES OGRES réalisé par Léa Fehner en salles le 16 mars 2016.
- Avec : Adèle Haenel, Marc Barbé, François Fehner, Marion Bouvarel, Inès Fehner, Lola Duenas, Philippe Cataix, Christelle Lehallier…
- Scénario : Léa Fehner, Catherine Paillé, Brigitte Sy
- Production : Philippe Liégeois
- Photographie : Julien Poupard
- Montage : Julien Chigot
- Décors : Pascale Consigny
- Costumes : Caroline Delannoy, Sylvie Heguiaphal
- Musique : Philippe Cataix
- Distribution : Pyramide Films
- Durée : 2h24
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