Synopsis : Hollywood, la Guerre Froide bat son plein. Alors qu’il est au sommet de son art, le scénariste Dalton Trumbo est accusé d’être communiste. Avec d’autres artistes, il devient très vite infréquentable, puis est emprisonné et placé sur la Liste Noire : il lui est désormais impossible de travailler. Grâce à son talent et au soutien inconditionnel de sa famille, Il va contourner cette interdiction. En menant dans l’ombre un long combat vers sa réhabilitation, il forgera sa légende.

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Dalton Trumbo - affiche

Dalton Trumbo – affiche

Dalton Trumbo n’est pas qu’un biopic de plus parmi tous ceux qui déferlent au cinéma. Plusieurs éléments le font sortir du lot, à commencer par Bryan Cranston, nommé à l’Oscar du meilleur acteur, qui transforme formidablement l’essai entre le petit et le grand écran. Captivant, magnétique et charismatique, la star de Breaking Bad, fascine – subjugue même – dans la peau de ce scénariste de l’âge d’or hollywoodien, lunettes sur le nez et fume-cigarette au bec. Cet homme brillant et ambitieux, membre du parti communiste, marié et père de famille, a eu le courage de s’opposer au système, ce qui lui a valu onze années d’exil. Cet aspect tragicomique qui transparaît sur le visage de Cranston rend ce choix de casting tout à fait judicieux et convaincant. Face à lui, la Britannique Helen Mirren, en Hedda Hopper venimeuse, parvient parfaitement à rendre l’absence d’état d’âme de cette chroniqueuse et échotière, convaincue du bien-fondé de ses positions patriotiques. Cette femme a fait jouer sa réputation et ses millions de lecteurs en poussant l’industrie et son réseau à diaboliser, isoler et dénoncer ces individus. En témoigne cette scène avec Louis B. Mayer, incarné par Richard Portnow, où elle exige le renvoi de Dalton Trumbo, rappelant à toutes fins utiles à ce fondateur de la MGM ses racines de petit immigrant juif. Un passage qui nous évoque le livre de Neal Gabler, Le Royaume de leurs rêves, sur la conquête de ces fameux tycoons en Californie. Car le biopic démarre au moment où Trumbo signe avec le studio, devenant le scénariste le plus convoité et le mieux payé d’Hollywood.

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Dalton Trumbo

Dalton Trumbo

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Telle est aussi la complexité d’un personnage qui a toujours eu des convictions bien ancrées à gauche, tout en ayant un train de vie haut de gamme ; le passage où sa cavalière de fille demande à son père ce que signifie ‘être communiste’ illustre toute la singularité du propos. C’est l’une des nombreuses forces de l’oeuvre de Jay Roach, derrière l’excellent téléfilm politique GAME CHANGE sur HBO, des comédies comme Mon beau-père et moi, MOI DÉPUTÉ (notre critique), et prochainement ALL THE WAY pour lequel il retrouve Bryan Cranston en Lyndon B. Johnson, rôle que ce dernier a déjà incarné sur scène. Outre certains clichés, raccourcis ou personnages secondaires traités en surface, le cinéaste concilie avec brio le fond et la forme, à savoir les enjeux socio-politiques, de l’industrie du cinéma et du rêve américain. « Êtes-vous ou avez-vous été membre du parti communiste ? » résonne ainsi comme une migraine incessante. Le choix de se livrer et de dénoncer ses collègues – autrement dit les traîtres ou sympathisants communistes – devient ici le point névralgique du récit.

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Dalton Trumbo

Dalton Trumbo

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On suit dès lors la trajectoire de ce génie de la rhétorique et de la dramaturgie dans une Amérique alors en pleine Guerre Froide, terrifiée par la menace rouge. Si de nombreux films ont abordé le maccarthysme en toile de fond, c’est sans doute la première fois qu’une oeuvre se focalise sur l’un des « Dix d’Hollywood » ayant refusé de témoigner devant la chambre du comité des activités anti-américaines. Une décision qui a valu à ces hommes non seulement d’être inscrits sur la fameuse Liste noire mais aussi de purger plusieurs mois de prison. Victime du maccarthysme, proscrit à Hollywood, Dalton Trumbo n’a pourtant jamais cessé d’écrire, nuit et jour, dans son bureau ou dans sa baignoire (sa marque de fabrique), poursuivant son activité sous divers pseudonymes. À ce titre, on se souvient de l’excellent Le Prête-Nom réalisé par Martin Ritt en 1976, lui-même blacklisté, qui aborde son parcours tout en évoquant en creux la dénonce d’Elia Kazan. Ainsi, durant cette traversée du désert, on doit à Trumbo les scénarios de Vacances Romaines de William Wyler (1953), et Les Clameurs se sont tues (1956), qui remportèrent ironiquement les Oscars sous deux autres noms. Puis, ceux signés de sa patte, dès 1960, pour Exodus d’Otto Preminger, Spartacus de Stanley Kubrick, avec Kirk Douglas, Johnny s’en va-t-en guerre (1971), l’adaptation qu’il a écrite et réalisée de son propre livre, ou encore Papillon de Franklin J. Schaffner (1973).

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Dalton Trumbo

Dalton Trumbo

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Dans ce récit tiré de sa biographie, Jay Roach choisit de privilégier son évolution au sein de sa famille, notamment avec son épouse et sa fille qui parviennent à exister finalement grâce à Diane Lane et Elle Fanning. Mais aussi sa détermination en le transformant en véritable héros de son propre scénario ; un homme qui n’a jamais baissé les bras et s’est battu pour retrouver son identité, sa dignité et (se) rendre justice. Car cette chasse aux sorcières hystérique a brisé des carrières, coûté des vies. Plus qu’un biopic, Dalton Trumbo dévoile une véritable mise en abyme. Bien cadencé et renforcé par la musique, les décors et les costumes, Jay Roach multiplie les points de vue : une ennemie aveuglée par ses propres illusions envers une Amérique qu’elle idolâtre, des stars comme John Wayne, anti-communiste et conservateur farouche, ou Kirk Douglas davantage protecteur, ces indésirables qui tentent de maintenir leur existence, et ces alliés étonnants avec l’entrée de Frank King, personnalité savoureusement campée par John Goodman. Il est l’un des trois frères des productions King, dédiées à des films de séries B, qui a su retourner la situation à son avantage : utiliser le talent de ces scénaristes et faire de l’argent, tout en affaiblissant l’influence de la Liste noire. Mais au coeur de ces bouleversements, ce que l’on retient du biopic plein d’entrain de Jay Roach, au-delà de la performance magistrale de Cranston, est qu’il aborde une réflexion socio-politique toujours sur le fil : la liberté d’expression. Un sujet fragile et sensible bien ancré dans l’air du temps.

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  • DALTON TRUMBO réalisé par Jay Roach en salles le 27 avril 2016.
  • Avec : Bryan Cranston, Helen Mirren, Diane Lane, John Goodman, Louis C.K., Elle Fanning, Michael Stuhlbarg, David James Elliott, Adele Akinnuoye-Agbaje…
  • Scénario : John McNamara d’après l’oeuvre de Bruce Cook
  • Producteurs : Michael London, Janice Williams, John McNamara, Jay Roach, Shivaji Rabat, Nimitz Mankad
  • Photographie : Jim Denault
  • Montage : Alan Baumgarten
  • Décors : Mark Ricker
  • Costumes : Daniel Orlandi
  • Musique : Theodore Shapiro
  • Distribution : UGC
  • Durée : 2h04

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