La Grande halle de la Villette à Paris se transforme en studio de cinéma du 16 avril au 4 septembre 2016, pour célébrer l’univers stylistique de James Bond. Décors, costumes, gadgets, véhicules et bandes sonores contribuent à immerger toutes les générations au sein de la plus persistante franchise d’espionnage de l’Histoire du cinéma.
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Ce n’est pas la première fois que James Bond expose ses archives au public mais jusqu’ici, jamais avec autant d’envergure : 500 objets sont exposés à la Grande halle de la Villette de la capitale parisienne, en incluant pour la première fois au monde ceux du dernier opus, SPECTRE (notre critique). À travers quatorze salles thématiques, le visiteur plonge littéralement dans ses souvenirs. En choisissant une approche thématique plutôt que chronologique, Ab Rogers (chef décorateur), Bronwyn Cosgrave (journaliste de mode chez Vogue britannique) et Lindy Hemming (créatrice de costumes) ont évité bien des pièges.
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UN DÉCOR DIGNE DE KEN ADAM
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Tout d’abord, le lieu est digne de l’univers porté à l’écran par Cubby Broccoli et Harry Saltzman. La Grande halle de la Villette évoque la silhouette du plateau 007 des studios de Pinewood et, juste à ses côtés, sur la même esplanade, l’esthétique de la Philharmonie de Paris rend hommage aux repères gigantesques des méchants de la franchise, sortis de l’imagination de Ken Adam, qui a nous quitté le 10 mars dernier à l’âge de 95 ans. C’est cet homme qu’il faut célébrer en premier lieu. De nombreux croquis magnifiques permettent de comprendre la passage à l’écran des romans de Ian Fleming. Outre les castings, ce sont bien les lignes de fuite des décors de Ken Adam – par ailleurs fidèle de Kubrick, grâce auquel il remportera un Oscar pour Barry Lindon -, qui donnent un ton immédiatement reconnaissable de l’esthétique des James Bond. Ils sont devenus cultes, même si Ken Adam a rendu les armes en 1981 à son fidèle collaborateur, Peter Lamont, décorateur oscarisé pour Titanic.
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Les volets Austin Powers ou Moi, Moche et Méchant incarnent aujourd’hui encore l’esprit Blofeld et les décors démesurés. La production d’un film entraîne bien des problèmes techniques : pour L’Espion qui m’aimait, il n’existait pas de plateau assez grand pour y installer un plan d’eau à destination des sous-marins nucléaires, qui étaient presque à leur échelle réelle. Cubby Broccoli a finalement décidé de faire construire un gigantesque plateau aux studios de Pinewood, dans lequel Ken Adam a réalisé l’un de ses plus beaux décors. Au fil de la visite, l’exposition nous offre croquis, maquettes de décors et story-boards, l’ensemble du processus créatif autour de la mise en image du scénario. Parmi les maquettes les plus impressionnantes, celle du palais de glace de Meurs un autre jour (2007) ou bien celle d’un palais vénitien pour Casino Royale (2006).
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COSTUMES ISSUS DE LA MÉMOIRE COLLECTIVE
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On peut noter que le bureau de M, avec un amusant jeu de portes ouvertes, rend un très bel hommage à son interprète Bernard Lee et occulte totalement l’incarnation féminine faite par l’excellente Judi Dench pendant sept films. Une manière d’avouer qu’avec la disparition en 1994 de Cubby Broccoli et de sa pugnacité artistique, le style des James Bond s’est fondu dans l’univers codé du luxe et que l’espion le plus sexy de Sa Majesté ne fait plus la mode, il l’a suit. L’univers stylistique des James Bond s’exprime aussi par les costumes. Ils sont tous là , d’origine ou recréés pour l’occasion : smokings, toute époque confondue, tenues de soirée, habits de combat. Le style de Bond est posé dès le premier opus, Dr. No en 1962 : la coupe « Conduit » de son costume, en provenance des ateliers d’Anthony Sinclair, tailleur réputé du quartier londonien de Mayfair chez qui le réalisateur Terence Young avait ses habitudes. Le style « Conduit » a vêtu Sean Connery tout au long des années soixante. Toutes les générations se retrouvent devant l’amusante vitrine « maillots de bain », qui expose celui d’Ursula Andress (1962), Halle Berry (2002) et Daniel Craig (2007). L’intelligente scénographie met en perpective costumes et photos des films, donnant le vertige d’être dans la scène, comme cette reconstitution du carnaval des morts de SPECTRE, ou encore la convocation de multiples époques autour d’une table de casino. Suspendue au plafond, on découvre la combinaison spatiale de Roger Moore pour Moonraker.
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GADGETS, ARMES, VÉHICULES, TOUT EST LÀ
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Le chapeau d’Oddjob, le pistolet d’or de Scaramanga, la mallette de Bons Baisers de Russie, plusieurs Aston Martin (DB5, DB10) et quasiment l’ensemble des gadgets de la division « Q » sont exposés. Sans doute la partie la plus ludique ; les gadgets se retrouvent tout au long de la visite. Parmi les autres tableaux, l’or met en scène une victime de Goldfinger. L’effet est étonnamment réussi, malgré la simplicité du tableau. Une ode aux séquences d’ouverture, qui ont longtemps permis aux James Bond d’avoir une longueur d’avance sur les autres productions. Le saut sans parachute dans Moonraker, celui à ski d’une falaise dans L’Espion qui m’aimait montrent à quel point ces films savaient mettre la barre toujours plus haute, ambition désormais reprise par Tom Cruise qui, pour MISSION IMPOSSIBLE : ROGUE NATION (notre critique), s’accroche à la porte d’un A 400 en cours de décollage. Dans SPECTRE, Bond se contente de faire exploser un immeuble. Les méchants sont aussi à l’honneur dans une salle, une sacrée galerie de portraits, souvent physiquement typés : balafrés, borgnes, chauves, dentitions métalliques.
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Ainsi, la majesté de l’exposition permet de comprendre d’où vient la longévité de la franchise : une combinaison incroyable de talents. Cubby a créé quelque chose d’unique dans le cinéma ; la seule saga ayant traversé les modes et les styles. James Bond reste un marqueur fort, même s’il n’est plus incontournable dans l’industrie du cinéma et dans le coeur du public 53 ans après ses débuts et 25 aventures à l’écran. Ce succès revient entièrement à Cubby Broccoli qui aimait les formules : « Nous avons une méthode très simple. Nous écrivons l’impossible. Puis nous filmons l’impossible ». Espérons que cette devise permette à la série de trouver un nouveau souffle, une nouvelle ambition, après l’ère Craig qui semble s’achever, avec un bilan artistique mitigé. L’exposition est une belle promenade à travers 50 années de styles, de démesures, d’audace et parfois de clichés. Une superbe occasion de partir à la découverte des derniers secrets de l’espion le plus connu de la planète.
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- James Bond 007 – l’exposition
- Grande halle de la Villette, Nef Sud
- 211 avenue Jean Jaurès, 75019 Paris
- Ouvert tous les jours
- Tarifs à partir de 16,99 €