Synopsis : Après douze ans d’absence, un écrivain retourne dans son village natal pour annoncer à sa famille sa mort prochaine. Ce sont les retrouvailles avec le cercle familial où l’on se dit l’amour que l’on se porte à travers les éternelles querelles, et où on l’on dit malgré nous les rancœurs qui parlent au nom du doute et de la solitude.
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Xavier Dolan aime apparemment revenir tous les deux ans au Festival de Cannes. Après Les Amours Imaginaires (2010), Laurence Anyways (2012), tous deux présentés dans la section Un Certain Regard, et MOMMY (notre critique), lauréat ex-aequo du Prix du Jury en 2014, le cinéaste canadien de 27 ans a de nouveau foulé le tapis rouge en compétition en 2016. S’il concourt dans la cour des grands, son cinéma reste toujours bien planqué dans les jupes de maman et de la famille. Juste la fin du monde est reparti cependant cette fois seul avec le Grand Prix. Le récit, tiré de la pièce éponyme du dramaturge Jean-Luc Lagarce, mort du sida en 1995, se focalise sur un jeune auteur, devenu célèbre, qui décide de retourner une dernière fois dans la maison familiale, après douze ans d’absence, pour annoncer sa mort prochaine. Un sujet dramatique qu’il emballe de manière toujours artificielle, en 1h30, avec un quintet de stars en vogue. Si sa précédente mise en scène était volontairement exaltée, virevoltante et enflammée, elle réduit ici considérablement son cadre en un huis clos où se succèdent essentiellement des gros plans de visages. Dolan prend toujours soin de peaufiner ce qu’il filme. Il cloisonne et presse ainsi cette famille d’exaltés comme le cœur meurtri de ce fils prodigue à l’aube de sa mort, porté par un Gaspard Ulliel taiseux, de retour après sa performance dans Saint Laurent de Bertrand Bonello (critique). Le réalisateur québécois reste cependant fidèle à ses habitudes, avec une bande son omniprésente et à plein volume, qui mêle la partition de Gabriel Yared à de la pop FM, et une esthétique soignée où s’accumulent variations de lumière, envolées lyriques et flous artistiques.
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À l’instar de sa précédente œuvre, Juste la fin du monde est un concentré de longues scènes de dialogues sans fin, de querelles assourdissantes, de déchirements, de rancœur pénible, de regards très évocateurs, aussi, et de non-dits, beaucoup. Le tout veut faire corps avec l’espace, qui se résume à quelques pièces de la demeure, et surtout ce trop-plein d’émotion, enfoui en chacun des personnages, qui n’attend que d’exploser. S’il joue habilement sur le temps – celui qui passe, celui qui reste –, Dolan se répète et donne toujours cette impression de brasser de l’air, via ces hauts et bas permanents vus et revus, sans délivrer un propos réellement consistant. Ainsi, les vannes pleuvent, puis les cœurs se déchirent et les cris déferlent dans ce récit qui appuie à l’excès – le temps d’un après-midi – sur les retrouvailles de cette famille, chamboulée par l’arrivée inattendue de cet être – fils/frère –, porté aux nues, vénéré et transformé en un demi-dieu. Reste que le casting tire malgré tout son épingle du jeu. Nathalie Baye amuse en mère couveuse, perchée et pétillante, gardant précieusement les articles de presse et les cartes postales de son fils chéri. Tout comme Léa Seydoux dans la peau de cette petite sœur qui souffre d’un complexe d’infériorité et qui peine à s’imposer face à un grand frère cynique avec lequel elle est en conflit permanent (Vincent Cassel). Quant à Marion Cotillard en belle sœur, son personnage vraiment délicat et discret tente de trouver sa place au sein de ce cocon familial parfaitement apocalyptique et chaotique.
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- JUSTE LA FIN DU MONDE écrit et réalisé par Xavier Dolan en salles le 21 septembre 2016.
- Avec : Gaspard Ulliel, Nathalie Baye, Léa Seydoux, Vincent Cassel, Marion Cotillard…
- Production : Nancy Grant, Xavier Dolan, Sylvain Corbeil, Nathanel Karmitz, Elisha Michel Merkt
- Photographie : André Turpin
- Montage : Xavier Dolan
- Décors : Colombe Raby
- Son : Sylvain Brassard
- Musique : Gabriel Yared
- Distribution : Diaphana
- Durée : 1h35
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