Le président George Miller, accompagné de son jury, a dévoilé les récipiendaires de cette 69e édition du Festival de Cannes ce dimanche 22 mai 2016 au Grand Théâtre Lumière : la palme d’or a été attribuée à Ken Loach pour son bouleversant drame social, Moi Daniel Blake, qui a été projeté à l’issue de cette soirée de clôture.
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Au terme d’une compétition souvent inégale, les membres du jury présidé par l’Australien George Miller ont déjoué toutes les attentes. Exit les grands favoris comme TONI ERDMANN (notre critique) de l’Allemande Maren Ade, bijou d’humour et d’émotion sur un père et sa fille, ou bien ELLE du néerlandais Paul Verhoeven (notre critique), avec une Isabelle Huppert au sommet de son art.
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Après dix jours plongés dans l’effervescence d’un festival, qui offre toujours une fenêtre sur le monde (dixit Marthe Keller), et vingt et un films en compétition – à savoir trois de plus que l’année dernière -, le palmarès se révèle en demi-teinte. On peut malgré tout se consoler d’une Palme d’or méritée et méritante. MOI DANIEL BLAKE (notre critique), le supposé « vrai dernier » film de Ken Loach, est un important drame social, sans concession et réaliste, centré sur un menuisier de 60 ans en lutte pour récupérer les indemnités auxquelles il a droit, à la suite d’une crise cardiaque.
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« Le cinéma fait vivre l’imagination mais nous présente le monde dans lequel nous vivons » a déclaré Ken Loach « Ce monde se trouve dans une situation dangereuse. Il est guidé par des idées néo-libérales qui risquent de nous mener à la catastrophe. Elles ont traîné dans la misère des millions de personnes de la Grèce au Portugal » Il a ajouté : « Le cinéma a une tradition de protestation, j’espère qu’elle va continuer. Nous approchons une période de désespoir, qui amène l’extrême droite. Il faut ramener l’espoir! Un autre monde est possible et même nécessaire ». Tel est le poignant discours de remerciement du cinéaste britannique, qui fêtera dignement ses 80 ans en juin prochain. Il rejoint en effet désormais le club privé des doubles primés à la palme d’or, après Le Vent se Lève en 2006, aux côtés de Haneke, Coppola, Kusturica, Imamura, August et les frères Dardenne, lesquels sont repartis bredouille cette année avec LA FILLE INCONNUE (notre critique).
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Du côté des oeuvres appréciables, Le Client d’Asghar Farhadi étonnamment repart avec deux prix, meilleur scénario et prix d’interprétation masculine pour Shahab Hosseini. Si le cinéaste iranien reste dans sa zone de confort avec une même structure narrative, ce drame a néanmoins réussi à séduire le jury. Rappelons que son précédent film LE PASSÉ (notre critique), avait reçu le prix du jury oecuménique et le prix d’interprétation féminine pour Bérénice Béjo.
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Autre oeuvre estimable, AMERICAN HONEY d’Andrea Arnold (notre critique). La cinéaste britannique, qui signe son premier film américain, semble dédiée au Prix du Jury puisqu’elle remporte ce trophée pour la troisième fois après Red Road (2006) et Fish Tank (2009). Elle signe ici un road trip existentiel, à travers les terres du Kansas, centré sur une adolescente en quête de nouvelles expériences, incarnée par une étonnante Sasha Lane, qui fait ses premiers pas au cinéma.
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Les autres films primés ont pour la plupart reçu un accueil mitigé de la part de la critique internationale et française. À commencer par JUSTE LA FIN DU MONDE de Xavier Dolan (notre critique), qui repart cette fois seul avec le Grand Prix, après MOMMY (notre critique) ex-aequo avec le documentaire de Jean-Luc Godard. Le discours exacerbé et larmoyant du cinéaste québécois de 27 ans est à l’image de son oeuvre, centrée sur un jeune auteur qui décide de retourner une dernière fois dans la maison familiale, après douze ans d’absence, pour annoncer sa mort prochaine. Avec une pléiade de stars de renommées internationales, ce drame psychologique est tiré de la pièce éponyme du dramaturge Jean-Luc Lagarce, mort du sida en 1995.
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Quant à PERSONAL SHOPPER d’Olivier Assayas (notre critique) et BACCALAURÉAT de Cristian Mungiu (notre critique), tous deux ont été récompensés pour leur mise en scène. Et alors qu’on attendait Isabelle Huppert dans Elle ou bien encore Sandra Huller dans Toni Erdmann, c’est finalement la Philippine Jaclyn Jose, néanmoins touchante, dans MA’ROSA de Brillante Mendoza (notre critique) qui rafle le prix d’interprétation féminine. Enfin, Jean-Pierre Léaud a reçu une Palme d’or d’honneur pour l’ensemble de son oeuvre des mains de Arnaud Desplechin.
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À l’instar de l’année précédente, la Sélection officielle n’a pas provoqué de réels coups de coeurs. Cependant, les oeuvres fulgurantes, désopilantes et émouvantes, comme entre autres RESTER VERTICAL d’Alain Guiraudie et PATERSON de Jim Jarmusch (notre critique), même si elles ne sont pas récompensées ici, parviendront sans aucun doute à trouver leur vrai public au cinéma.
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Découvrez ci-dessous les lauréats en images et en page suivante le palmarès complet de la Compétition, Un Certain Regard, la Quinzaine des Réalisateurs, La Semaine de la Critique, la Cinéfondation, Cannes Soundtrack, la Queer Palm, la Palm Dog et le prix Fipresci de la critique internationale.
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