Synopsis : Le pacifique royaume d’Azeroth est au bord de la guerre, alors que sa civilisation doit faire face à une redoutable race d’envahisseurs : des guerriers Orcs fuyant leur monde moribond pour en coloniser un autre. Alors qu’un portail s’ouvre pour connecter les deux mondes, une armée fait face à la destruction et l’autre à l’extinction. De côtés opposés, deux héros vont s’affronter et décider du sort de leur famille, de leur peuple et de leur patrie.
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Les adaptations de jeux vidéo à succès, développées directement par les éditeurs avec les majors en étroite collaboration, débarquent sur les écrans. En attendant Assassin’s Creed avec Michael Fassbender en décembre prochain, Warcraft : le commencement propose un univers d’heroic-fantasy où Orcs et humains s’affrontent dans des décors médiévaux et fantastiques dans la pure tradition littéraire d’un Tolkien. Fort d’une masse de fans hardis – des millions de gamers à travers le monde –, Blizzard Entertainment et Universal Pictures ont souhaité privilégier le spectacle en confiant un budget conséquent à un cinéaste de talent, Duncan Jones (MOON, SOURCE CODE). Prise de position forte de la part des studios qui, généralement, privilégient le faiseur respectueux du cahier des charges, au détriment d’une vision personnelle et inspirée. Hélas, toutes ces bonnes intentions parviennent rarement à convaincre. Les qualités de mise en scène de Duncan Jones ne sont pas systématiquement remises en cause ; certains plans construisent une immédiate iconicité, en particulier chez les Orcs, visuellement impressionnants. C’est bien au niveau du scénario, piégé dans certains schémas éculés, que Warcraft s’avère décevant. Il y a d’abord le problème de l’imaginaire lié à l’épopée : cette riche matière symbolique qu’est la mythologie de Tolkien – ou bien celle, plus lointaine, de la Grèce antique –, est pour ainsi dire réduite à sa portion la plus congrue. Le tout avec comme credo un merveilleux qui se doit d’être vraisemblable, à savoir façonné autour de désirs proprement humains, souvent liés à des traumas comme la vengeance, le sacrifice, la trahison, y compris dans le traitement des Orcs.
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Trop respectueux du matériel d’origine, le jargon propre à l’univers, les noms des personnages et les histoires réduisent tout cet imaginaire sans jamais parvenir à le dépasser d’une manière véritablement surprenante. L’écriture de tous ces héros est cousue de fil blanc, les trajectoires et les relations sont unidimensionnelles et univoques. Dans cette volonté de développer un nombre trop important de protagonistes pour contenter les fans, Warcraft parvient rarement à les faire réellement vivre. Le tempo soutenu des premières scènes dans l’univers des Orcs retombe rapidement via un montage alterné des plus hasardeux qui occasionne d’importants problèmes de rythme narratif : le travers du blockbuster numérique, sans doute. Cependant, le film aborde des thématiques pertinentes, comme celle de l’héroïsme et de sa possible crise. En bon conteur d’épopée, Jones rapporte les exploits des héros des deux camps et, à l’instar d’Homère dans l’Iliade, semble plus attaché à la résistance héroïque de Dorutan (Toby Kebbell). Probablement parce que celle-ci naît d’une détermination profonde à protéger son peuple, sa femme et son enfant, à l’image du prince de Troie, Hector. Alors que Lothar, également pourvu d’un fils sacrifiable, ne parvient pas à nous émouvoir ; l’acteur Travis Fimmel ayant moins d’expressions que la motion capture de l’Orc. Ici, ce sont finalement les vaincus qui détiennent la vraie gloire dans l’épopée.
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Le véritable héros épique ne se comprend que dans la mesure où il peut devenir un héros tragique, véritable mesure de son humanité. Et Lothar, rapidement dépendant de son désir de vengeance, ne peut prétendre à cette forme d’héroïsme. Jones le matérialise ainsi, d’où sa difficulté à maintenir un regard aussi admiratif sur l’Alliance des hommes que sur la Horde des Orcs. Aujourd’hui, force est de constater que n’importe quel univers d’heroic-fantasy semble inévitablement comparé et jugé à l’aune de la trilogie du Seigneur des Anneaux tel un énième ersatz, voire à Game of Thrones, à moins de subir un traitement radical tant sur le plan narratif que plastique. Warcraft peut cependant se targuer d’avoir offert un nouveau regard sur cet agent surnaturel du conte que symbolise l’Orc. Bien qu’impressionnants, et même homériques, les duels entre Orcs sont assujettis à une représentation classique, fondée sur une mimèsis de structures intelligibles faite de fictions et non d’images. Dans le cadre d’une écriture cinématographique, cela peut être sujet à caution, sans pour autant bouder notre plaisir.

- WARCRAFT : LE COMMENCEMENT (Warcraft) de Duncan Jones en salles depuis le 25 mai 2016.
- Avec : Travis Fimmel, Paula Patton, Dominic Cooper, Ben Foster, Ben Schnetzer, Robert Kazinsky, Clancy Brown, Daniel Wu, Ruth Negga, Anna Galvin…
- Scénario : Duncan Jones, Charles Leavitt d’après le jeu vidéoludique éponyme de Blizzard
- Production : Thomas Tull, Charles Roven, Alex Gartner, Stuart Fenegan, John Jashni
- Photographie : Simon Duggan
- Montage : Paul Hirsch
- Décors : Gavin Bocquet, Elizabeth Wilcox
- Costumes : Mayes Rubeo
- Musique : Ramin Djawadi
- Distribution : Universal Pictures
- Durée : 2h04
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