Colonia de Florian Gallenberger : critique

Publié par CineChronicle le 28 juin 2016

Synopsis : Chili, 1973. Le Général Pinochet s’empare du pouvoir par la force. Les opposants au coup d’État descendent dans la rue. Parmi les manifestants, un jeune couple, Daniel photographe et son amie Lena. Daniel est arrêté par la nouvelle police politique. Il est conduit dans un camp secret, caché dans un lieu reculé au sein d’une secte dirigée par un ancien nazi. Une prison dont personne n’est jamais sortie. Pour retrouver son amant, Lena va pourtant rentrer dans la Colonia Dignidad.

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Colonia - affiche

Colonia – affiche

Dossier Odessa, Opération Condor, Colonia Dignidad, c’est sur ces événements épouvantables que se projette le bouleversant Colonia. Après Shadows of Time et John Rabe, le juste de Nankin, le réalisateur allemand Florian Gallenberger poursuit sa plongée dans les tourbillons de l’Histoire, souvent méconnus, parfois même oubliés. En 1973, la société chilienne se noyait dans un chaos total. Il y est présent tous les éléments que Lénine évoquait dans son fameux L’État et la Révolution : la naissance du fascisme, l’attitude de haine de la petite bourgeoisie contre les marxistes, les anciens et les nouveaux syndicats locaux et internationaux, les partis de gauche dépassés par la force des masses. Augusto Pinochet a fait trembler le pays et tout le continent américain par son coup d’État. Sur fond social plus que dramatique, le photographe allemand Daniel, incarné par Daniel Brühl, fut arrêté par la DINA et ensuite envoyé à la Colonia Dignidad. Co-auteur du scénario, Gallenberger met ainsi en lumière les expériences de ces ex-colons, recueillies au cours de ses années de recherches. Au sein de ce véritable « État dans l’État », situé à 380 km de Santiago, Paul Schäfer (Michael Nyqvist), ancien caporal de la Waffen-SS, a bâti son « nouveau royaume de Dieu », un camp de concentration cloisonnant des expatriés allemands mais aussi des dissidents politiques chiliens. L’interprétation de Nyqvist est théâtrale, comme toujours, mais son personnage caricatural révèle les terribles actes de pédophilie et de répressions envers ses prisonniers que cet homme a commis.

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Colonia

Colonia

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L’approche et l’analyse ne rendent pas vraiment compte de la réalité bien plus complexe. C’est le plus grand reproche de Colonia. Cette horreur s’est en effet produite pendant 30 ans grâce à un réseau maintenu par les services secrets des pays de l’Amérique Latine, le BND – service d’intelligence allemand – et la CIA. Si l’on ignore toujours l’existence du réseau Odessa – une organisation chargée de l’exfiltration des anciens nazis, à l’instar du personnage joué par Nyqvist -, on sait par l’entremise du procès contre Schäfer, suite à son arrestation en Argentine en 2005, que la Colonia était en fait un arsenal sous terrain et un centre d’échange de renseignements. L’ex-nazi a vendu des armes de guerre, fabriquées en Allemagne, à Pinochet et à d’autres dictateurs. La CIA, en perpétuelle lutte contre le camp communiste et soutenant les échanges d’informations entre le Brésil, le Chili, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay, a équipé cet endroit d’un vrai pôle de technologies par des appareils de codage directement reliés à l’Opération Condor.

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De ce point de vue, Colonia n’inclut pas suffisamment de faits pour devenir à l’écran le « choc d’une histoire vraie ». Gallenberger veut nous faire ressentir la peur et la cruauté de ce système d’oppression. Or, son approche devient ici plutôt décor et ne parvient pas à retranscrire toute cette horreur humaine. Car Colonia prend plutôt le chemin de la romance entre la jeune et audacieuse Lena (Emma Watson), désireuse de s’unir avec son amant, et Daniel qui cherche constamment à décrire la société qui l’entoure par ses photos. Dans des plans minutieusement cadrés, Emma Watson et Daniel Brühl parviennent néanmoins à faire vibrer leurs personnages. Et certaines scènes sont filmées avec efficacité : dans les tunnels où la tension se propage et lors des réunions des adeptes de Schäfer – l’humanité y est carrément soumise à l’examen. Mais le déroulement narratif reste en surface et certaines situations s’avèrent peu crédibles dans le contexte, à l’image de ce moment où Daniel est capturé alors qu’il prend des clichés des arrestations des dissidents.

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Colonia

Colonia

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Si Colonia aurait mérité une analyse plus approfondie et à l’aune de la douleur qu’elle a engendré sur le pays, même après la chute du gouvernent de Pinochet, Gallenberger parvient toutefois à (re)mettre en lumière un moment sombre de l’histoire chilienne. Il est intéressant d’ailleurs de découvrir par ce biais le cinéma de Patricio Guzman, grand cinéaste chilien, qui a souvent témoigné des bouleversements sociaux et politiques de cette époque, à l’instar de La Bataille du Chili. Dans le documentaire Rencontre avec Patricio Guzman, filmer obstinément réalisé par Boris Nicot (2014), il indique en outre que « L’État de droit protège les journalistes. Même au cœur d’une bataille rangée, il ne t’arrivera rien »

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Wei Lan

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  • COLONIA réalisé par Florian Gallenberger en salles en France le 20 juillet 2016.
  • Avec : Emma Watson, Daniel Brühl, Michael Nyqvist, Richenda Carey, Vicky Krieps, Jeanne Werner, Julian Ovenden, August Zirner…
  • Scénario : Florian Gallenberger, Torsten Wenzel
  • Production : Benjamin Herrmann, Nicolas Steil
  • Photographie : Kolja Brandt
  • Montage : Hansjörg Weissbrich, Paul Maas
  • Décors : Bernd Lepel
  • Costumes : Nicole Fischnaller
  • Musique : André Dziezuk
  • Distribution : Rezo Films
  • Durée : 1h50

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