CC : Quels sont vos concurrents directs ?
VLK : L’Angleterre essentiellement. Mais Malte a également un crédit d’impôt qu’ils mettent en oeuvre car ils ont des bassins qui attirent certains films particuliers. Chaque pays a une spécificité. La France, c’est un décor, des talents et au final un rapport qualité/prix de plus en plus intéressant. Le désavantage par rapport à l’Angleterre, c’est que notre crédit d’impôt n’intègre pas les dépenses des comédiens, des talents étrangers. En résumé, si je fais venir Brad Pitt en France, son salaire ne sera pas pris en charge dans le crédit d’impôt. En Angleterre, ils le font. Quel intérêt ? En faisant tourner Brad Pitt devant des monuments, c’est très valorisant en termes d’exposition internationale. En France, nous ne le faisons pas. Et c’est dommage, pour le pays et pour la cinématographie à l’international. C’est politiquement incorrect de le demander. On connaît la polémique Maraval, celle des salaires des français très fortement comprimés dans le dispositif du CNC. Cependant, si on pouvait renforcer cette ligne pour permettre d’intégrer, non pas l’intégralité du salaire de l’acteur étranger, mais une partie, cela permettrait d’attirer ces talents en France. Du point de vue de la visibilité du pays et de la cinématographie, c’a de la gueule. Mais on ne peut pas passer derrière Maraval. Regardez comment les salaires des comédiens français sont traités. J’aimerais bien qu’ils fassent la même chose avec les salaires des footballeurs. Cela me rend dingue. Je trouve que c’est un très mauvais procès. Un film, c’est un scénario et un cast. Si vous n’avez pas les comédiens rémunérés en fonction de ce qu’ils méritent, c’est dommage. Les salaires des comédiens étrangers devraient être compris dans le crédit d’impôt international, mais encore une fois, c’est politiquement incorrect. Il s’agit d’un dispositif qui doit échanger dans une loi de finance. Il faut donc faire la demande à un député français : Acceptez-vous que les impôts des français payent les comédiens étrangers ? Avec le crédit d’impôt, le retour sera forcément là.
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CC : Et quel serait ce retour ?
VLK : Le CNC communique sur ce chiffre depuis la modification du crédit d’impôt. Un crédit d’impôt international alloué, c’est 7 euros de dépenses engagées dans la filière et 2,7 euros de recettes fiscales et sociales. Plus simplement, je donne 1 euro de crédit d’impôt international, le producteur étranger en dépense 7 en France (techniciens, location…), et le retour dans les caisses en impôts et en charges sociales payés en France s’élèverait à 2,7 euros. C’est ce qu’on communique aux députés pour la modification du crédit d’impôt sur les VFX. Ils en ont connaissance, mais comment expliquer aux concitoyens qu’ils vont payer pour le salaire de Brad Pitt. L’avantage du crédit d’impôt international, ce n’est que du bénéfice. Pour le crédit d’impôt domestique, c’est plus difficile de calculer quel est l’effet d’aubaine : aurais-je tourné ici de toute façon ou bien ailleurs ? La FICAM communique dessus. Plusieurs films qui devaient se tourner en Belgique sont finalement restés en France grâce à la majoration du crédit d’impôt national. Donc cela fonctionne aussi.
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CC : Qu’en est-il de l’Asie dont vous souhaitez exporter les productions hexagonales tout en attirant les tournages d’un cinéma chinois en plein essor ?
VLK : Intéressante cette question car nous n’avons eu qu’une seule production coréenne en 2015. La Chine est vraiment venue en France grâce à la hausse du crédit d’impôt international, avec un long métrage en prise de vue réelle et trois longs en animation.
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CC : Depuis 2015, il existe Cannes China Summit durant le festival. Est-ce également une vitrine de communication pour favoriser les échanges et les négociations avec l’Asie ?
VLK : Oui, il y a eu effectivement deux éditions qui permettent à des délégations chinoises de rencontrer des professionnels français à l’occasion du festival de Cannes. Tout est orchestré avec le CNC. Pour 2017, le Marché du Film ne fera pas d’événement Chine mais invitera une délégation indienne. Cela ne nous empêche pas de travailler avec le CNC sur une conférence à destination des chinois. Notre objectif est d’approcher chaque année à Cannes les délégations étrangères afin de valoriser le crédit d’impôt international.
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CC : Cette vitrine de communication vous permettra sans doute de doubler les projets. Quels sont vos pronostics pour le futur ?
VLK : Difficile de faire des pronostics, nous n’avons pas de prévisibilité sur le crédit d’impôt. Et parfois les pays viennent pour des raisons autres. C’est toujours très étrange. L’inde, par exemple, a longtemps fréquenté la Suisse pour le Mont Blanc, qui se trouve pourtant également en France. Aussi parce que le pays présente moins de difficultés en termes de visas. Mais à partir de 2017, la France va assouplir les formalités d’entrée sur le territoire afin d’accueillir les équipes étrangères. Nous avons également un ambassadeur et des équipes consulaires pro-actives en Inde. Il y a donc maintenant un intérêt pour eux, peut-être aussi ont-ils épuisé visuellement la Suisse ; il n’est donc pas impossible qu’ils viennent davantage tourner en France. On s’est rendu compte que le crédit d’impôt international pouvait être vraiment attractif pour eux. Bekifre est une superproduction bollywoodienne. Elle succède à Tamasha de Imtiaz Ali, tournée en Corse, avec le crédit d’impôt de 20%.
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CC : Quels sont vos objectifs pour 2017 ?
VLK : C’est une année charnière pour les effets spéciaux. Jusqu’à présent le crédit d’impôt international était conçu pour que les équipes étrangères viennent tourner en France. Si l’animation en a bénéficié, un segment fut moins bien traité : les effets spéciaux numériques. Pour pouvoir bénéficier du crédit d’impôt, l’exigence consistait à demander un million d’euros de dépenses en France. Dissuasif pour les entreprises américaines qui voulaient confier aux sociétés françaises le travail sur les VFX. Rentrer sur un marché avec un million, c’est énorme. La seule société qui a pu bénéficier réellement du crédit d’impôt à ce niveau d’exigence financière, c’est BUF, qui travaille actuellement sur la prochaine série Twin Peaks de David Lynch. Mais la réforme en janvier 2016 a permis de baisser ce niveau à 250 000 euros. Il y aura donc un appel d’air. Film France prépare une plateforme, appelée VFX France, sur laquelle les sociétés d’effets spéciaux qui collaborent avec les étrangers pourront s’afficher. L’annonce sera faite lors du Paris Images Digital Summit. L’idée est de vraiment accompagner les sociétés françaises sur cet affichage à l’international et faire en sorte que les sociétés américaines puissent commander les effets spéciaux en France. Autre nouveauté : la plateforme Blackpills. Il s’agit de produits directs destinés à des productions courtes de dix minutes pour les nouveaux médias, comme le téléphone portable et le web. Ce sont des produits qui ne trouvent pas leurs places dans les dispositifs d’aides au CNC. Comme le crédit d’impôt international n’est pas limité en termes de médias ciblés cinéma et télévision, cela permet d’accueillir des nouveaux types de produits en développement, à l’instar de la VR. 2017 sera donc l’année du VFX au regard du crédit d’impôt international alors que 2016 a été l’année du décor grâce à Christopher Nolan pour Dunkerque et Befikre avec sa coloration Paris romance bollywoodienne.