Livre/ Drive-in & Grindhouse cinema par Régis Dubois : critique

Publié par Jacques Demange le 11 mars 2017

Résumé : L’ouvrage s’intéresse aux films d’exploitation diffusés dans les drive-in et les grindhouse au cours des années 1950 et 1960 aux États-Unis. En France il n’existe pas de traduction précise pour évoquer ce cinéma. Relativement peu de films d’exploitation ont été diffusés dans l’Hexagone au moment de leur sortie (en particulier ceux des années 1950 et 1960), et si c’était le cas, ils n’étaient pas considérés comme tels. Il semble aussi hasardeux de limiter cette cinématographie à la seule période post-1950, qui correspond à leur âge d’or, étant donné que plusieurs jalons du cinéma d’exploitation remontent aux années 1930 et même au-delà. Il est pareillement compliqué d’en limiter le corpus à la seule production nord-américaine puisque nombre de films d’exploitation proviennent d’autres pays (Philippines, Mexique, Italie…). Quant à parler de « genre », l’exercice semble plus que jamais périlleux tant ces productions empruntent à tous les univers, du film d’horreur à la science-fiction en passant par le drame social et la parodie.

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Drive-in et Grindhouse cinema - couverture

Drive-in & Grindhouse cinema – couverture

Films de série B et Z, grindhouse et midnight movies, difficile de s’y retrouver entre ces différentes terminologies que synthétise celle de cinéma d’exploitation. L’étude de Régis Dubois, auteur, journaliste, enseignant en cinéma et audiovisuel ou encore réalisateur d’un documentaire consacré au cinéma d’exploitation, permet donc d’abord d’y voir plus clair à l’intérieur de cette foisonnante cinématographie encore peu connue du grand public. Dans son introduction, qui offre un panorama à la fois concis et instructif de la société américaine des années 1950 et 1960 ainsi qu’un retour assez développé sur la situation du cinéma de l’époque, l’auteur en vient à définir le cinéma d’exploitation comme « la part sombre de l’Amérique mais aussi le côté obscur de la cinéphilie. ». Il est vrai qu’à la lecture des synopsis des 101 films analysés par l’auteur, on ne peut qu’être impressionnés par l’audace et la liberté des sujets abordés. Indépendance de ton mais pas de goût, au vu du succès jamais démenti de ces films sur le public adolescent, mais pas seulement. Destinées à être projetées dans les grindhouses (salles spécialisées) et les drive-in, ces productions constituent une filmographie parallèle à celle généralement étudiée par les histoires du cinéma traditionnel. Si Régis Dubois ne vise pas l’exhaustivité, son ouvrage prend néanmoins la forme d’une véritable encyclopédie. Défiant les impasses de la catégorisation générique, l’auteur propose une approche chronologique qui lui offre une certaine marge de liberté dans sa sélection des films. Hétéroclite et naturellement iconoclaste, celle-ci s’attarde sur les classiques (Blood Feast de Herschell Gordon Lewis ; Plan 9 from Outer Space d’Ed Wood ; Faster Pussycat ! Kill ! Kill ! de Russ Meyer), les nanars les plus improbables (Bela Lugosi Meets a Brooklyn Gorilla ; Santa Claus Conquers the Martians ; Jesse James contre Frankenstein) et les franches réussites du genre (The Sadist de James Landis ; Dementia de John Parker ; The Trip de Roger Corman ; Le Carnaval des âmes de Herk Harvey).

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Faster Pussycat Kill Kill

Faster Pussycat! Kill! Kill!

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Au fil des pages, le lecteur découvre des figures injustement méconnues, des patronymes derrière lesquels on devine la présence d’obscurs pseudonymes, mais aussi des noms qui lui seront plus familiers (Jacques Tourneur, William Castle, Francis Ford Coppola, George Romero, et même Buster Keaton). C’est dire si le cinéma d’exploitation rassemble les extrêmes ! Espérons que cette exégèse savante et amoureuse parvienne à convaincre les éditeurs DVD à multiplier les ressorties de ces films en version restaurée encore difficilement visibles en France. L’enthousiasme tout à fait communicatif de l’auteur excuse ses prises de position quelque peu radicales à l’égard du cinéma classique hollywoodien qui mériteraient d’être nuancées. Ainsi de l’absence dans son introduction de Dorothy Arzner, qui officia au sein du système des studios en tant que monteuse, scénariste mais aussi réalisatrice, ou de certains cinéastes et producteurs qui eurent le courage de se battre pour réaliser des projets novateurs et audacieux à une époque où le Production Code (Code Hays) commençait à s’imposer (le meilleur exemple étant sans doute celui de Irving Thalberg et du Freaks de Tod Browning). Ces manques restent cependant mineurs au regard des grandes qualités contenues par cet ouvrage qui apparaît aujourd’hui comme l’une des références françaises en matière de cinéma d’exploitation.

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Blood Feast

Blood Feast

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La réussite de l’étude tient autant à l’écriture experte de l’auteur, qui oscille avec lucidité entre subjectivité cinéphile et objectivité critique, qu’à la très belle mise en page des éditions Imho. Les nombreuses illustrations (photogrammes, reproductions d’affiches, photographies de tournage) participent grandement au plaisir de la lecture et attisent encore le désir de découverte. Les quatre entretiens clôturant l’ouvrage permettent de découvrir les coulisses de la création. Hershell Gordon Lewis (Blood Feast ; 2000 maniacs) revient avec humour sur les difficultés rencontrées avec la gestion du faux sang, tandis que Joe Dante (Piranhas ; Gremlins ; Hurlements) s’interroge sur l’efficience des productions gore récentes et se remémore avec nostalgie ses débuts à l’American International Pictures (AIP) sous l’égide de Roger Corman. On note encore la présence bienvenue d’une bibliographie, d’un index des noms et des films, ainsi qu’une recension des titres de 101 films supplémentaires classés par année. Si ce supplément est intéressant, on aurait pu cependant souhaiter que l’auteur nous livre les sources audio-visuelles de ses recherches (DVD, rétrospectives).

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  • DRIVE-IN & GRINDHOUSE CINEMA -1950’s-1960’s par Régis Dubois disponible aux éditions Imho, Collection « CinExploitation », depuis le 1er mars 2017.
  • 228 pages
  • 18 €

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