Résumé : En 2029, pour accompagner son dernier voyage, Logan bénéficie une nouvelle fois de la musique de Marco Beltrami. Une bande plus originale que le précédent opus, qui avait posé les bases instrumentales, sinon mélodiques. Dans les bacs depuis le 3 mars, édité par Lakeshore Records.
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Dans sa courte carrière, James Mangold a déjà travaillé avec de grands compositeurs : Howard Shore (Cop Land, 1997), Alan Silvestri (Identity, 2003), John Powell (Night and Day, 2010), mais c’est avec Marco Beltrami qu’il reste le plus fidèle, avec 3h10 pour Yuma (2007) et les deux derniers opus de Wolwerine. À la vision et à l’écoute de Logan, on ne peut qu’approuver la qualité du duo. Mangold ancre d’emblée son long métrage dans la réalité : un vol de voiture, une bande de junkies, une bagarre qui tourne immédiatement au massacre. La musique n’est pas orchestrale, elle est audible par les protagonistes, un rap à charge. Ce n’est qu’à la fin du générique, lorsque Logan se lève, après une démonstration de forces et de faiblesses, pour reprendre le volant de sa Chrysler 2024 dont il est le chauffeur, que la musique commence. C’est le premier morceau magique de cette bande originale, ce thème principal au piano qui marque immédiatement le pas avec le score que Beltrami avait proposé pour le précédent opus de l’homme-loup. De cette manière, il situe immédiatement la maturité du héros, les violons se glissent en arrière plan pour ajouter à la gravité de la situation. Mais l’instrument principal reste le piano, qui va incarner Logan jusqu’au bout. Ce thème principal détonne par sa profondeur, on ne l’attend pas à la dixième minute d’un film de super-héros : lequel se contente d’un simple piano ?
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S’éloignant du contrepoint, la grande scène dans laquelle Logan, Laura et Xavier s’échappent de leur planque, dans un endroit désertique, sera de bruit et de fureur. La jeune Laura a peur, « That’s not à Choo-Choo » lui répond Logan. La scène évoque inévitablement Mad Max Fury Road, dont tout le film semble un constant rappel. Mangold a d’ailleurs annoncé la ressortie d’une version en noir et blanc de Logan, une belle idée, à l’image de celle de George Miller. Deux oeuvres qui se font échos. Mais si Mangold n’a pas le panache de George Miller, la musique de Marco Beltrami peut se comparer utilement à celle de Junkie XL. Une base est commune, elle rappelle John Powell. Mais Beltrami s’en éloigne en introduisant les percussions orientales, déjà apparues dans The Wolwerine – Le Combat de L’immortel (celles des derniers Samouraïs ou des premiers Ninjas). On entre également dans l’univers de Tōru Takemitsu (RAN, ou encore le magistral Taiko Drum Opening de Soleil Levant). Ces tambours martèlent les scènes, les personnages et font battre le coeur des spectateurs. On les retrouve tout au long du film, et plus fortes encore vers la fin lorsque Logan court dans les bois avant de livrer bataille. La musique de Beltrami est, dans ces moments, viscérale.
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Puis James Mangold s’amuse à rayer ses plans (deux scènes cadrées derrière un train en marche qui rayent horizontalement l’image ; plan de Logan qui s’enfuit avec Laura en voiture à travers champs, créant une diagonale montante de poussière blanche au milieu d’un écran entièrement végétal ; plans au dessus des fils électriques qui forment des X). La musique de Beltrami répand alors une mélasse cauchemardesque dans laquelle s’enfonce inexorablement Logan à mesure qu’il se débat, tel un Terminator en lutte jusqu’à la dernière étincelle. La comparaison avec Terminator n’est pas innocente, on retrouve musicalement la force implacable du héros métallique composé par Brad Fiedel, dont Beltrami continue d’être un digne successeur. Le morceau s’intitule d’ailleurs El Limo-nator. Au volant de sa limousine, la musique décrit Logan comme un animal pris au piège, un animal intelligent qui comprend sa situation et devient fou. Le morceau est un mille-feuille de couches musicales : une lancinance horrifique dont Beltrami est devenu le spécialiste, des percussions orchestrales d’une violence extrême et pour finir un piano désorienté, incarnant l’esprit de Logan.
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Le morceau qui accompagne l’arrivée du docteur Rice est hérité de John Carpenter. On a souvent présenté Beltrami comme le successeur de Jerry Goldsmith, ce n’est pas faux mais injuste. S’il n’a le talent de son maître, il est aussi influencé par d’autres, dont John Carpenter, l’inventeur de la musique électronique sur des scènes de suspense ou d’horreur. Beltrami s’est fait au fil du temps le spécialiste du cinéma d’horreur, ayant collaboré sur les sagas Scream, The Crow, Resident Evil, Blade ou encore Hellboy. Mais, à la différence de l’économie instrumentale de Carpenter, Beltrami déchaîne littéralement ses instruments. Écouter une bande originale suffit pour avoir peur, les images deviennent optionnelles. À l’opposé des Marvel produits par Disney, le film de Mangold pour la Fox insiste sur la réalité. Des mutants ne sont pas des super-héros mais des humains un peu spéciaux. La musique n’inonde pas le récit, elle est souvent mixée sous les bruitages, laissant le réel pénétrer en priorité l’émotion des spectateurs. Beltrami créé un climat, souvent sous-jacent et qui parfois prend le pas pour augmenter la violence, comme on pousse le curseur de volume sonore de ses écouteurs. Quelques passages sont moins inspirés, notamment les scènes tristes qui parsèment l’histoire, dans lesquelles le terrain cinématographique et musical est connu. Sans être banal, elles ne sont pas au niveau du reste de l’oeuvre. La dernière scène dans laquelle figure Logan aurait pu se passer de musique. À contrario, celle qui illustre le tout dernier plan absolument génial, avant le générique de fin, qui pourrait à lui seul résumer tout le film, est d’une réelle perfection.
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Logan par Marco Beltrami
Durée : 58 minutes
- Main Titles
- Laura
- The Grim Reavers
- Old Man Logan
- Alternate Route to Mexico
- That’s Not a Choo-Choo
- X-24
- Gabriella’s Video
- To the Cemetery
- Goodnight Moon
- Farm Aid
- Feral Tween
- Driving to Mexico
- You Can’t Break the Mould
- Up to Eden
- Beyond the Hills
- Into the Woods
- Forest Fight
- Logan vs. X-24
- Don’t Be What They Made You
- Eternum – Laura’s Theme
- Logan’s Limo
- Loco Logan
- Logan Drives