Résumé : Témoin de la décennie meurtrière des années 70, la commedia all’italiana fut l’une des empreintes cinématographiques laissées par les traumatismes de la société italienne. Aujourd’hui, avec le recul de l’histoire, le cinéma comique italien apparaît comme un observateur privilégié. Des auteurs de comédies tels que Dino Risi, Mario Monicelli, Ettore Scola, Lina Wertmüller, Luigi Comencini, Luigi Zempa ou encore Marco Ferreri, se penchèrent sur les problèmes de société et de violence, et proposèrent un vrai examen de conscience et une réelle critique identitaire sur une page obscure de l’histoire de l’Italie.
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Le Fanfaron, Divorce à l’italienne, Le Pigeon… Génération après génération, la comédie transalpine continue de fédérer les cinéphiles du monde entier autour d’un rire lucide et hautement satirique. Il aura pourtant fallu un certain nombre d’années pour que ce corpus de films soit enfin évalué à sa juste valeur (notamment par le biais des travaux de Jean A. Gili). Preuve que son apport critique et théorique reste fécond, avec ce Rire de plomb mené de main de maître par Rémi Fournier Lanzoni, professeur à Wake Forest University (Caroline du Nord, USA). En distinguant la « Commedia italiana » et la « Commedia all’italiana » (la « comédie à l’italienne » donc), l’auteur dessine avec précision les contours d’un genre singulier et contextuel. Né dans la mouvance du néoréalisme, tirant ses origines de la scène du théâtre populaire (la fameuse « Commedia dell’arte »), l’art des réalisateurs – mais aussi des scénaristes et des acteurs dont Fournier-Lanzoni souligne bien l’importance – de la comédie à l’italienne (Mario Monicelli, Dino Risi, Luigi Comencini, entre autres) s’épanouit dans la description de milieux sociaux travaillés par le boom économique des années cinquante. Ce lien direct entre la réalité historique et la situation comique conduit Fournier Lanzoni à circoncire sa réflexion à l’intérieur de la seule décennie des années soixante-dix. En analysant avec minutie cette période marquée par un radicalisme politique ambiant et la forte popularisation du nouveau médium télévisuel, l’étude contextualise fort pertinemment son objet d’étude. Les exemples sont nombreux, oscillant entre les incunables (Amarcord, Les nouveaux monstres, Pain et Chocolat, Le Grand Embouteillage) et les Å“uvres moins connues (ainsi du beau retour sur la filmographie de la réalisatrice Lina Wertmüller). Dans les deux cas, l’auteur parvient à surprendre le lecteur par la précision historique de ses développements. Ce prisme interprétatif permet notamment de souligner l’évolution du genre, passant du cynisme au grotesque animé d’une énergie carnavalesque (La Grande Bouffe de Ferreri). On pourra cependant regretter que les questions de forme soient trop souvent oubliées, un manque en partie excusé par l’esprit du registre comique effaçant à dessein toute trace de mise en scène trop voyante qui risquerait de nuire à la réussite de ses effets. Assorti d’annexe étoffées (le palmarès italien lors des différents festivals internationaux, des statistiques revenant sur la popularité nationale de la comédie), cet ouvrage associe avec bonheur l’excellence scientifique et le plaisir cinéphile.
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- RIRE DE PLOMB. LA COMÉDIE À L’ITALIENNE DES ANNÉES 70 par Rémi Fournier-Lanzoni disponible aux éditions L’Harmattan, Collection « Champs visuels », depuis le 15 mai 2017.
- 264 pages
- 25,65 € (version éditeur) – 20,99 € (numérique)