Résumé: Quand on pense au cinéma noir américain des années Obama il nous vient tout de suite à l’esprit des titres comme La Couleur des sentiments, Le Majordome, Selma, Django Unchained ou 12 Years a Slave tous sortis entre 2009 et 2016. Beaucoup de films évoquant l’histoire des Afro-Américains en somme (l’esclavage, le racisme, la ségrégation, la lutte pour les droits civiques). Faut-il y voir une simple coïncidence ou une véritable tendance ? Comment en effet ne pas imaginer que l’élection d’un Noir à la tête d’une nation travaillée depuis toujours par la question raciale n’a pas eu un effet sur la production de films ?
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Accordons-nous dès à présent avec les premiers propos de l’ouvrage pour déclarer que l’élection de Barack Obama, le 4 novembre 2008, apparut comme un petit miracle en soi. Au-delà de la sphère politique et du contexte national, la joie et l’enthousiasme qui accompagnèrent son investiture prenaient une valeur universelle, son slogan de campagne, « Yes We Can » semblant finalement s’adresser à l’ensemble des peuples de la planète (et pas seulement à ceux du monde occidental). C’est dire si le 44ème Président des États-Unis ne fut pas comme les autres, une idée que développe longuement Régis Dubois, spécialiste du cinéma afro-américain et qui a récemment publié une excellente étude consacrée au cinéma d’exploitation, rappelant la valeur éminemment culturelle qu’incarna Obama durant ses deux mandats. Fort de ce constat, l’auteur s’interroge : existe-t-il un « cinéma obamanien », un peu comme on avait pu parler d’un « cinéma reaganien » dans les années quatre-vingt ? D’un seul point de vue statistique, la chose est certaine : la présidence d’Obama a exercé une influence positive sur la production cinématographique de son pays, au regard du nombre croissant de nouveaux réalisateurs afro-américain depuis 2009 (Ava DuVernay, Justin Simien, Nate Parker…). Dubois revient d’abord sur l’histoire du cinéma Noir américain (de la Blaxploitation des années soixante-dix au cinéma New Jack des années quatre-vingt-dix), avant d’entreprendre un examen critique des plus intéressants. Sous l’ère d’Obama, le cinéma ayant trait de près ou de loin à la question afro-américaine semble s’être aseptisé. Fini les revendications politiques ou culturelles des décennies passées, bienvenue aux happy-ends et autre feel good movies. Avec intelligence, Dubois relie cette tendance à certaines valeurs propres au premier mandat du Président qui semblait calmer les conflits raciaux, en évitant habilement de trop s’attarder sur le sujet. En résulte la persistance de certains stéréotypes, que ceux-ci soient en lien avec la relation entretenue par les personnages noirs et blancs, ou avec une question aussi délicate que celle du colorisme.
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Cet essai permet donc de poser un nouveau regard sur certaines productions bien connues du public (de La Couleur des sentiments à Loving). Mais si le cinéma mainstream l’emporte lors du premier mandat, le second accueille des films indépendants, souvent plus lucides et critiques à l’égard de la situation raciale de leur pays (Fruitvale Station, Moonlight). À nouveau, Dubois perçoit cette évolution à la lumière du changement d’attitude qui accompagna le second mandat d’Obama. La lecture de ce Cinéma Noir américain des années Obama se révèle passionnante, l’auteur n’hésitant pas à s’attarder sur une thématique, l’esclavage, qui permet à Dubois de dresser un intéressant comparatif entre Twelve Years a Slave et le récent The Birth of a Nation ), un genre (la comédie romantique) ou même un réalisateur (Tyler Perry, encore trop peu connu en France) tout en accordant une place de choix aux questions de forme. Si le cinéma « obamien » a pu souffrir de compromis, ceux-ci restent des dommages mineurs face à l’importance d’avancées qui, espérons-le, sauront être sauvegardées à cette époque où le conservatisme belliqueux et hypocrite semble être revenu sur le devant de la scène politique internationale.
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- LE CINÉMA NOIR AMÉRICAIN DES ANNÉES OBAMA (2009-2016) par Régis Dubois disponible aux éditions LettMotif depuis le 3 mars 2017
- 180 pages
- 22 € (broché) – 11,90 € (numérique)